Samedi 27 octobre, Abdoulaye Wade, ancien président sénégalais, recevra le prix de l'homme africain de l'année remis par le Conseil des Mariannes de la République et de l'Europe. « Une imposture à dénoncer », tempête un collectif de personnalités qui lancent un appel contre la remise de ce prix. « Rappelons-nous que le peuple sénégalais a voté à 65 % contre Abdoulaye Wade. »
le Conseil des Mariannes de la République et d'Europe a décidé de remettre le prix de l’Homme africain de l’année 2012-2013 à Abdoulaye Wade, ancien président de la République du Sénégal, invité d'honneur de la soirée de gala du 27 octobre au cours de laquelle seront remises les « Mariannes de l’excellence ».
Abdoulaye Wade, homme africain de l’année 2012-2013 ! On se permettra d’en douter en cette année 2012 où il a magistralement perdu des élections qui devaient, selon ses dires, lui accorder un troisième mandat présidentiel.
Les Sénégalais l’ont sanctionné pour avoir voulu que son fils lui succède; ne l’avait-il pas investi en lui confiant nombre de ministères importants, faisant de lui un quasi premier ministre bis et, surtout, un dauphin déclaré ?
N’a-t-il pas fait de l’argent le moyen de son influence et le critère suprême de son action, avec comme conséquences toutes les dérives qui s’y attachent ?
N’a-t-il pas affaibli l’Etat, lui faisant perdre sa vocation initiale qui est d’incarner les valeurs de la République ?
N’a-t-il pas transformé un pouvoir légitimé par le suffrage universel en pouvoir personnel ?
N’a-t-il pas mis l’ordre public en danger, en affichant sa préférence confrérique, n’eût été la sagesse du peuple sénégalais qui a subi sans broncher les atteintes à la laïcité constitutionnellement affirmée ?
Mais il y a plus, si l’on fait le bilan économique de douze ans d’alternance.
Sur la lancée des gains de productivité de la dévaluation du franc CFA (1994) s’ouvrait une promesse de croissance annuelle de 5% à 8% et une progression du budget de l’Etat de 10 % par an. Si, entre 1995 et 2000, le taux de croissance annuelle a été de 5 % environ, pour le reste de la période, la croissance a été moins ample et plus fluctuante (3,5 %).
En 2001, 2006, 2009, le revenu par tête des Sénégalais a baissé.
La gestion des finances publiques fut scandaleuse, accusant un déficit global de 4 %, dont il faut trouver la cause... Et pourtant, les recettes budgétaires progressaient de 10 % par an, l’endettement du Sénégal était annulé mais les commandes de l'administration étaient surfacturées; le financement interne des infrastructures physiques conclu de gré à gré à des coûts records; des emprunts négociés sur le marché international à des taux supérieurs à ceux de la Grèce. Les gains de productivité de la dévaluation ont disparu.
La balance des paiements s’est profondément détériorée. Le taux de couverture des importations par les exportations a baissé de 40 % dans les années 2010, faisant perdre au pays, la relative indépendance acquise avec une balance des paiements excédentaire.
Les écarts entre les pauvres et les riches se sont creusés. Dans la richesse nationale, le secteur primaire est passé de 18 à 14 % et dans ce secteur, l’agriculture a reculé de 10 à 7,5 %, l’élevage a stagné et la pêche a régressé. Facteur aggravant, les fleurons (1) de l’industrie sont en faillite.
Le capital naturel du Sénégal a été dilapidé. Exemples: l’or de Sabodala a été concédé, alors qu’il ne restait que trois à quatre ans d’exploitation. Les sables taniphères, dont la gestion doit être conduite avec précaution, selon des normes environnementales, de durée et d’impact sur les populations locales, sont particulièrement sensibles aux solutions chimiques; or ce capital naturel est à la vente à des multinationales américaines.
Précisons également que 100 kilomètres de côte ont été vendus pour exploitation du zircon à une compagnie française et une autre australienne, le Sénégal n'aura là-dessus que 10 % de même que pour l'or de Sabodala: bénéfices ridicules si l'on songe que seront supprimés les villages de pêcheurs entre Kayar et Saint-Louis, ainsi que la zone des Niayes qui alimentent en légumes frais tout le Sénégal, hormis la Casamance.
Entre autres contrats léonins, 23 contrats de pêche qui ont déjà été supprimés par le nouveau gouvernement, ce dernier se débat pour en sortir avec non seulement une trésorerie laissée vide et 2000 milliards de CFA de dettes, tant à l'intérieur qu'à l'étranger.
Sans exagérer, on peut dire que le Sénégal a subi le pire gouvernement de son histoire, et fut dirigé par un prédateur qui n'hésita même pas à vendre les biens de l'Etat et le sol de son pays. On pourrait continuer.
Wade, homme africain de l’année? Arrêtons cette plaisanterie. Rappelons-nous que le peuple sénégalais a voté à 65 % contre Abdoulaye Wade et que le nouveau gouvernement sénégalais est bien déterminé à redresser les erreurs et à réparer les injustices commises. Mobilisons-nous contre l’attribution du prix de l’homme africain de l’année 2012-2013 à Abdoulaye Wade, ancien président de la République du Sénégal.
(1) La Société africaine de raffinage (SAR), la Senelec et les Industries chimiques du Sénégal (ICS).
Signataires
Abdessalam Chekib, éditeur, écrivain
Ba Alpha Oumar, enseignant
Batamack Emile, philosophe, cinéaste
Biyong Franck, musicien, compositeur
Colin Roland, ancien directeur de cabinet du président Mamadou Dia
Diaka Dieng Daniel,
Dilangué Charles, musicien
Diop Omar Blondin, Unesco
Domergue Jean-Louis, professeur d'université
Fanon-Mendes-France Mireille, société civile
Fidji Nadine, poète, plasticienne
Kesteloot Lilyan, critique littéraire et chercheuse (université de Dakar)
Mbem André-Julien, professeur
Mbow Penda, professeur (université de Dakar) et Mouvement M23
Ndjehoya Blaise, écrivain
Pessiot Erick, universitaire, ancien conseiller technique à la Primature de Diouf, écrivain
Sorel Jacqueline, journaliste
Valentin Christian, ancien conseiller d'Abdou Diouf