Le protocole facilitant l'accès des produits industriels européens au marché israélien et vice-versa (ACAA) sera soumis en octobre au Parlement européen. « En semblant ignorer l’impasse dans laquelle cette région se trouve au profit d’un "business as usual" largement déséquilibré au profit d’Israël, l’UE encourage les autorités israéliennes dans leur politique », regrettent Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l'homme, et Michel Tubiana, président du Réseau euro-méditerranée des droits de l'Homme.
Le Parlement européen doit approuver ou rejeter « le protocole relatif à l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels », mieux connu sous l’acronyme « ACAA ». Cet accord vise à faciliter l’accès des consommateurs européens et israéliens à des produits pharmaceutiques plus variés et à meilleur coût. Il s’ajoute aux soixante activités, dans quinze domaines différents, que l’Union européenne a ouvertes aux relations bilatérales entre l’Europe et Israël. En dépit des affirmations de la Commission européenne selon lesquelles il ne s’agit pas d’un rehaussement des relations entre l’UE et Israël, l’ouverture de soixante domaines et la conclusion éventuelle de l’ACAA représentent une intensification importante des rapports commerciaux: l’ACAA, en particulier, marque une forme d’intégration d’Israël au sein du marché unique européen.
Il ne s’agit pas ici de critiquer un accord commercial. Il s’agit de relever que pendant que les autorités israéliennes poursuivent leur politique de colonisation, qu’elles interdisent de fait tout progrès dans les négociations, et qu’elles sont responsables d’un véritable déni d’existence à l’égard du peuple palestinien, l’Union européenne se refuse à employer les quelques moyens de pression qu’elle peut détenir à l’égard du gouvernement Israélien.
C’est un véritable choix politique que le contenu même de l’accord « ACAA » aggrave encore. Cet accord constitue, en effet, une reconnaissance implicite des colonies israéliennes et des annexions auxquelles Israël a procédé.
Par ailleurs, l’industrie pharmaceutique israélienne est profondément impliquée dans la colonisation des territoires occupés, ce qui conduit, une fois encore, à priver l’autorité palestinienne de ressources auxquelles elle a droit, alors qu’en même temps le système de santé palestinien ne permet pas d’assurer un accès satisfaisant aux soins.
En semblant ignorer l’impasse dans laquelle cette région se trouve au profit d’un « business as usual » largement déséquilibré au profit d’Israël, l’UE encourage les autorités israéliennes dans leur politique. Mais, surtout, elle ancre au sein du peuple palestinien la certitude qu’Israël bénéficie d’un traitement de faveur et entretient les autorités israéliennes dans l’illusion que l’avenir Israël est d’être une tête de pont de l’Europe au milieu des « barbares » et non d’être pleinement intégré et reconnu dans sa région.
Le Parlement européen avait déjà adopté une résolution demandant la suspension des accords d’association. En juin 2010, le Parlement européen a déjà suspendu la procédure d’approbation du protocole ACAA en raison de l’attitude des autorités israéliennes à l’encontre de la flottille destinée à briser l’embargo sur Gaza.
Parce qu’il représente la seule instance européenne dont la légitimité repose sur l’élection de ses membres au suffrage universel direct, il est essentiel pour la crédibilité de l’Union européenne que le Parlement s’empare des pouvoirs que lui reconnaît le traité de Lisbonne et joue son rôle en politique étrangère.
Loin des préoccupations à courte vue des gouvernements européens, le Parlement doit rappeler les principes fondamentaux qui gouvernent l’idée européenne et, notamment, le droit inaliénable des peuples à disposer d’eux-mêmes comme le refus de la colonisation d’autrui. C’est pourquoi, la suspension de la procédure d’adoption de l’ « ACAA » n’est pas seulement un geste politique en direction des Palestiniens, c’est aussi signifier aux autorités israéliennes la fin de l’impunité. Les parlementaires européens doivent refuser d’approuver l’accord « ACAA » s’il n’est pas subordonné à des contreparties fermes et vérifiables des autorités israéliennes.