Au lendemain des élections d'Eva Joly et François Hollande, il est urgent de «construire le(s) programme(s) politique(s) que nous allons proposer aux Français», estime Jean-Philippe Magnen (EELV), pour construire la victoire, en 2012, de la «sociale-écologie».
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Gare à l'autosatisfaction. Gare aux lendemains qui déchantent. Nous sortons de deux belles aventures de primaires, au Parti socialiste et chez Europe Écologie Les Verts, toutes deux largement enthousiasmantes. Elles ont démontré, à ceux qui en doutaient, l'aspiration des Français à participer à la politique, mais à une autre forme de politique, enfin participative et vraiment démocratique.
Gardons cependant les idées claires. Si la séquence passée, réussie par la méthode, n'inaugurait pas, dans la séquence qui commence aujourd'hui, un autre changement de méthode, le vent qui s'est levé se perdra inévitablement dans le sable de la désespérance... L'échec de la gauche italienne nous en instruit: on peut gagner aujourd'hui les primaires et perdre demain les vraies élections.
Attention au retour de bâton, d'autant plus fort que les primaires ont justement généré de vraies attentes. Sauf à lancer au plus vite un «troisième tour programmatique», nous courons en effet le risque, ou bien de faire gagner une droite détestable et symbolisant la régression sociale, ou bien de devoir à l'inverse nous satisfaire de la victoire d'un modèle d'une gauche sociale-démocrate pour beaucoup déjà épuisé et exsangue, qui se contentera de poser quelques rustines sur un modèle de société en crise profonde.
En résumé, non à une nouvelle Gauche plurielle, avec un PS hégémonique mais non-renouvelé en accord avec des écolos en supplétifs soumis qui ne pèsent pas. Par parenthèse, nous saurons ne pas nous laisser griser par la formule de l'élection présidentielle, avec son étroite «équation personnelle», et nous continuons à en appeler à ce qui a été baptisé «VIe République» par certain(s), à une rénovation profonde de notre système politique –proportionnelle, non-cumul des mandats, décentralisation élargie...– qui nous soulagera de ces opaques négociations entre les appareils avant le passage devant les électeurs...
Il est en effet urgent de construire le(s) programme(s) politique(s) que nous allons proposer aux Français. Il est essentiel de rappeler que notre société traverse une crise qui n'a rien de conjoncturel, que ses paradigmes économiques, sociaux, énergétiques, environnementaux... sont en train de s'effondrer, que nous, écologistes, réunis autour d'Eva Joly, voulons affirmer un projet de société, basé sur une mutation profonde, écologique et solidaire, dans laquelle des «poteaux d'angle» sont incontournables: la sortie du nucléaire en 20 ans et plus globalement la transition énergétique vers du 100% renouvelables à échéance de 2050, une économie écologique et solidaire pour créer des centaines de milliers d'emplois durables, non délocalisables et économes en ressources, une économie qui offre de travailler mieux, travailler moins, travailler tous et toutes, une économie qui réduise les inégalités par un système fiscal plus juste pour permettre à toutes et à tous de vivre dignement (un revenu, un logement pour tous).
Pour permettre de concrétiser cette mutation profonde, nous devrons réorienter certains investissements lourds, cela passera donc par l'abandon de projets d'infrastructures inutiles économiquement et aberrants écologiquement (l'EPR de Flamanville, l'aéroport de Notre-Dame des Landes, certaines LGV...). Il ne suffira donc pas d'imaginer, voire de marketer, un habillage médiatique attrayant pour changer (vraiment) la vie des Françaises et des Français. La gauche sort d'un cycle gagnant de primaires, dont nous pouvons nous féliciter mais dont nous ne pouvons nous satisfaire. Le plus difficile, et le plus important, est devant nous. Ne nous laissons pas aller à la social-démocratie traditionnelle, construisons au contraire les conditions de la victoire de la sociale-écologie.
Jean-Philippe Magnen est membre du bureau exécutif d'Europe Ecologie Les Verts et vice-président du Conseil régional des Pays de la Loire.