Billet de blog 18 mars 2015

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Pour le plein exercice du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche !

Quinze universitaires, chercheurs, écrivains ou encore personnalités civiles comme Alexandre Aïdara, ancien coordonnateur du Pôle d'expertise « enseignement supérieur, recherche et vie étudiante » de Terra Nova et aujourd'hui Président du Think Tank Régénération Citoyenne implorent le président de la République de reconstruire d'urgence un "vrai" Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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Quinze universitaires, chercheurs, écrivains ou encore personnalités civiles comme Alexandre Aïdara, ancien coordonnateur du Pôle d'expertise « enseignement supérieur, recherche et vie étudiante » de Terra Nova et aujourd'hui Président du Think Tank Régénération Citoyenne implorent le président de la République de reconstruire d'urgence un "vrai" Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.


31 mars 2014, disparition des radars du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR). Cette éclipse rappelons-le a été provoquée par un accord politique créant un « grand ministère » rassemblant éducation nationale, enseignement supérieur et recherche. Aucune justification objective n’avait vraiment présidé à cette réunification artificielle mais cet accord politique est de toute façon devenu caduc depuis le gouvernement Valls 2.

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une erreur d’appréciation et d’un recul historique si l’on se place à l’aune des intérêts à long terme du pays, de sa jeunesse et de la communauté des enseignants du supérieur et des chercheurs.

La disparition subite d’un Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de plein exercice a mis fin à un progrès réel, que l’on croyait intangible, après la période de 1993 à 1995 puis 7 années consécutives d’existence, de 2007 à 2014. Oui, ce ministère commençait à acquérir sa visibilité, sa capacité de réforme, son autonomie d’action et sa crédibilité internationale !

La « dégradation » du MESR au rang de secrétariat d’Etat présentait-elle au moins une compensation en termes d’efficacité des responsabilités qui sont les siennes ? Assurer un enseignement supérieur de qualité, faire réussir les étudiants, faire progresser la recherche, développer les technologies, piloter les politiques spatiales par exemple ? On a pu penser et dire qu’un « grand ministère » permettrait par exemple de mener une politique plus efficace en matière d’orientation des élèves et de lutte contre l’échec préoccupant en licence à l’université, en rassemblant dans un même ministère les parcours entre BAC-3 et BAC+3.

Mais sur ce sujet, le bilan est bien mince, tandis que des étudiants, des familles, et plus largement le progrès économique et social de la nation, attendent. Attendent encore. De fait, l’ouverture de ce chantier ne nécessitait nullement la création d’un monstre politico-administratif réunissant des sujets hétérogènes. Un pilotage interministériel efficace est en effet la règle pour faire progresser des sujets transversaux et spécifiques nécessitant des synergies.

Quatre raisons au moins nous paraissent justifier la re-création durable d’un ministère autonome de l’enseignement supérieur et de la recherche :

1° Complémentaires mais différents, l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur n’ont pas besoin d’une tutelle unique !

L’Université et les Grandes écoles sont des mondes différents de l’enseignement scolaire par les publics concernés, la différence d’approche pédagogique et les finalités visées. Les recteurs s’occupent en priorité de l’enseignement scolaire, même s’ils conservent le titre désuet de Chanceliers des universités. C’est avant tout la responsabilité des universités de s’engager avec détermination dans une relation constructive avec les lycées, qui permettra d’améliorer l’orientation des jeunes et de réduire significativement l’échec en licence. Pour réaliser cet objectif essentiel pour notre jeunesse, les universités n’ont pas besoin d’une tutelle unique, pesante et rigide, mais plutôt de l’autonomie nécessaire à la réussite de cette mission.

2° Fusionner l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et la recherche, revient à doubler le monstre administratif d’un mastodonte budgétaire de 88 milliards d’euros !

Sur le plan des moyens, la mission recherche et enseignement supérieur représente l’une des plus importantes missions du budget de l’État en termes de crédits. Son budget de 25,7 milliards d’euros (hors pensions), tutoie celui de la Défense (29 milliards) et est très loin devant le budget du Travail et de l’emploi (11 milliards) ou de la Justice (6,3 milliards). La gestion quotidienne de ce monstre administratif ne peut qu’être approximative, et la fixation des priorités, hasardeuse.  

3° Si l’enseignement scolaire est un sujet essentiellement national, la recherche et l’enseignement supérieur relèvent d’enjeux internationaux prioritaires !

