Billet de blog 19 novembre 2009

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Commission d'enquête sur les sondages de l'Elysée: l'alibi de la séparation des pouvoirs

Pour Vito Marinese, docteur en droit et chargé d’enseignement à l’université Paris X Nanterre, le principe de séparation des pouvoirs ne s'oppose en rien à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les études d'opinion financées par la Présidence de la République, réclamée par le PS. Une décision du Président de l'Assemblée est attendue dans les prochains jours. 

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Pour Vito Marinese, docteur en droit et chargé d’enseignement à l’université Paris X Nanterre, le principe de séparation des pouvoirs ne s'oppose en rien à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les études d'opinion financées par la Présidence de la République, réclamée par le PS. Une décision du Président de l'Assemblée est attendue dans les prochains jours.

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Illustration 1

La création d'une commission d'enquête sur les sondages de l'Elysée est-elle ou non contraire au principe de séparation des pouvoirs? Cette question divise... la majorité et l'opposition -quoi de plus naturel?- mais également les constitutionnalistes.

Voilà qui a de quoi dérouter tous ceux qui, de près ou de loin, suivent ce débat. Une évidence mérite tout d'abord d'être rappelée: en droit, tout est question d'interprétation et comme l'explique le philosophe du droit Michel Troper, «l'interprétation n'est pas un acte de connaissance mais un acte de volonté». Autrement dit, que l'on estime inopportune une enquête du Parlement sur les faits en question et l'on arguera que le principe de séparation des pouvoirs y fait obstacle. Cela vaut également pour les professeurs de droit.


Cette analyse doit conduire l'auteur de ces lignes à préciser d'emblée qu'il estime nécessaire la création de cette commission d'enquête avant d'expliquer pourquoi le principe de séparation des pouvoirs ne s'y oppose pas.


Passons rapidement sur l'objection, peu sérieuse, présentée par la Garde des sceaux dans sa lettre datée du 5 novembre consistant à affirmer qu'une telle Commission d'enquête porterait atteinte à l'autonomie financière de l'Elysée. Le Parlement qui vote la loi de finances est compétent pour contrôler l'utilisation de l'argent public. L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit à cet égard que «tous les citoyens ont le droit de constater, par eux même ou par leur représentants, la nécessité de la contribution publique» et «d'en suivre l'emploi». Chaque année, les comptes de l'Elysée sont contrôlés par les représentants de la Nation sans que personne ne s'offusque d'une prétendue atteinte à la séparation des pouvoirs.


Venons en à une objection, plus sérieuse... mais non décisive: la création d'une telle commission d'enquête ne peut être créée car elle viserait incidemment à mettre en cause la responsabilité du Chef de l'Etat. L'objection tout d'abord est contestable en ce qu'elle lie de manière indissociable la création d'une commission d'enquête parlementaire à une finalité supposée incontournable: la mise en jeu de la responsabilité de l'exécutif. C'est précisément l'argument qui a fondé l'avis négatif de la Commission des lois en date du 17 novembre: «Une telle commission d'enquête ne pourrait fonctionner sans que soit mis en cause le statut du chef de l'Etat».

Faut-il rappeler que la création d'une Commission d'enquête peut viser exclusivement et simplement à faire la lumière sur des faits précis dans l'intérêt, légitime dans une démocratie, de l'information des citoyens? Faut-il préciser que les Commissions d'enquête ne disposent d'aucun autre pouvoir que celui de «recueillir des éléments d'information» sur des faits déterminés? Faut-il enfin expliquer que l'ordonnance 58-1100 assure le respect du principe de séparation des pouvoirs en limitant strictement les pouvoirs des députés enquêteurs qui peuvent se voir communiquer tout document «à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs».

Dans le cadre d'une interprétation respectant tout à la fois notre vieux principe constitutionnel et les droits fondamentaux de l'opposition, il est raisonnable d'affirmer que si le principe de séparation des pouvoirs ne peut faire obstacle à la création de cette commission, il pourrait chemin faisant s'opposer à ce que la Commission d'enquête aille trop loin dans ses investigations?

Plusieurs interprétations sont donc possibles... évidemment ! La question sera prochainement tranchée et le sera -cette évidence mérite enfin d'être rappelée- selon la logique du fait majoritaire. Faute d'arbitre en ce domaine, l'interprétation qui s'imposera alors comme «authentique» sera celle de la majorité... chargée de définir l'étendue des droits de l'opposition.

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