Billet de blog 31 juillet 2013

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L’onde de simplification

Pour réaliser le choc de simplification voulu par le gouvernement, les défauts des aides fiscales aux entreprises doivent être corrigés car leur complexité les rend « davantage profitables aux grandes firmes qu’aux PME », explique Sofiane Aboura, de l'université Paris Dauphine.

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Pour réaliser le choc de simplification voulu par le gouvernement, les défauts des aides fiscales aux entreprises doivent être corrigés car leur complexité les rend « davantage profitables aux grandes firmes qu’aux PME », explique Sofiane Aboura, de l'université Paris Dauphine.


Le choc de simplification s’inscrit dans une politique de modernisation de l’action publique. Son objectif essentiel est d’accroître l’efficience de l’action de l’Etat en rationalisant la dépense publique. D’une part, cela signifie réduire les formalités administratives consommatrices de temps et donc coûteuses pour l’Etat. D’autre part, cela se traduit par une réduction simultanée des aides jugées peu efficaces aux entreprises. 

Si cette somme de mesures constitue une avancée certaine, représente-t-elle une contribution suffisante pour accroître l’activité économique ? Les seules mesures qui permettent d’aller dans ce sens sont celles qui sont perçues par les actionnaires comme maximisant la valeur de leur firme. Autrement dit, chaque mesure qui n’y contribue pas risque d’apparaître pour les entreprises comme simplement bureaucratique. Fondamentalement, deux leviers principaux permettent de contribuer à ce sentiment de maximisation de la valeur de la firme.

Le premier consiste à attribuer des aides fiscales aux entreprises (crédit d’impôts de l’Etat, subventions nationales et locales, etc.). C’est le levier traditionnellement privilégié par l’Etat. Toutefois, il souffre de plusieurs défauts. Ces aides sont trop nombreuses, notamment du fait de la décentralisation qui induit plusieurs milliers de dispositifs ; elles sont parfois complexes ou d’une durée de vie incertaine. Finalement, ces aides semblent être davantage profitables aux grandes firmes qu’aux PME, moins bien armées pour les déceler ou pour profiter des dispositifs d’optimisation fiscale afin d’échapper à l’impôt sur les sociétés. Au total, ce sont 110 milliards d’euros d’aides qui sont versées aux entreprises, alors que ces dernières reversent environ 55 milliards d’euros d’impôts sur les sociétés, sans compter les impôts indirects qu’elles payent. Autrement dit, les entreprises reçoivent deux fois plus que le montant qu’elles paient en impôts sur les sociétés.

Il n’est guère possible d’imaginer une subvention perpétuelle des entreprises sans dégrader l’équilibre budgétaire. En effet, la firme capitaliste est une organisation ultra-centralisée autour de l’actionnaire et de son agent, le PDG. Ce dernier va rationnellement décider librement de l’allocation de la subvention. En vertu de quoi oublierait-il, dans l’exercice de ses fonctions, son propre intérêt et celui de son actionnaire pour adopter comme objectif l’intérêt général ? La réponse semble claire. Ainsi, il vaudrait mieux réserver des aides simples et ciblées sur des entreprises technologiques et non pas des aides nombreuses, complexes ou génériques (déductions des intérêts d’emprunts de la dette, TVA à taux réduit, etc.), trop coûteuses et induisant un comportement opportuniste. Le rapport de juin 2013 remis au premier ministre, dans le cadre de la modernisation de l’action publique, va dans le bon sens, bien que les économies proposées soient d’un ordre de grandeur plutôt faible (2 milliards d’euros en 2014-15 selon le rapport).

Le second consiste à créer des dispositifs juridiques simples réservés aux entreprises. Il apparaît comme étant un peu plus rare en pratique. Prenons l’exemple du petit Etat américain Delaware. Sans oublier qu’il s’agit d’un paradis fiscal par ses taux d’imposition imbattables, il est aussi perçu aux Etats-Unis comme un Etat traditionnellement favorable aux entreprises grâce à un droit simple et flexible. En France, le statut de l’auto-entrepreneur, parmi d’autres dispositifs, répond aussi à cette logique. Sa simplicité a offert à presque 900 000 entrepreneurs un arrangement organisationnel idéal pour mener à bien leur projet ; c’est que l’on appelle communément « libérer les énergies ».

Il présente plusieurs bénéfices. Il permet d’accroître la courbe d’apprentissage par une série d’essais et d’erreurs et, de facto, d’accroître la confiance en soi, condition nécessaire pour trouver, par ailleurs, un emploi salarié. Il peut faire émerger une activité commerciale de l’économie souterraine au profit du budget de l’Etat, soit en augmentant sa contribution financière, soit en réduisant son coût social s’il ne génère pas encore de revenus. Enfin, il contribue à réduire le chômage, comme tous les entrepreneurs, et cela sans faire une concurrence frontale aux artisans puisque le chiffre d’affaires est plafonné et les charges ne sont pas déductibles. Son succès populaire ne peut qu’encourager à pérenniser ce dispositif qui répond bien à la logique de ces mesures de simplification.

Plus généralement, cette vague de simplification devrait nécessairement se poursuivre par une réforme du marché de l’emploi dont la rigidité ne profite essentiellement qu’aux « insiders ». 

Sofiane Aboura, maître de conférences à l'Université Paris Dauphine

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