Les premières élections législatives depuis 11 ans se déroulent samedi 28 septembre en Guinée. « La communauté internationale et l'Union européenne, qui se sont mobilisées depuis plusieurs années en faveur de l'apaisement politique en Guinée et de la liberté de son peuple, doivent faire preuve d'une très grande vigilance » envers leur déroulement des élections, affirme le député européen (PS) Patrice Tirolien.
Lorsqu'elle a élu pour la première fois de manière démocratique son Président, Alpha Condé, en novembre 2010, la population guinéenne espérait en avoir fini avec les régimes militaires et autocratiques qui se sont succédé depuis son indépendance en 1958. Or, les aspirations démocratiques contenues dans cette élection ont été rapidement ternies par la difficulté manifeste de Condé à organiser des législatives qui parachèvent la transition politique et dont les modalités satisfassent les parties impliquées.
Opposant historique des gouvernements précédents, celui qui avait promis d'être le “ Mandela de la Guinée ” est désormais accusé par sa propre opposition de vouloir plier à sa volonté la jeune démocratie. Au fil des mois, les manifestations se sont multipliées pour obtenir des concessions sur les modalités du scrutin de la part du clan présidentiel, accusé de manque de transparence et d'équité. Malheureusement, les troubles politiques en Guinée sont bien plus anciens. Et les tensions s'exacerbent depuis la mort de Lansana Conté en décembre 2008 et le coup d'Etat militaire qui lui a fait suite.
Face à cette situation, de longs mois d'attentisme général nous ont donné une nouvelle démonstration de la difficulté pour la communauté internationale à réagir efficacement lorsqu'il s'agit de sa responsabilité de protéger. Car seuls la férocité des exactions, les massacres et les viols du 28 septembre 2009 ont pu sortir les Etats de leur léthargie.
La France a alors suspendu sa coopération militaire et déployé une assistance médicale aux victimes, appuyant ainsi la dynamique démocratique qui était en train d'émerger.
L'Union européenne a quant à elle adopté une série de mesures restrictives (gels des avoirs, embargo sur les armes, etc.) en vertu de l'article 96 des Accords de Cotonou, qui conditionne l'aide au développement. Elle a également mis en place un programme d’appui aux élections, notamment via l'envoi d'une mission d'observation électorale, et a conditionné la levée du reliquat du montant du 10e Fond européen pour le Développement à la tenue des législatives.
Au niveau de l'ONU, un représentant du Secrétaire général a été nommé pour faciliter le dialogue entre le gouvernement et l'opposition. Son action a notamment contribué à l'obtention par l'opposition du droit de vote des Guinéens de l'étranger, ce que le gouvernement refusait jusqu'alors. Le choix de l'opérateur technique sud-africain du scrutin, Waymark, dont l'indépendance était contestée depuis des mois par l'opposition, s'est vu également entériné en 2013, en échange de la consultation de ses travaux par des experts électoraux des deux camps. C'est ce même accord qui devrait permettre la tenue des élections ce week-end. En attendant, les négociations entre les deux camps continuent dans un climat de rancœur et sous la pression des violences de rue.
Mercredi, des révélations du Canard Enchaîné ont donné aux élections une perspective encore plus alarmante: le journal a eu accès à deux notes rédigées par les services de renseignements français (DGSE) et américain (CIA), qui évoquent le financement obscur de partis de l'opposition depuis l'étranger et leur mode opératoire consistant à « inciter la police et les forces armées à recourir à la force et ainsi à créer des martyrs ». La situation est d'autant plus préoccupante que le contexte des élections serait propice à des manifestations violentes qui pourront faire office de couverture à des opérations menées par les mercenaires. Mais il faut prendre garde à ce que ces révélations ne légitiment pas, par avance, une répression démesurée du gouvernement en place face à éventuelles contestations des résultats.
La communauté internationale et l'Union européenne, qui se sont mobilisées depuis plusieurs années en faveur de l'apaisement politique en Guinée et de la liberté de son peuple, doivent donc faire preuve d'une très grande vigilance ces prochains jours.
L'Union et ses Etats membres doivent, à l'instar des Etats-Unis, mettre tous les moyens à leur disposition pour faire face aux récentes révélations de corruption et identifier ceux qui interfèrent dans les affaires d'un Etat souverain.
Le peuple guinéen a soif de dignité et de participation active dans la vie politique de son pays. Nous nous devons d'entendre ces revendications et agir pour accompagner au mieux ce pays si riche d'espoirs dans sa transition vers l'Etat de droit.