Billet de blog 23 juin 2014

Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

Abonné·e de Mediapart

Des droits sociaux violés en toute impunité dans une organisation européenne

Philip Cordery, député des Français du Benelux, critique les « nombreuses mesures répressives, antisociales et en contradiction avec l’esprit et la lettre du droit social européen » introduites à l’Office européen des brevets, dirigé par un Français et employant 7 000 personnes. Il appelle tous les Etats siégeant à son conseil d'administration à faire cesser ces méthodes « d'un autre âge ».

Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Philip Cordery, député des Français du Benelux, critique les « nombreuses mesures répressives, antisociales et en contradiction avec l’esprit et la lettre du droit social européen » introduites à l’Office européen des brevets, dirigé par un Français et employant 7 000 personnes. Il appelle tous les Etats siégeant à son conseil d'administration à faire cesser ces méthodes « d'un autre âge ».


L’Office européen des brevets (OEB), dont les structures sont basées à La Haye, Bruxelles, Vienne, Munich et Berlin, a pour tâche principale de délivrer des brevets européens. Lorsque la France décide de participer à la création de la Convention sur le brevet européen (CBE), en 1973 à Munich, personne ne pouvait imaginer le poids que la propriété intellectuelle prendrait quarante ans plus tard.

7 000 fonctionnaires hautement qualifiés (dont plus de 1 200 ressortissants français) recrutés auprès de 38 Etats membres ont traité plus de 265 000 demandes de brevets et délivré plus de 66 000 brevets en 2013, des chiffres en constante augmentation. L’OEB est, par ailleurs, la seule organisation internationale autofinancée dont le fonctionnement ne coûte pas un centime d’euro aux contribuables. Au contraire, les surplus générés par le travail efficace de ces fonctionnaires sont chaque année reversés aux Etats membres.

Cependant, cette belle réussite est aujourd’hui entachée par l’échec social de l’organisation. En effet, depuis 2012, l’équipe dirigeante a peu à peu introduit de nombreuses mesures répressives, antisociales et en contradiction avec l’esprit et la lettre du droit social européen.

Ainsi, le droit de grève a été sévèrement restreint, tout comme la liberté d’association et d’expression. Les représentants élus du personnel et les syndicalistes sont quotidiennement entravés dans leur activité. Certains se sont vus imposer des mesures disciplinaires allant jusqu‘à la rétrogradation ; un expert auprès de la représentation du personnel a même été suspendu.

De nouvelles dispositions ont vu le jour, dont un « département des investigations », sorte de police interne qui peut à tout moment décider d’enquêter sur un fonctionnaire sans que ce dernier n’en soit informé, y compris sur dénonciations anonymes, qui sont de facto encouragées… Un « comité de discipline » a été placé sous l’autorité hiérarchique du président de l’office, ce qui contrevient à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne visant à assurer une justice indépendante. Ses avis peuvent être, comme cela fut récemment le cas, ignorés par la direction qui décide in fine.

Ces pratiques managériales d’un autre âge, sans égal dans l’histoire d'une organisation internationale, tirent un profit abusif de l’immunité fonctionnelle conférée aux organisations internationales. L’équipe dirigeante se vante de surcroît dans les médias de travailler hors de toute tutelle. De fait, les 7 000 salariés qui travaillent au sein de l’OEB ne jouissent individuellement d’aucune protection juridique nationale en matière de droit du travail, ce qui les rend particulièrement vulnérables.

En parallèle, la pression au travail ne cesse d’augmenter. La tension sociale est à son comble. Un suicide a été déploré en juillet 2013 sur le lieu et durant les horaires de travail à l’agence de l’OEB de La Haye. L’équipe dirigeante refuse pour l’heure toute enquête indépendante tendant à établir les causes de ce drame. Les syndicats redoutent un scénario « à la France Télécom » tant l'atmosphère est délétère.

Cette situation sociale est dommageable tant pour le fonctionnement de cette institution stratégique en Europe que pour la santé des fonctionnaires qui y travaillent aujourd’hui dans l’angoisse. 

En tant que parlementaire français, je suis particulièrement choqué que ces règles régressives puissent être impulsées par un dirigeant français, Monsieur Benoît Battistelli, élu de la République qui plus est, hors de toute considération pour la longue tradition sociale de notre pays.

A l’heure où le conseil d’administration doit discuter de l’avenir de l’organisation et renouveler son équipe dirigeante, je lance un appel à tous les Etats signataires de la convention sur le brevet européen qui y siègent pour que la raison l’emporte et que l’Office renoue avec un climat de dialogue et de sérénité. 

Philip Cordery, député des Français du Benelux 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.