Eric Lafond, conseiller municipal d'opposition à la mairie du IIIe arrondissement de Lyon depuis 2008, était candidat aux législatives dans la 3e circonscription du Rhône. Sans étiquette, puisqu'il a été suspendu du MoDem en début d'année. Il retrace ici la dégringolade de son ancien parti et en appelle les responsables à démissionner.
Le 22 mai dernier, le secrétaire général et le porte-parole du Modem présentaient le Centre pour la France comme un label pour les élections législatives. Il n’en est pourtant rien. En trompant ainsi les militants et les électeurs, l’entourage de François Bayrou met la dernière main à son œuvre de sabordage systématique de ce qu’aurait pu être le Modem.
La création du Mouvement Démocrate, en mai 2007, ouvrait un nouvel espace politique en France. Nous fûmes nombreux – près de 50 000 – à nous engager à ce moment-là sur la parole de François Bayrou. Les propos étaient fondateurs et ils se faisaient promesses. Il s’agissait de faire émerger une nouvelle génération et de donner de nouveaux visages à la politique ; de bâtir un troisième pôle dans la politique française, un pôle démocrate entre les pôles conservateurs et socialistes ; de penser un nouveau modèle économique et social fondé sur la créativité, la solidarité et la durabilité.
Il y avait de l’enthousiasme, du désordre parfois, mais nous étions prêts à assumer quelques années difficiles pour consolider les fondations.
La mise en place du mouvement et les élections municipales furent l’occasion des premières entorses aux principes fondateurs. De créativité, il n’était plus question dans des statuts bien peu adaptés à une sociologie de militants modernes, actifs professionnellement et désireux de contribuer. Le jacobinisme statutaire fera la joie de quelques baronnets ou cadres de l’ex-UDF qui obtinrent dérogations ou lectures complaisantes à l’occasion des municipales.
Les premières tensions naissaient alors entre nouveaux militants, ne pouvant pas croire que la parole de François Bayrou ait aussi peu de poids, et anciens cadres pratiquant de longues dates la diplomatie du coup de téléphone.
Débordée par ses contradictions et son absence de fil conducteur, l’organisation mise sur le papier ne fonctionna jamais. Elle se révéla stérile sur le plan des idées et destructrice du point de vue managérial. Les contentieux locaux n'étaient jamais soldés ni tranchés, le « siège » préferant le pourrissement des situations à toutes autres options. Les réflexions et contributions, nombreuses, ne parvenaient jamais au sommet, bloquées par un premier cercle insaisissable, épuisant toutes les bonnes volontés. Pire, le contenu politique des campagnes européennes puis régionales semblait avoir été écrit en quinze minutes sur un coin de table.
La création d’un secrétariat général, au lendemain du désastre des régionales, ne fit qu’accroître l’autarcie du siège parisien. Assorti d’un discours lénifiant sur le management des cadres, il ne visait qu’un « reprise en main » où n’était proposé auxdits cadres qu’une alternative entre obéissance servile et mise à l’écart.
La conséquence fut une campagne présidentielle hors-sol, sans relais locaux, sans stratégie et au contenu politique rapidement émoussé. Avec le résultat que l’on sait.
Mais le pire était à venir. A l'encontre de toute logique, il demeure au sein de ce mouvement des élus et des militants de qualité, toujours attachés aux idéaux fondateurs. Prêts à remonter au combat électoral lors des législatives, malgré le mépris des apparatchiks du siège à l’égard de ces convictions. Le « rassemblement des centres » décidé sans débat interne refroidit quelques volontés, mais, qu’à cela ne tienne, on trouva en urgence un peu plus de 700 volontaires pour s’improviser candidats et suppléants sous l’étiquette « Centre pour la France ». Ce qu’on ne dit pas, c’est qu’il ne s’agissait pas que d’une étiquette, mais d’un parti politique.
Agréé en urgence par une Commission nationale des comptes de campagne indulgente, il est déclaré en Préfecture depuis le… 2 juin 2012. Ainsi l’entourage parisien venait-il de liquider le Modem, discrètement, en s’asseyant sans vergogne sur les statuts, les instances nationales et les militants de cette formation. La mobilisation de ces derniers, des électeurs (certes modeste) aura contribué à faire bénéficier du financement public un micro-parti composé de 6 personnes, dont on ne sait rien des idées et du projet.
En parallèle, les candidats n'ayant pas fait 5% se voient proposer une prise en charge de la campagne officielle par... le Modem, ce qui contribue à vider les caisses de cette formation.
Un abus de confiance manifeste à l’encontre de tous ceux qui militent depuis cinq ans. Le dernier acte égoïste d’un groupe d’individus qui n’a jamais hésité pendant ces cinq années à multiplier les discours sur les valeurs, la vérité et plus généralement la morale en politique, pour surtout conserver sa position préférentielle autour de François Bayrou.
De ces personnes, il n’y a plus rien à attendre. Elles ont détruit l’idéal de 2001 et escamoté systématiquement leurs responsabilités. Il serait légitime qu’elles démissionnent et cessent leurs activités politiques. Elles ne le feront pas, et tenteront même de faire avaliser leur comportement lors du prochain conseil national – une nouvelle fois organisé hors cadre statutaire. Tant qu’elles seront là, la reconstruction de l’espace politique au centre, entre l’UMP et le PS, sera impossible. Or, il subsiste et peut encore émerger de nombreux talents, locaux, qui doivent s’organiser maintenant pour, du terrain, redonner corps aux courants de pensée (chrétien-démocrates, sociaux-démocrates, libéraux, écologistes modernes, etc.) qui n’ont pas cessé d’exister. C’est notre responsabilité pour que ne se referme pas définitivement la porte ouverte en 2007.