Pour Lucile Schmid, membre du conseil politique d'EELV, « l’écologie politique a été cantonnée à une approche sectorielle alors qu’elle porte une vision globale de la transformation sociale » depuis le début du quinquennat Hollande. A l'approche du congrès du parti, le 30 novembre à Caen, elle lui demande de passer à l'offensive.
C’est peu dire que les questions écologiques sont un sujet de tension permanent au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Avant l'été, c'est le débat sur la transition énergétique qui se terminait sans vraies perspectives avec une victime collatérale, la ministre Delphine Batho. Ce sont, ensuite, les velléités de fiscalité écologique qui se heurtaient au mur du réalisme budgétaire ; enfin, on apprenait ces jours derniers que sur le dossier de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, l'Etat ne lâchait rien... Comme si le départ de Nicole Bricq du ministère de l'écologie avait marqué d’emblée, quelques semaines après les élections de 2012, la fin d’une écologie de gouvernement et coupé le lien avec les dossiers économiques et sociaux : innovation industrielle, éducation et recherche, reconversion sociale, santé publique. Jamais les apports du projet écologiste à ces politiques publiques ne sont vraiment envisagés. Pendant cette première partie du quinquennat, l’écologie politique a été cantonnée à une approche sectorielle alors qu’elle porte une vision globale de la transformation sociale.
La question se pose donc aujourd’hui d’envisager différemment la participation des écologistes aux institutions et de porter, en lien avec tous ceux qui le souhaitent dans la société, les syndicats, les partis politiques, des propositions percutantes et radicales pour redonner un sens à leur responsabilité politique. Sur ce point, la grande majorité des écologistes sont d’accord si on se réfère aux textes qui ont circulé pour la préparation du congrès d’EELV à Caen dans quelques jours.
En revanche, les débats sur la manière d’y parvenir sont vifs et souvent conflictuels. Et les positions des uns et des autres conditionnées par leur position dans les institutions. Pour schématiser, la grande majorité des élus et les ministres font valoir leur apport à l’image de l’écologie dans l’exercice de leurs responsabilités, tandis que les autres, dont je fais partie, rappellent que le compte n’y est pas.
L’essentiel est sans doute de sortir de ces postures pour proposer une manière de faire qui soit lisible pour la société, illustre la détermination des écologistes à peser et agir et apaise les conflits de personnes.
Quelle pourrait-elle être ?
Sans doute de prendre au mot le président de la République qui, d’après la presse, veut faire de la Conférence Paris Climat (Cop 21) le plus grand événement diplomatique du quinquennat. Comment transformer cet événement diplomatique en véritable événement écologique, alors même que la Conférence de Varsovie a été un échec, voilà la tâche que doivent se fixer les écologistes. Ils disposent de suffisamment de temps (deux ans), de dossiers concrets et de symboles pour le faire.
Gestion du temps d’abord. Sur ce point, les écologistes ont des progrès à faire. Ils restent encore trop souvent perçus comme experts dans l’art du contretemps, des déclarations contradictoires et sont souvent victimes des désaveux gouvernementaux. Ce côté brouillon reflète de bonnes choses : une plus grande liberté que dans les autres partis, et une diversité d’opinions, de débats, de parcours. Mais ne pas savoir construire de vraies positions collectives en tenant compte de l’agenda politique nous affaiblit. Et les élus qui appellent à peser dans les institutions sont souvent les premiers à céder à la tentation des petites phrases.
Construire des positions communes au parti EELV et aux trois groupes parlementaires des écologistes (au parlement européen, à l’Assemblée nationale et au Sénat) ne devrait pas être à ce point compliqué. En définissant un cap et en l’inscrivant dans le cadre d’un agenda, nous pourrons peser plus efficacement sur la ligne politique de la majorité, et l’infléchir vraiment, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Dossiers concrets ensuite. N’allons pas chercher midi à 14 heures. Sur ce plan, les dossiers sont connus : fermeture de Fessenheim et politique de déploiement des énergies renouvelables (le retard en ce domaine est déjà conséquent) et, de manière plus générale, vote d’une loi-cadre digne de ce nom sur la transition énergétique, abandon du projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes, choix en faveur de l’agro-écologie, proportionnelle et non cumul des mandats et relance du projet européen.
On l’a assez dit et répété, les choix économiques et énergétiques du modèle de demain se font à l’échelle européenne. Les renoncements de la France sur ce front augurent mal de notre capacité à influer, surtout lorsqu’on nous prédit l’arrivée massive de députés européens d’extrême droite au parlement européen en 2014. Sur cet ensemble de dossiers, les arbitrages ne sont pas faits et la ligne suivie par le gouvernement a surtout été de gagner du temps. Aux écologistes de porter avec constance leur caractère prioritaire, et d’obtenir dans l’année qui vient des avancées sur l’ensemble d’entre eux, avec un processus de suivi (agenda politique, calendrier législatif, et moyens budgétaires) qui devrait se mettre en place entre écologistes et socialistes dès le début de l’année 2014.
Symboles enfin. Au lieu de laisser les uns et les autres gloser sur l’avancée du Front national, alors que les élections municipales approchent, les écologistes doivent, sur les questions d’immigration et de droit de vote des étrangers, reprendre des responsabilités en première ligne avec les associations et tous ceux qui le souhaitent dans la société. La promesse du droit de vote des étrangers a plus de 30 ans, la politique d’immigration française est à la fois opaque et injuste et soumet les étrangers à l’arbitraire bureaucratique et aux aléas du piston. C’est aux écologistes d’avoir le courage de relancer le débat sur ces questions par des propositions politiques et législatives précises. Osons le dire, organiser un grand événement international comme la Cop21 sans assumer d’être un pays ouvert sur le monde aux yeux de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique, du Moyen Orient, n’est-ce pas déjà prendre le risque de l’échec ?
Passons des mots aux actes. La politique vaut mieux que ce que nous donnons à en voir aujourd’hui. N’ayons peur ni des incertitudes du monde, ni de la confrontation démocratique, ni d’être aux avant-gardes. L’écologie offre un projet pour demain, un mode d’emploi pour aujourd’hui et mérite mieux que de rester à la niche.
Lucile Schmid, membre du conseil politique d'Europe Ecologie-Les Verts, ancienne conseillère régionale PS en Ile-de-France (2004-2010).