Billet de blog 28 avril 2014

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Alstom doit rester une entreprise française

Etienne Butzbach, ancien maire de Belfort et président de l’agglomération belfortaine, estime que l'Etat doit impérativement entrer au capital d'Alstom et refuser son absorption par Siemens ou par General Electric : « Le président de la République et l’Etat doivent s’engager pour que notre pays garde un pouvoir stratégique dans ce secteur essentiel pour notre avenir et l’indépendance nationale. »

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Etienne Butzbach, ancien maire de Belfort et président de l’agglomération belfortaine, estime que l'Etat doit impérativement entrer au capital d'Alstom et refuser son absorption par Siemens ou par General Electric : « Le président de la République et l’Etat doivent s’engager pour que notre pays garde un pouvoir stratégique dans ce secteur essentiel pour notre avenir et l’indépendance nationale. »


L’histoire de Belfort est de très longue date liée à Alstom et aux évolutions de ce fleuron de l’industrie nationale. Plus récemment, les collectivités locales ont engagé de nombreux efforts pour que notre site devienne un lieu majeur des industries de l’énergie. Le président de la République et l’Etat doivent faire preuve de volontarisme, et s’engager pour que notre pays garde un pouvoir stratégique dans ce secteur essentiel pour notre avenir et l’indépendance nationale. Sinon comment croire au redressement productif qui fut au cœur de la campagne présidentielle de 2012 et qui est considéré par nos concitoyens comme un défi majeur, incontournable ?

Au regard de l’actuelle situation financière d’Alstom, l’Etat doit impérativement entrer au capital de l’entreprise de façon significative pour peser sur les décisions, dans le même temps que doivent se nouer des alliances et partenariats stratégiques avec d’autres entreprises. 

Alors que deux offres de rachat se présentent, il convient tout à la fois de refuser l’absorption ou la partition d’Alstom par Siemens ou par General Electric, et de réfléchir à l’alliance la plus susceptible d’assurer le développement du groupe, son avenir et l’emploi. Et là, il faut affirmer avec force que la question des technologies énergétiques est déterminante et centrale.  

Nous avons mesuré la force de cet enjeu à Belfort et pouvons éclairer des choix qui concernent non seulement notre territoire mais l’avenir industriel de notre pays.

Belfort reste une ville dominée par ses activités industrielles avec près de 6 000 emplois directs salariés par les deux géants de l’énergie que sont General Electric et Alstom, qui construit également dans notre cité les motrices de TGV. Ce sont également plusieurs milliers d’emplois de sous-traitants et de services qui sont en jeu dans la pérennisation de cette activité industrielle. Depuis le rachat à Alstom de la production belfortaine de turbine gaz par General Electric en 1999, puis le combat pour le sauvetage du groupe français après l’épisode désastreux de la fusion ABB Alstom au début des années 2000, les collectivités locales, la ville, l’agglomération et le conseil général ont accompagné ces deux groupes dans leur développement. Près de 150 millions d’euros ont été investi par notre société d’économie mixte patrimoniale pour aider la restructuration du site Alstom, à travers l’acquisition et la rénovation de 200 000 m2 de bâtiments industriels, la construction d’un centre technologique et d’un centre d’essai supplémentaire pour General Electric et d’un nouveau bâtiment ultra moderne et innovant pour abriter les 500 ingénieurs et cadres qui travaillent à la conception de centrales pour Alstom.

Nous avons favorisé les liens entre les équipes des deux grands groupes avec l’Université de technologie de Belfort Montbéliard et l’Université de Franche Comté pour renforcer les synergies entre recherche publique et recherche et développement privée. Nous nous sommes associés à un cluster original, la Vallée de l’énergie créée avec GE, Alstom, des PME innovantes du secteur et le soutien de la Chambre de commerce et d’industrie. Cette association, à l’initiative des industriels, a élaboré ces deux dernières années plusieurs projets collaboratifs de plate-formes de R&D et de rationalisation du fonctionnement énergétique du site, en cours de labellisation par le commissariat général à l’industrialisation.

Il y a donc incontestablement un véritable intérêt stratégique à développer ce partenariat entre deux groupes qui, localement, sont beaucoup plus complémentaires que concurrents. L’un, GE, ayant constitué à Belfort un centre d’excellence mondial dans le domaine des turbines gaz de moyenne puissance, et l’autre, Alstom, disposant d’une installation et d’une main d’œuvre particulièrement performante pour la production de turbines à vapeur de grande puissance, notamment destinées aux centrales nucléaires.

Le véritable enjeu des grandes manœuvres capitalistiques qui se jouent aujourd’hui est bien celui-ci : allons-nous encore demain pouvoir appuyer notre développement sur le formidable atout qu’est la concentration sur le site belfortain d’un outil industriel exceptionnel ?

Depuis de nombreuses années se trouve posé le problème de la confortation de la position du groupe Alstom à travers des alliances nécessaires. Une occasion majeure a été manquée à la fin des années 90, où aurait pu alors être élaboré un rapprochement avec Siemens. Mais la volonté politique était aux abonnés absents, en France comme à Bruxelles. Ces derniers temps est réévoquée l’hypothèse d’une fusion avec Siemens au nom d’une logique qui voudrait promouvoir la constitution d’un géant européen. Mais comment une Europe aujourd’hui entièrement dominée par la logique du marché et de la concurrence, bien loin de se préoccuper de la mise en place d’une réelle politique industrielle commune, pourrait-elle être capable de réaliser une telle opération ? Comment ne pas redouter qu’au motif de risques monopolistiques ou de position dominante, des réductions de voilure, des ventes d’activités ne seraient pas imposées par la commission européenne ? Comment imaginer qu’un tel rapprochement, étant donnée la position de l’Allemagne actuellement, ne se termine pas par un marché de dupes : l’énergie pour l’Allemagne et le ferroviaire pour la France, avec des conséquences à terme redoutées par les salariés du site belfortain ?

Mais, par ailleurs, comment le rachat pur et simple d’Alstom par GE ne fragiliserait-il pas considérablement la pérennité de l’activité en déplaçant les centres de décision aux Etats-Unis ?

Oui, des partenariats et des alliances sont nécessaires et dans l’état actuel plutôt avec GE qu’avec Siemens. Mais surtout, l’Etat, comme il l’a fait pour Peugeot tout proche en participant à sa recapitalisation, doit se donner les moyens de garantir le maintien de l’activité et des centres de décision d’Alstom en France. 

Etienne Butzbach, ancien maire de Belfort et président de l’agglomération belfortaine

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