Pour Delphine Mayrargue, secrétaire nationale du Parti socialiste à la formation, les Italiens n'ont pas seulement sanctionné la politique d'austérité lors des élections de février, ils ont lancé un message sur la nécessité de « mener une vraie bataille culturelle pour que la politique reconquière la place perdue et n’ait pas peur de la confrontation d’idées ».
Les électeurs italiens ont bien sûr sanctionné, lors des élections générales des 24 et 25 février, la violente austérité imposée par l’Union européenne et incarnée sur place par le gouvernement de centre-droit de Mario Monti. Qui s’en étonnerait ? Pascal Lamy, directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), osant affirmer un matin sur France Culture que « l’Italie va beaucoup mieux, tout le monde le sait »… Tout le monde sauf les Italiens donc ! Toujours cette insupportable arrogance et ces arguments d’autorité assénés avec la même constance que les politiques de rigueur.
L’Italie a exprimé un vote faisant écho au climat de dépression économique et sociale. Mais, au-delà de ce constat, il est intéressant de regarder comment ce vote de sanction s’est manifesté. Bien sûr, la coalition de centre gauche arrive en tête, mais cette première place ne constitue pas une victoire politique et ne lui assure nullement le pouvoir de mettre en œuvre ses engagements. Les scores très élevés de la coalition emmenée par Silvio Berlusconi, d’une part, et, de celle du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, d’autre part, nous bousculent. Dans les deux cas, l’offre politique est populiste et simple, avec une sorte de solution sur étagère : supprimer et rembourser les impôts locaux pour le premier, supprimer les aides aux étrangers, abandonner les projets de TGV ou réduire la semaine de travail à 20 heures, pour le second.
Je prends à dessein, parmi les propositions exprimées par Grillo, celle discriminant les étrangers, et il est probable qu’elle ne recueille pas l’adhésion d’une majorité des électeurs et, plus encore, des élus de son mouvement. Cela doit nous interpeller. Dans un même mouvement –ce qui ne serait pas possible dans un parti intellectuellement et politiquement structuré, du moins pour le moment– cohabitent des impulsions et des solutions moralement et politiquement en contradiction les unes avec les autres. Et c’est là le point commun avec la coalition de Berlusconi : chacun peut y faire son marché et donc trouver chaussure à son pied. Nous sombrons dans le relativisme, toutes les solutions sont posées les unes à côté des autres et chacun se sert dans ce libre-service de la politique. Ce consumérisme omniprésent dans nos sociétés, la capacité à consommer érigée en modèle de réussite, fait le lit du populisme selon la définition qu’en donne l’intellectuel italien Raffaele Simone : « Si le peuple veut une chose contraire à ce que prescrit la loi, c’est le premier qui doit prévaloir » (Le Monstre doux, Gallimard, 2010).
Nous sommes donc en plein populisme, en pleine consommation et en pleine confusion : tout se dit, tout s’achète et tout se vaut. La solution clef en main répond aux exigences du temps : aller vite et apporter une solution pragmatique, immédiatement dépliable. Ce consumérisme bouleverse le temps politique, la confiance dans la capacité du politique à agir, et donc le paradigme de la gauche. Citons encore Raffaele Simone : « La forte propension à la consommation comporte une concentration extrême sur le présent, sur le fait d’avoir et d’agir rapidement. (…) La perception du futur s’affaiblissant, elle se vide et aplatit l’horizon dans lequel les idéaux de gauche (…) se sont constamment définis. »
Voilà, venues d’Italie, des interpellations adressées à toute la gauche européenne : résister à la pensée dominante libérale bien sûr, au dogme de la rigueur et son cortège de maux, mais aussi mener une vraie bataille culturelle pour que la politique reconquière la place perdue, redescende sur la piazza et n’ait pas peur de la confrontation d’idées. C’est ce que nous enseigne le pays de Gramsci.
Delphine Mayrargue, secrétaire nationale du Parti socialiste à la formation