Lettre ouverte aux élu-e-s de la majorité du Conseil Régional
Cher-e-s ami-e-s élu-e-s et «camarades», vous allez exercer pour cinq ans, soit au-delà de 2017, un mandat au sein de l'Assemblée Régionale de Bretagne. Je tiens, en toute modestie, à vous adresser, un message d'encouragement. Je ne vous cacherai pas que j'ai quelques inquiétudes. Vous le savez : Il n'y aura pas d'écologistes dans l'assemblée régionale... Je veux dire pas d'écologistes en capacité de s'appuyer sur une pensée collective, dont les socles: justice pour l'humanité et soutenabilité pour la planète constituent la force vitale d'un projet de Gauche.
Pas de sièges «verts» dans l'hémicycle de Courcy : une situation qui fait reculer le Conseil Régional de 24 ans, avant 1992... Quelle ironie de l'histoire au moment où la COP21 nous appelle à agir fermement et vite et donc ensemble. A court terme et donc à courte vue, cela peut paraître rassurant pour les tenants d'une pensée entièrement fondée sur la foi dans la croissance, le productivisme, l'exportation d'un modèle dont on sait qu'il appartient au passé. Vous pensez avoir gagné.
En effet, avec l'absence des «écolos», c'en est fini des rappels en session du besoin de repenser nos modèles de développement. C'en est fini de l'attention attirée sur les faux-nez de certaines solutions : l'agriculture écologiquement intensive, la voiture électrique, la centrale au gaz, l'aéroport de notre Dame-des-Landes. C'en est fini des propositions alternatives crédibles qu'apportait cette «frange verte», constructive, positive, toujours solidaire quand il s'agissait de défendre les valeurs partagées du projet régional.
Rebelles à certains choix, nous l'avons été, le sommes et le resterons pour défendre avec détermination la réduction des inégalités, la protection de nos ressources : l'eau, les sols, l'air, la force des citoyens et des territoires à inventer et construire une démocratie apaisée et qui retrouve sa vitalité. C'en est fini enfin de ces élu-e-s « sans professionnalisme » attaché-e-s à la nécessité d'un développement durable, condition d'accès pour tous aux ressources et à la dignité. Je le dis sans détour. Celui qui a conduit votre campagne depuis son Ministère a gagné sa bataille, aidé en cela par son titre de ministre régalien au moment où les électeurs réclamaient qu'on les protège contre des dangers venus d'ailleurs. N'est-ce pas un peu cynique ? Le voilà encore et à nouveau le maître incontesté des Bretonnes et des Bretons. Il aura, pour ce faire, débauché Son écologiste, Ses régionalistes et même Ses communistes pour feindre de présenter une liste dite de rassemblement sans aucune référence aux symboles -qu'on appelle aujourd'hui des logos- qui font les identités d'une gauche rassemblée et unie. Le simple respect de la proportionnelle aurait permis qu'au second tour, nous nous rassemblions autour d'un projet partagé, Il semble que les lois de la guerre en aient décidé autrement.
Malheur aux vaincus? Soyons lucides et généreux si c'est encore possible. Que reste-il après la bataille? Comment se prépare-t-on pour les combats à venir? Où sont les enjeux d'une Bretagne éco-pionnière et plus égalitaire avec le modèle persistant de l'agro-alimentaire breton, le saccage de la baie de Lannion, la dépendance aux énergies fossiles centralisés? Où est la Bretagne créative et solidaire, ouverte sur notre Nation, sur l'Europe, sur le Monde? Comment gérer de façon dynamique, notre périphéricité? Quand va-t-on, réellement parler de l'avenir? Bref, et pour résumer, après cette COP 21 qui s'achève avec un résultat que chacun appréciera, quelle terre bretonne et mondiale allons-nous donc laisser à nos enfants? Quelle liberté auront-ils de choisir leur destin et de trouver du sens à leur vie? Car n'est-ce pas là ce qui anime n'importe quel élu-e de terrain ayant une vision du bien commun?
J'ai siégé 14 années au sein de l’Assemblée Régionale. J'ai contribué avec enthousiasme aux politiques qui ont été conduites en particulier auprès des jeunes. Je pense avoir eu le courage, quand il le fallait, d'affirmer la priorité à l'union des forces de gauche pour conforter un projet que je croyais progressiste et novateur. J'ai assumé, sans faillir, ma responsabilité au sein de l’exécutif pour mettre en œuvre le mandat qui m'était confié. Je peux même dire que j'ai été obligée de batailler sans relâche, et même contre ce que je croyais être mon propre camp, pour le faire aboutir. Quel que soit le résultat des élections, je n'aurais pas été parmi les vôtres aujourd'hui, car je me suis appliquée les principes que je défends. Pas de cumul des mandats, ni dans l'espace, ni dans le temps. Je sais, c'est bête, c'est écolo, trop féminin peut-être dans ce monde d'Hommes-Politiques, mais je crois que c'est honnête et digne et c'est ce que réclament les électeurs et surtout, peut-être, ceux qui se perdent dans l'obscurité par l'abstention ou le vote de désespérance. Si je puis me permettre, réfléchissez-y. Il n'existe pas d'homme ou de femme providentiel-le sinon dans l'illusion d'un monde artificiel et passagé Je sais que votre tâche sera rude et vos adversaires redoutables. Si parfois vous vous sentez bien seuls, ne vous plaignez pas. Parlez-en à votre Ministre-Président... Et n'oubliez pas de chercher une autre voie pour la Bretagne. Vous avez fait le triste choix de mettre les écologistes en veille. Ils veilleront.....
Marie-Pierre Rouger Solidairement vôtre..