Billet de blog 19 juin 2011

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Futurs accords de gouvernement: les partis doivent définir leurs lignes rouges maintenant

Le mouvement Utopia appele les principaux partis politiques de gauche non pas à définir un programme commun mais les conditions minimum (les «lignes rouges») d'un futur possible accord, afin que les électeurs puissent se déterminer en tenant compte de ce que chaque parti est prêt à sacrifier (ou pas) dans le cadre d'un gouvernement commun et éviter ainsi les errements de la précédente «gauche plurielle».

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Le mouvement Utopia appele les principaux partis politiques de gauche non pas à définir un programme commun mais les conditions minimum (les «lignes rouges») d'un futur possible accord, afin que les électeurs puissent se déterminer en tenant compte de ce que chaque parti est prêt à sacrifier (ou pas) dans le cadre d'un gouvernement commun et éviter ainsi les errements de la précédente «gauche plurielle».

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L’abstention révèle, élection après élection, la mauvaise santé de notre démocratie. La perspective de voir la représentante de l’extrême droite se qualifier pour le second tour, alors qu’au moins 80% des français rejettent cette idéologie témoigne des limites de notre système électoral.

L’élection présidentielle au suffrage universel a construit le mythe d’une démocratie fondée sur la rencontre d’un homme et d’un peuple dont nous mesurons les limites et les dangers. La gauche doit trouver les moyens de dépasser le piège d’une personnalisation excessive de l’élection et faire en sorte que le résultat du vote définisse les contours du projet qui sera mis en œuvre, au-delà des concours de beauté et des rebondissements.

S’il pariait sur son hégémonie à gauche, en tentant de substituer un vote «utile» au débat, le PS contribuerait à mettre en péril la démocratie, ainsi que les conditions d’un rapprochement de la gauche au second tour permettant de répondre aux enjeux soulevés par une crise qui, loin d’être seulement financière, est aussi écologique, sociale et démocratique.

La gauche, si elle revient au pouvoir, sera nécessairement plurielle, autour de trois grandes forces (le Parti socialiste, Europe-écologie-Les Verts et le Front de gauche) exprimant chacune des positions et un projet de société.

Comment permettre alors aux électeurs de mesurer les conséquences de leur vote sur le projet qui sera mis en œuvre?

Au-delà des questions de personnes, deux éléments sont susceptibles de déterminer un vote: l’adhésion à un projet global et/ou le positionnement de chacun des acteurs sur des questions fondamentales. Si chaque électeur pourra se faire une idée sur les projets, il nous semble sain de connaître les «lignes rouges» que chaque parti se fixe en vue de la participation éventuelle à un gouvernement de gauche plurielle. A quelles conditions devient-il possible de négocier un accord de gouvernement? A quelles conditions est-ce exclu?

Sans préjuger des contours de ce que serait un tel accord (comment pourraient-ils l’être avant de connaître les résultats des élections?), chaque parti peut fixer ses lignes rouges et en faire un argument de campagne. Face aux discussions entre appareils dans l’entre deux tours, ces engagements constitueraient un indéniable progrès démocratique et un atout de poids pour les partis qui constitueront les minorités de la gauche.

C’est la raison pour laquelle, contrairement à d’autres initiatives, nous n’appelons pas à une primaire sur le programme. S’il convient d’éviter une atomisation de la gauche, il faut permettre aux forces qui la composent d’exprimer leur projet et de déterminer leurs propres lignes rouges.

En ce qui nous concerne, membres du mouvement social ou d’Utopia, mouvement trans-partis appelant à une véritable transformation sociale et écologique nous estimons que six lignes rouges doivent être établies pour amorcer une réponse à la crise écologique, sociale, financière et démocratique. Nous appelons chacune des forces de gauche à préciser dans quelle mesure elle les considère également comme des lignes rouges en vue de leur éventuelle participation à un mouvement de gauche plurielle.

La première de ces lignes rouges concerne le nucléaire et les questions énergétiques. Il est indispensable d’engager un large débat public sur la transition énergétique qui devra être tranché par un referendum. Le drame de Fukushima interpelle à l’évidence toute la gauche dont une large partie, à l’exception de certains courants du PS, demande l’arrêt progressif du nucléaire. Quelle qu’en soit l’issue, il est impensable de faire l’économie de ce débat et de se prononcer sur les échéanciers de cette nécessaire transition énergétique.

