Billet de blog 28 août 2014

Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

Abonné·e de Mediapart

L'Europe doit investir pour la croissance et l'emploi

A la veille de la réunion extraordinaire du Conseil européen du 30 août, Giovanni Cozzi, de la Fondation européenne d’études progressistes, et Stephany Griffith-Jones, de l'Initiative Policy Dialogue présidé par Joseph Stiglitz, expliquent comment une meilleure stimulation de l'investissement dans l'UE permettrait de relancer la croissance, de réduire la dette publique et de créer beaucoup d'emplois.

Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A la veille de la réunion extraordinaire du Conseil européen du 30 août, Giovanni Cozzi, de la Fondation européenne d’études progressistes, et Stephany Griffith-Jones, de l'Initiative Policy Dialogue présidé par Joseph Stiglitz, expliquent comment une meilleure stimulation de l'investissement dans l'UE permettrait de relancer la croissance, de réduire la dette publique et de créer beaucoup d'emplois.


De plus en plus de personnes s’accordent à dire qu’il sera impossible de rétablir une croissance durable au sein de l'Union européenne sans stimuler l'investissement. Le Conseil européen des chefs de gouvernement a affirmé avec force que l'UE a besoin de mesures concrètes visant à accroître les investissements et à créer des emplois. Ils ont tout de suite appelé à une mobilisation équilibrée et adéquate des financements des secteurs privé et public. En outre, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a affirmé son engagement pour une meilleure exécution du budget de l'UE et de la Banque européenne d'investissement (BEI) afin de stimuler l’investissement. Juncker assure que ces mesures « permettront à l'UE de mobiliser jusqu'à 300 milliards d’euros, en plus de l'investissement des secteurs privé et public dans l'économie réelle au cours des trois prochaines années ». De manière plus concrète, Jean-Claude Juncker propose « d'identifier et d'encourager des projets générateurs d'emplois durables ». Pour la réalisation de tels projets, il propose la mise sur pied d’instruments financiers plus efficaces et la prise en considération d'une nouvelle révision à la hausse du capital de la BEI. 

Dans une étude récente, nous avons fait une proposition précise qui montre comment une augmentation du capital et des octrois de crédits de la BEI, accompagnée de nouveaux instruments, peut conduire à une meilleure stimulation de l'investissement dans l'UE. Au niveau de l'offre, cette mesure permettra de promouvoir à long terme la croissance et la compétitivité et contribuera à stimuler la demande globale pour une croissance plus rapide avec davantage d'emplois, en particulier dans les pays de la périphérie. 

Deux voies prometteuses se dégagent de l'utilisation des ressources publiques limitées en vue de la réalisation de progrès importants en matière d'investissement. La première concerne l'augmentation du capital d’apport de la BEI, et la seconde l'atteinte de l'effet de levier dans le budget de l’UE. 

A la mi-2012, les leaders de l'UE ont franchi une étape visionnaire en doublant le capital d'apport de la BEI de 10 milliards d'euros. Cette mesure a été un véritable succès et a poussé la BEI à relever son niveau de prêts de façon significative; les emprunts de l'UE auprès de la BEI ont augmenté en 2013 de près de 20 milliards d'euros, soit environ 42%, comparé à 2012. Les crédits alloués aux PME ont presque doublé. 

Ainsi, grâce au succès de cette mesure et au vu de la forte restriction actuelle des crédits privés, en particulier dans les pays les plus touchés par la crise, nous proposons une nouvelle augmentation de 10 milliards d'euros du capital versé de la BEI. Cette mesure permettra d’atteindre les 80 milliards d'euros de crédit de la BEI, et un accroissement total s’élevant à 160 milliards d'euros du crédit total et de l'investissement privé pour les prochaines années. 

Ces prêts supplémentaires pourraient rapidement être mis en place, mais pas seulement dans les pays frappés par la crise. Compte tenu de l’intégration commerciale très effective des pays de l'UE, une meilleure croissance dans la périphérie profitera à tous les pays de l'UE. 

Le budget de l'UE est le deuxième moyen pour atteindre le levier financier. Des projets de grande envergure peuvent être cofinancés par la BEI, à côté de l'investissement des caisses de retraite et des compagnies d'assurance. Une infime partie du budget de l'UE pourra être utilisée comme marge de solvabilité afin de permettre à la BEI de prêter des ressources supplémentaires. Une plus petite partie (une proportion du budget de l'UE), soit 5 milliards d'euros par an, peut être allouée à cet effet. Cette mesure permettra à la BEI d’accorder un crédit de 10 milliards d'euros supplémentaires par an pour le financement des projets d’infrastructures (emprunts obligataires) et d'encourager l'innovation susceptible de générer jusqu'à 40 millions au profit de l'investissement.

Si ces deux possibilités sont explorées, l'UE pourrait augmenter son octroi de crédit et son investissement d'environ 300 milliards d'euros dans les années à venir.

Quel sera l'impact d'une telle stratégie aussi bien sur la croissance de l'UE et de l'emploi que sur le rapport dette-PIB et les déficits publics? 

Sur la base du Cambridge-Alphametrics Model (CAM), nous estimons qu’un tel plan de crédit et d’investissement va conduire à la création de 5 millions d'emplois supplémentaires au sein de l'UE ! 

Cette stratégie d’investissement aboutira à des résultats favorables pour ce qui est des rapports dette-PIB et des déficits publics. En l'absence d'un plan d'investissement efficace, les rapports entre la dette publique et le PIB pour le sud de la zone euro (Grèce, Italie, Portugal et Espagne) vont probablement atteindre les 140%, d'ici 2020, du fait d'une faible croissance. Cependant, la stratégie d'investissement que nous avons proposée débouchera non seulement sur la croissance, mais également sur une importante régression du rapport dette-PIB, allant à 100% du PIB dans le sud de la zone euro d'ici 2020. 

De plus, ce scénario d'investissement n'aggravera pas la détérioration des déficits fiscaux même si l'investissement public est maintenu. Tout au contraire, ces déficits baisseront progressivement pour atteindre le seuil de 3% imposé par le pacte financier. 

Les résultats générés par la stratégie d'investissement que nous proposons conduiront à une très forte croissance de l'emploi en Europe. Ils sont en accord avec les propositions qu'apportent déjà les autorités de l'UE. Ces mesures vont, par-dessus tout, donner espoir aux millions de chômeurs que compte l'UE et contribuer à ranimer l'enthousiasme pour une Europe au service de ses citoyens. Ces propositions doivent être mise en œuvre dans l’urgence ! 

Giovanni Cossi, conseiller économique à la Fondation européenne d’études progressistes (FEPS), le think-tank des sociaux-démocrates au niveau européen

Stefany Griffith-Jones, directrice des marchés financiers à l'Initiative Policy Dialogue (IPD), le think-tank basé à l’Université Columbia (New York), fondé et présidé par Joseph Stiglitz

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.