Au moment où les espaces européens de la Recherche et de l’Enseignement supérieur se construisent, il devient nécessaire de tisser des coopérations dans tous les domaines scientifiques et technologiques et de promouvoir la qualité de notre enseignement supérieur pour renforcer leur attractivité. Tous les jours, des négociations se mènent au niveau des organismes européens comme l’ESA, l’ESO, le CERN ou des projets comme Ariane.

Il est clair qu’un(e) secrétaire d’Etat démuni(e) de pouvoir, de collaborateurs, dont l’autorité est faible sur les grands organismes de recherche tels que le CNRS, ne peut que se retrouver en position de fragilité dans les enceintes décisionnelles européennes.

4° Le rôle de ce Ministère est aussi de promouvoir l’innovation et de développer le transfert de la recherche vers l’économie et les entreprises.

Dans une société de la connaissance, l’enseignement supérieur et la recherche sont symbiotiques pour générer de l’innovation au bénéfice de tous. Il s’agit d’une mission déterminante, notamment au service de la croissance. Regrouper l’enseignement supérieur et la recherche dans le même ministère, plutôt que de rattacher la recherche à l’industrie, comme certains l’évoquent parfois, c’est aussi concrétiser cette symbiose, et affirmer que c’est elle qui générera de la plus-value économique. Les ponts entre la recherche et l’industrie sont déjà nombreux au niveau des territoires (sociétés d'accélération du transfert de technologies, instituts de recherche technologiques, pôles de compétitivité par exemple). Pas plus que le MESR n’a besoin d’être sous la même tutelle que l’éducation nationale, il n’a besoin d’être sous la même tutelle que l’industrie.

Il s’agit également d’un enjeu sociétal essentiel : la culture scientifique irrigue la société et lui permet de comprendre les enjeux et les défis auxquelles elle est confrontée (la santé, l’environnement, les mutations sociétales, etc.). La montée des obscurantismes et le recul de l’esprit critique à eux seuls pourraient justifier de redonner au ministère en charge de la Connaissance et du Progrès un statut nouveau, puissant et d’abord avant tout son autonomie politique.

Enfin, résoudre la question institutionnelle du périmètre  du MESR ne suffit pas : il faut reposer les questions stratégiques et les questions de fonds en redéfinissant l’ambition de la France pour ses jeunes, sa recherche, sa capacité d’innovation, sa place dans la mondialisation de la connaissance. Pour cela, la question du capitaine ne peut pas ne pas être posée : les progrès en matière d’ESR resteront timides s’il n’y a pas un pilote ayant foi dans ce ministère, déployant une vision stratégique et redonnant une visibilité, une autorité et un poids à ce ministère.

Pour toutes ces raisons, nous demandons au Président de la République de rendre d’urgence au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche son rôle de ministère puissant, piloté par une personnalité forte, pour préparer pleinement l’avenir des jeunes, garantir notre avance scientifique et technologique et œuvrer pour la prospérité économique de la France.

Signataires

Alexandre Aïdara, président du think tank Régénération citoyenne, ancien conseiller de Geneviève Fioraso
Michel Bessière, ancien directeur de la valorisation du Synchrotron Soleil, secrétaire du groupe socialiste d’entreprises ESRI
Alain Beretz, président de l’Université de Strasbourg, président de la Ligue européenne des universités de recherche
Yves Charon, chercheur Plateau de Saclay, synchrotron Soleil
Laurent Daudet, professeur à l’Université Denis-Diderot (Paris 7)
Anais Dechambre, doctorante en droit constitutionnel, Panthéon Paris Sorbonne
Philippe Froguel, professeur à Lille 2, Directeur d’UMR, chercheur à l’Institut Pasteur de Lille, Equipex LIGAN
Bernard Gueguen, responsable du service de neurophysiologie clinique, hôpital Sainte-Anne
Claudine Laurent, ancienne directrice de recherche au CNRS - Coordinatrice Recherche du PRES UniverSud Paris, ancienne membre du cabinet du MENRT (1997)
Ugo Pacifici Noja, docteur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, avocat
Gabrielle Pernal, doctorante en philosophie, ENS Ulm
Manal Ratnane, doctorante en sciences de gestion, Université de Poitiers
Philippe-Michel Thibault, écrivain et auteur de documentaires
Karim Toumi, président fondateur de la start-up Spotwork
Guillaume Tronchet, agrégé et docteur en histoire de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne 

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