Pour Germinal Peiro, député (PS) de Dordogne, «nourrir l'Europe avec du mouton de Nouvelle-Zélande (...), du bœuf d'Argentine, des pommes de Chine (...) n'a plus de sens». « Produire là où les gens ont faim», tel est le moyen de résoudre la crise alimentaire tout en protégeant l'environnement.
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À l'heure où l'agriculture française connaît une crise sans précédent - la plus grave depuis plus de trente ans, selon les propos du ministre de l'Agriculture - et où le Président de la République fait semblant de quitter le dogme libéral pour appeler à une nouvelle régulation sans en définir les contours, l'heure est à la défense d'une nouvelle régulation mondiale qui doit s'appuyer sur la relocalisation des productions agricoles.
Répondre à la crise environnementale
Au cours du siècle dernier, les moyens de production, de transports et d'échanges se sont considérablement développés sans tenir aucun compte du fait que la planète était un monde fini et qu'elle devait être protégée. Aujourd'hui, les atteintes à la qualité de l'environnement sont patentes. La plus spectaculaire après la pollution des eaux est, sans conteste, le réchauffement climatique. Il y a urgence à agir et à limiter, au plus vite, les émissions de gaz carbonique dont les transports assurent une part prépondérante. L'idée prônée par les libéraux que les productions agricoles pouvaient être assurées sur n'importe quel continent pourvu qu'elles soient à meilleur prix est aujourd'hui dépassée.
Pour la protection de la planète, il faut, dès maintenant, limiter les transports inutiles et cesser de faire parcourir des milliers de kilomètres à des productions qui peuvent être assurées localement. Nourrir l'Europe avec du mouton de Nouvelle-Zélande qui a parcouru 22 000 km, du bœuf d'Argentine, des pommes de Chine, des poires d'Afrique du Sud et des kiwis du Chili n'a plus de sens.
Répondre à la crise alimentaire
Depuis des décennies, sous l'égide de l'Organisation Mondiale du Commerce, les partisans du libre-échange sans contrainte nous ont fait croire que la libéralisation des échanges allait rééquilibrer les productions dans le monde et résoudre le problème de la faim. L'échec est aujourd'hui dramatique. L'abaissement des droits de douane et l'ouverture des marchés n'ont pas enrichi l'Afrique qui était autosuffisante sur le plan alimentaire en 1970 et qui, aujourd'hui, est totalement dépendante. Les pays riches, en particulier européens, ont recolonisé l'Afrique par la voie alimentaire et nous avons pu déverser grâce à la libéralisation des marchés nos surplus de céréales, de poulets et de poudre de lait à des prix tellement bas qu'ils ont déstabilisé les productions locales. Pire, les pays riches ont saisi l'occasion de la libéralisation des marchés pour abaisser leur aide aux pays les plus pauvres. Ainsi, la part de l'agriculture dans l'aide publique au développement est passée de 17 % en 1980 à 3,8% en 2006.
En 1980, la Banque Mondiale consacrait 30 % de ses ressources à l'agriculture contre 6 % en 2006. Dans le 9e fonds européen de développement, l'Union Européenne n'a consacré que 4,5 % à l'agriculture des pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique).
Pour résoudre la crise alimentaire, il faut, comme le dit Jacques Diouf, Directeur Général de l'Agence de l'ONU pour l'agriculture et l'alimentation, produire là où les gens ont faim.
Il est donc temps de redonner la primauté aux cultures vivrières locales, de redonner à chaque continent la possibilité de nourrir sa population.
Garder l'équilibre des territoires
Sur les six milliards d'êtres humains, 2,5 milliards sont des paysans et pratiquement 1 milliard souffre de malnutrition. Par centaines de milliers, poussés par la misère et les difficultés alimentaires, une partie de ces femmes et de ces hommes quitte les zones rurales pour aller s'entasser dans les mégapoles d'Amérique Centrale ou du Sud, d'Afrique et d'Asie où la plupart survivent dans des bidonvilles.
Cet exode rural massif vers les villes et les côtes engendre des déséquilibres sociaux, sanitaires, environnementaux quasi insurmontables, un problème que nous connaissons en France et en Europe dans une moindre mesure. Là encore, la relocalisation et le développement des productions agricoles s'avèrent une absolue nécessité.
Alors oui, nous pouvons encore espérer. Si personne n'a pu imposer des critères sociaux dans les échanges mondiaux, peut-être que l'urgence environnementale, la crise alimentaire et le nécessaire équilibre des territoires imposeront une nouvelle régulation qui pourrait commencer par la relocalisation des productions agricoles.
Le protocole de Kyoto qui a exclu les transports maritimes et aériens n'a pas répondu à ces urgences. Elles doivent donc rester au cœur des discussions du prochain sommet de Copenhague.
Germinal Peiro, député (PS) de Dordogne, secrétaire national du Parti socialiste à l'agriculture,
la ruralité et la mer.