Billet de blog 26 octobre 2009

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La France et nous

Dans une tribune à Mediapart, le député PS de la Nièvre et président du Laboratoire des idées, Christian Paul, estime que la gauche doit «déminer le piège» tendu par Eric Besson et son débat sur l'identité nationale, en assumant «les lignes de différence qui nous opposent à une vision conservatrice, repliée et manipulatoire de l'identité collective de notre pays».

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Dans une tribune à Mediapart, le député PS de la Nièvre et président du Laboratoire des idées, Christian Paul, estime que la gauche doit «déminer le piège» tendu par Eric Besson et son débat sur l'identité nationale, en assumant «les lignes de différence qui nous opposent à une vision conservatrice, repliée et manipulatoire de l'identité collective de notre pays».

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La droite française se prépare à une offensive sur le terrain de l’identité nationale. Nicolas Sarkozy a donné rendez-vous à l’Ecole Militaire le 4 décembre prochain, sous les auspices de l’Institut Montaigne. Eric Besson, dont les charters indignes vers l’Afghanistan trahissent la France, accompagne la manœuvre. Dissertation ou diversion? Quand la crise s’installe durablement, que le parti majoritaire se divise et pointe les échecs de ses choix politiques, l’appel symbolique à la nation relève d’une méthode déjà éprouvée de gouvernement, vertueuse en apparence, mais portée par d’évidentes arrière-pensées.

Devons-nous, sous prétexte que l’artifice est visible, déserter le débat public? Faut-il craindre un de ces brouillages de repères, inscrit sur l’agenda présidentiel friand de tels exercices? Déminons le piège. D’abord, parce que la France est notre bien commun, et c’est «une interrogation pour tout le monde», disait Braudel. Ensuite, parce que l’occasion parait propice de mettre en avant d’autres idées de la France. Qualifions et assumons les lignes de différence qui nous opposent à une vision conservatrice, repliée et manipulatoire de l'identité collective de notre pays.

Il y a fort à parier que ce débat, même relancé dans des conditions inquiétantes, portera d’abord sur l’histoire nationale, l’immigration, et les valeurs républicaines. La gauche française, qui se réarme ces temps-ci, doit dire sa part de vérité. Le récent tour de France entrepris par Martine Aubry nous a conduits chaque soir à des échanges d’une intense vérité, quand font irruption grâce à la parole de citoyens, à Cachan, Auch ou Grenoble, la brutalité des discriminations, le refus des ghettos et des charters, ou l’appel à l’égalité et à la fraternité.

De l’histoire, il a été fait un trop grand abus mémoriel au cours des années récentes pour que le roman national ne devienne pas, à marche forcée une fiction marketing ou une invention bling-bling. Confisquer l’histoire, c’est déjà confisquer un peu de la démocratie. Le pouvoir, souvent, use et abuse de l’histoire, quand il oublie qu’elle doit avant tout servir la connaissance, la critique, l’émancipation. Si l’histoire ainsi faite se résume à une commémoration brouillée, à une invocation émotionnelle, elle ne sert ni la France, ni la résolution de ses problèmes.

De l’immigration, il sera fait régulièrement un usage pré-électoral réveillant le «péril migratoire». Mais la controverse va au-delà, puisque la diversité possible et assumée de la France est mise en doute et donc en danger. «La population issue de l’immigration de la seconde moitié du XXe siècle, qui en est maintenant à sa troisième génération, n’a toujours pas reçu les codes d’accès». Dans cet interview de Jean-François Copé, passé presqu’inaperçu dans Le Monde du 17 octobre, on croit lire, mutatis mutandis, un bout du discours, lourd de dérapages, prononcé à Dakar par Nicolas Sarkozy…

L’obstacle culturel – présumé – à l’intégration vient occulter les discriminations économiques, les échecs urbanistiques et les villes-ghettos, ou ce qui reste de racisme dans notre pays. Pour autant, parmi ceux que visent cette sentence et les discriminations quotidiennes, la très grande majorité est hyperadaptée, formée, de plus en plus diplômée, pressée de ne plus être ainsi stigmatisée. Encore partagée, la société française reconnait de plus en plus la nécessité de l’immigration. Le pays se sait métissé, multicolore et multiculturel à la fois. Les Français ont une vision de leur appartenance nationale qui renvoie moins à une essence qu’à un comportement ou une éthique. La nation est un message, une promesse autant qu’un héritage.

Etre Français, si tel est la question posée, c’est adhérer à des valeurs et les pratiquer. Les Français nous le disent quand on les interroge: leur fierté se révèle quand les valeurs républicaines sont appliquées et pas seulement proclamées dans des discours officiels sans lendemain. L’égalité se gagne ou se perd à l’école, à l’entrée de l’hôpital ou dans le regard d’un DRH. La fraternité se gagne ou se dissout devant la porte d’une préfecture, dans l’angoisse d’une expulsion qui vise le pauvre comme l’étranger, et leur famille.

De tout cela, il faut se parler en France, et pas seulement entre Français. C’est une affaire de civilisation, et pas seulement d’identité. A l’interrogation étriquée, déjà rétrospective, que l’on nous ressert, nous devons préférer la quête inlassable d’un projet pour une «société décente» qui respecte non seulement les Français, mais aussi ceux qui au fil de l’histoire, nous ont rejoints. Nous devons aussi sans cesse explorer les voies de la mondialité, notre nouvel internationalisme dégagé des empires, qui évite le repli hexagonal. Pas plus qu’il n’y a de mondialisation «heureuse», la France ne saurait se priver d’un humanisme en prise sur le monde.

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