La deuxième concerne les conditions fondamentales permettant à chacun de vivre dignement. Si l’on considère, et c’est le cas à gauche, que chacun doit pouvoir bénéficier d’une quantité minimale de ressources essentielles (notamment en matière d’eau, d’énergie, de transport ou de télécommunications), il faudra s’engager à garantir un accès gratuit pour chacun à ce minimum, de manière universelle et inconditionnelle, mettre en place des moyens de gestion publique et garantir la participation des associations et de la société civile aux côtés des élus dans les instances décisionnelles sur l’usage, la production et la gestion de ses ressources. Il faudra également, dans le même esprit, lancer un débat sur un revenu universel dont des économistes ont contribué à montrer qu’il n’était pas nécessairement une utopie.

La troisième ligne rouge porte sur l’approfondissement du mouvement historique de réduction du temps de travail, non pas seulement conçu comme une source de création d’emplois mais aussi comme la condition d’exercice d’une pleine citoyenneté et l’accès à des conditions de vie meilleures. Cette réduction du temps de travail doit être envisagée au niveau de la semaine de travail mais également sur l’ensemble de la vie, en revenant sur la réforme des retraites. Le financement de ces réformes supposera un rééquilibrage de la répartition de la valeur ajoutée qui s’est trop longtemps distordue en faveur des profits, au détriment des salaires.

La quatrième ligne rouge concerne l’écart maximum des revenus et la fiscalité. Cet écart n’a cessé d’augmenter depuis 20 ans. Comment la gauche pourrait-elle continuer à accepter que les salaires les plus élevés soient 400 ou 500 fois plus élevés que les salaires les plus faibles? Sans compter l’effet des revenus du patrimoine sur les inégalités. Il faut plafonner ces écarts. Il faut parallèlement supprimer l’essentiel des niches fiscales et repenser les conditions d’une fiscalité progressive - et donc juste - sur l’ensemble des revenus.

La cinquième ligne rouge est directement liée à l’activité financière dont la dérégulation a montré les limites et les dangers. Aujourd’hui, les marchés financiers récupèrent davantage en dividendes qu’ils n’apportent au financement des entreprises. Ils ont contribué à accroître la volatilité des actifs. Parallèlement, les banques n’assurent plus leur rôle de financement de l’économie préférant celui d’opérateur de marché. Plus grosses encore qu’avant la crise, les banques font courir un risque systémique majeur à l’économie en cas de défaillance. Il convient donc de réduire les marges de manœuvre des marchés financiers (par une taxe sur les transactions et l’interdiction de certains produits financiers). Il convient également de séparer les activités des banques d’investissement et de dépôt, de socialiser une partie au moins du système bancaire et de réduire fortement la concentration du secteur.

Enfin, la sixième ligne rouge doit appeler à l’avènement d’une VIe République, non plus fondée sur l’élection d’un Président et donc le pouvoir d’un homme mais sur une démocratie s’appuyant conjointement sur la représentation nationale et la société civile. Contre le «coup d’Etat permanent» qui n’a finalement pas été remis en cause, il faut supprimer la fonction présidentielle, favoriser les mécanismes de participation citoyenne et donner enfin le droit de vote aux étrangers résidents sur notre territoire.

En s’engageant sur ces différents points, la gauche doit montrer dès maintenant qu’elle saura répondre aux enjeux majeurs d’une crise financière, sociale, écologique et démocratique et qu’elle se distingue clairement de la droite. Si l’élection doit déterminer les rapports de force au sein de la gauche et donc l’arbitrage entre des projets de société indéniablement différents, il convient dès à présent d’affirmer avec force que les rapprochements futurs ne pourront pas se faire à n’importe quelles conditions.

Que chaque parti précise quelles sont ses lignes rouges. Que les électeurs puissent mesurer dès maintenant quelles seront les limites des compromis que chacun sera prêt à accepter. Ainsi, les électeurs pourront, en toute connaissance de cause, se déterminer dans leur choix du premier tour. C’est la condition d’une démocratie saine et vivante. C’est la condition pour ne pas reproduire les erreurs passées. C’est la condition pour redonner un peu de légitimité à une démocratie que beaucoup, et à raison, considèrent malade.

Utopia et Europe écologie – Les Verts : Pierre Lucot et Charlotte Nenner

Utopia et Parti de gauche : Myriam Michel et Franck Pupunat

Utopia et Parti socialiste : Nicolas Pagnier et Laure Pascarel

Utopia et membres de la société civile : David Flacher et Chantal Richard

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