Pascale Le Néouannic, secrétaire nationale du Parti de Gauche, revient sur le rapport Jospin sur la réforme des institutions, qui « légitime le cumul », « ridiculise la proportionnelle » et oublie « la démocratie sociale, les libertés fondamentales et, encore une fois, l’égalité femme/homme ».
Le rapport de la commission présidée par Lionel Jospin sur la rénovation et la déontologie de la vie publique (quel titre pompeux!) fait penser à une phrase du roman Le guépard : « Il faut que tout change pour que tout reste pareil. » Passons rapidement sur la composition et les méthodes de travail de la commission, reflet de l’entre-soi, avec Lionel Jospin pour le PS, Roselyne Bachelot pour l’UMP et des « experts », dans un groupe de travail censé répondre au divorce consommé entre citoyens et élites. En excluant les représentants des autres courants d’opinion, en travaillant à huis clos, la commission ne risquait pas de représenter, ni même de connaître les aspirations du peuple.
De Gaulle disait de la Ve République : « Ce que j’ai essayé de faire, c’est d’opérer la synthèse entre la République et la monarchie. » Lionel Jospin s’y emploie à merveille. Après avoir imposé, contre l’avis d’une partie de sa majorité, l’inversion du calendrier électoral en 2001, en faisant dépendre les élections législatives de la présidentielle, il propose d’aggraver les dérives monarchiques du régime en réduisant encore le délai entre ces deux scrutins. Qu’importe pour lui si les législatives battent des records d’abstention (près de 45% en 2012) tant que le bipartisme est renforcé !
Autre trouvaille : pour se présenter à la présidentielle, il faudrait, au lieu d’avoir 500 signatures d’élus, être parrainé par 150 000 personnes ! Du coup, près de 20 % des électeurs et électrices d’Eva Joly – et le chiffre est de 75 % pour Nathalie Arthaud – seraient obligés de révéler publiquement leur vote, et ce malgré le principe constitutionnel du secret du vote ! Bizarrerie des chiffres, 150 000, c’est à peu près le nombre d’adhérents revendiqués par l’UMP et par le PS… Bref, « renforcer la démocratie », c’est exclure toutes celles et tous ceux qui peuvent représenter une alternative !
Comme si ça ne suffisait pas, on veut aussi limiter l’égalité des temps de parole entre candidats dans l’audiovisuel aux 15 derniers jours de campagne, contre un mois aujourd'hui ! Comme ça, même si des candidats autres que ceux du bipartisme arrivent à se présenter malgré le verrou des parrainages, ils n’auront pas le droit de s’exprimer dans les médias. Belle égalité républicaine…
Quant à la « limitation » du cumul de mandats proposée, elle légitime en fait le cumul : seul le cumul parlementaire/fonction exécutive locale est interdit. Et comptons sur les cumulards du PS, comme les sénateurs-maires de Dijon ou de Lyon, pour obtenir que cette règle, si peu contraignante, ne s’applique pas au Sénat…
La vacuité saute encore plus aux yeux à l’examen des propositions de réforme des élections législatives et sénatoriales. Pour l’Assemblée, où PS et UMP ont plus de 80 % des sièges en ayant obtenu à eux deux à peine 30 % des voix des inscrits, la proposition d’introduire une dose de proportionnelle sur seulement 10 % des sièges ridiculise l’idée même de proportionnelle. D’abord, ce n’est que la reprise d’une promesse de campagne du candidat… Sarkozy ; comme quoi, il n’y a pas que sur le traité européen d’austérité ou sur la TVA que le PS plagie Sarkozy. Mais, surtout, avec ce système, le PS perdrait seulement une dizaine de sièges par rapport à aujourd'hui alors qu’il aurait environ 110 sièges de moins avec la proportionnelle intégrale. Et le Front de gauche – 11% à la présidentielle – gagnerait seulement 3 sièges quand il est aujourd'hui sous-représenté de 30 sièges !
Pour le Sénat, le rapport prêche pour un tour de passe-passe, en renforçant le poids des conseillers régionaux et généraux, où le PS est majoritaire, parmi les grands électeurs, pendant que Hollande annonce la prolongation d’un an de leur mandat, afin d’assurer aux socialistes un paquet de votes pour les prochaines sénatoriales…
Les grands oubliés du rapport sont la démocratie sociale, les libertés fondamentales et, encore une fois, l’égalité femme/homme. Rien sur l’absence de pluralité d’opinion dans les médias, notamment audiovisuels ! Rien sur la criminalisation croissante de l’action syndicale : pas d’amnistie pour les militants syndicaux ! Et, dans le concert de satisfecit, on trouve le FN, digne représentant du clan des cumulards et où le pouvoir se transmet de père en fille sur un mode monarchiste. Décidemment, la société et les institutions politiques françaises ont besoin d’autre chose que de mesures-gadget. Vite, la VIe République !