Robert Ménard s'interrogeait jeudi sur la pertinence du projet d'interdire le port du voile intégral en France. Le journaliste (Bakchich, Démocratie & Socialisme,...), Renaud Chenu trouve, lui, rassurante la prise de position du président de la République sur le sujet au vu des gages que Nicolas Sarkozy avait donné jusqu'alors au communautarisme islamique.
De Ryad à Versailles
« Je veux lancer un appel à tous ceux qui, dans le monde, croient aux valeurs de la tolérance, de la liberté, de la démocratie, de l'humanisme... [...] Je veux dire à toutes les femmes martyrisées dans le monde [...] que la fierté et le devoir de la France sera d'être à leurs côtés. [...] La France n'abandonnera pas les femmes qu'on condamne à la burqa. La France n'abandonnera pas les femmes qui n'ont pas la liberté. [...] C'est le message de la France, c'est l'identité de la France, c'est l'histoire de la France. »
Ça, c'était notre président le soir de sa prise de pouvoir. « La France d'après » nous offrit dans la foulée les discours de Latran et de Ryad, quand notre hyper président hyper féministe est allé cirer les pompes des représentants du moyen-âge au XXIe siècle.
On se souvient du très surprenant « La France et l'Arabie saoudite partagent les mêmes objectifs d'une politique de civilisation », en conclusion du discours de Ryad. Une parole on ne plus alambiquée quand on connaît l'état du droit des femmes dans un pays tenu d'une main de fer par des vieillards polygames.
Jamais avare quand il s'agit de faire plaisir à ses interlocuteurs, le Chanoine Sarkozy s'était empressé de réagir au discours d'Obama au Caire en précisant qu'il était « tout a fait d'accord avec le président Obama », « y compris sur la question du voile ». L'élégant Obama venait de tacler la France avec de petites piques du genre : « Il est important pour les pays occidentaux d'éviter de gêner les citoyens musulmans dans la pratique [...] par exemple en dictant les vêtements qu'une femme doit porter ». Que Sarkozy ne soit pas un bouffeur de curés, on le savait depuis la sortie de son très clérical ouvrage La République, les religions, l'espérance (Cerf, 2004). Mais qu'il donne des gages aux islamistes en rappelant qu'il n'était pas favorable à la loi de 2004 sur les signes ostensibles à l'école, on ne pouvait que s'en inquiéter.
Dans le débat qui vient de s'ouvrir sur la port de la burqa, cette horreur obscurantiste annihilant l'humanité des femmes, il serait peut-être temps de rappeler quelques vérités premières. La loi de 1905 n'est pas juste un truc pour faire joli, prônant la tolérance et le respect entre religion. C'est le droit de croire et de ne pas croire, c'est la garantie de la liberté absolue de conscience, c'est le droit à l'indépendance de l'individu à l'égard des sectes et religions qui par extension doit garantir la protection contre toutes les manifestations sectaires et pratiques abominables du style excisions des jeunes filles, mariages forcés, port de la burqa... La République n'est pas un régime neutre. Elle ne doit pas l'être. C'est un régime de combat contre les obscurantisme, elle s'est construite contre l'Église.
Dans son discours devant le Congrès, Sarkozy, réagissant au débat lancé par le député communiste André Gerin, est revenu à la tonalité de son discours du 6 mai 2007 : « Le problème de la burqa n'est pas un problème religieux, c'est un problème de dignité de la femme. C'est un signe d'asservissement, c'est un signe d'abaissement. Elle ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République française. Le Parlement a souhaité se saisir de cette question : c'est la meilleure façon. » Bien. Rassurant. Mais encore ?
L'interdiction est la seule voie raisonnable à prendre
La commission d'enquête parlementaire sur la burqa lancée par le député communiste André Gerin va enquêter sur quoi ? Sur un « phénomène complexe », pour lequel il faudrait « prendre le temps de comprendre », histoire de ne pas « stigmatiser les victimes » ni faire d'« amalgames », comme on l'a beaucoup entendu ?
L'interdiction pure et simple de cet accoutrement immonde est la seule voie raisonnable à prendre. Assortie de poursuites judiciaires systématiques contre ceux qui en feraient la promotion (et pas contre celles qui la portent), et en premier lieu contre les connards qui l'imposent à leurs esclaves. L'atteinte à la propriété, à la vie privée, à l'intégrité physique sont bien proscrits, pourquoi pas l'atteinte à la féminité, qui est une atteinte à l'humanité toute entière ? Rien n'est excusable dans cette pratique. Aucun argument culturel ou religieux ne tient debout dans sa défense. Le port de la burqa est la négation de la féminité, de l'identité, de l'humanité de celles qui la porte. C'est une pratique barbare. C'est une forme de domination horrible, c'est tout simplement de l'esclavage.
Laïcité, République et féminisme ne sont qu'une seule et même chose
Il y avait des esclaves qui aimaient leurs maîtres, il y avait même de bons maîtres. L'esclavage n'en est pas moins barbare. Son interdiction a créé des drames, car beaucoup d'esclaves n'étaient pas prêts à la liberté et ni l'économie et la société prêtes à les intégrer. C'est pareil pour la burqa. Mais l'accepter revient à tolérer l'intolérable, à permettre au fondamentalisme islamiste de parader sur le territoire de la République. L'accepter revient à dire aux femmes du monde entier qui se battent contre l'oppression machiste (de tous les machismes) que leur calvaire est tolérable. Le combat laïque, son message universaliste, sa raison d'être sont de donner les moyens aux femmes, en droit comme en acte, de se libérer de toute violence sectaire, religieuse, culturelle ou familiale. Laïcité, République et féminisme ne sont qu'une seule et même chose. Prétendre chercher à « comprendre » ce phénomène pour botter en touche et lui trouver des excuses, cela revient à nier le droit de ces femmes à vivre. L'honneur de la république serait de leur donner les moyens de se libérer, en leur offrant protection et assistance, pas de les laisser derrière leurs grillages pour leur permettre « d'aller faire les courses », comme on l'a malheureusement entendu dans la bouche d'un « grand » journaliste.