Quelques poches de plus sur nos étagères ? Une sélection des parutions de cette rentrée.
Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham
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Blonde, cheveux tirés en arrière, lunettes. Départ volontaire pour une région dans laquelle elle est sans attaches. Florence Aubenas veut comprendre «la crise» de l'intérieur. Elle garde son identité, ses papiers, sauf la carte de presse, plaidera l'homonymie au besoin, part pour Caen et cherche du travail. Anonyme. Seul bagage: un bac. Aucune qualification. Six mois de plongée dans un monde paradoxal:
«La crise. On ne parlait que de ça, mais sans savoir réellement qu'en dire, ni comment en prendre la mesure. On ne savait même pas où porter les yeux. Tout donnait l'impression d'un monde en train de s'écrouler. Et pourtant, autour de nous, les choses semblaient toujours à leur place, apparemment intouchées.»
Pour comprendre, trouver les mots justes, il faut vivre ces situations, les éprouver, ne pas se contenter d’observer, d’en rendre compte de l’extérieur. Florence Aubenas s’inscrit au chômage en mars 2009, vit les agences d’intérim, le Pôle Emploi, les forums pour l’emploi, les stages. Les petits boulots. Sans qualification, que faire? «Vous êtes plutôt le fond de la casserole, madame».
Lire la suite (article paru dans le Bookclub, en mars 2010)
Points, 242 p., 6 € 50 Lire un extrait
Abdellah Taïa, Le Jour du roi
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Maroc, 1987, le roi Hassan III va passer sur la route qui relie Rabat à Salé. Deux amis, Omar Fakih et Khalid El-Roule, «un pauvre avec un riche», l'attendent. Tous deux ont 14 ans. Khalid, l'adolescent riche, a été choisi pour baiser la main du souverain, Omar sent colère et jalousie monter en lui. La guerre des classes est déclarée.
Le roman déploie le rapport obligé de la population à son roi: «On m'a appris à l'aimer. À dire son nom. À le crier.» Mais il plonge également dans la complexité de la société marocaine, ses inégalités, la place des femmes (dont certaines, comme la mère d'Omar, font leur «révolution», se libèrent, quittent leur mari), une parole muselée, étroitement surveillée par la police.
Lire la suite (Série Voyages en littératures arabes, juin 2011 (6/8), La Dynamique des désirs et interdits)
Points, 191 p., 6 €
Arnaud Cathrine, Le Journal intime de Benjamin Lorca
Contrairement à ce que semble annoncer son titre, ce roman n’est ni une autofiction ni un journal. Mais un texte polyphonique, choral où viennent se croiser quatre voix, celle d’Edouard, un ami qui se serait bien vu en amant, celle de Martin, le frère, celle de Ronan, ami et compagnon de scène et enfin celle de Ninon, qui vivait avec Benjamin Lorca, écrivain, annoncé dans le titre, que nous ne croiserons qu’à travers ces quatre regards successifs, à rebours du temps. Benjamin est mort il y a quinze ans. Le roman suit sa présence en creux, à travers les mots de ses proches, quinze ans après, dix ans, cinq ans, juste après son suicide. Comme si la béance de cette mort devait être apprivoisée, en une chronologie inversée : car Benjamin « continue de mourir ». Comme s’il fallait aller vers le plus proche, le plus intense, le plus intime, d’Edouard ami lointain (à son corps défendant) à Ninon, la compagne, la mère de son enfant.
Lire la suite (article paru dans le Bookclub,janvier 2010)
Folio, 206 p., 4 € 84
Anne Berest, La fille de son père
«La vérité, elle répète, la vérité est une mèche lente.»
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Elles sont trois. Rousses. Aux rires de hyènes. Trois, comme les Parques, filles de la Nécessité et du Destin, de la destinée humaine, de la naissance à la mort. La narratrice et ses deux sœurs, Irène, l’aînée, Charlie, la plus petite. Des Parques d’aujourd’hui qui maîtrisent bien peu les événements, entre fatalisme et déroute. Les trois sœurs se ressemblent, se désassemblent, se restructurent autour d’un dîner d’anniversaire. Moment de sociabilité obligée, de façade familiale et d’implosion quand un secret de famille jusque-là soigneusement enfoui refait surface, bombe à retardement qui redistribue les cartes et les souvenirs. Sur cette trame qui pourrait sembler si simple et archaïque – Sophocle apparaît dès l’épigraphe –, Anne Berest signe un premier roman singulier, à la langue absolument fascinante, décomplexée, incroyablement juste. La Fille de son père est le récit des deuils et des absences, des creux, du sentiment d’être transparente aux autres, le roman des complicités perdues, des hasards les plus farfelus, des quêtes identitaires, des filiations.
Lire la suite (article paru dans le Bookclub en octobre 2010)
Points, 150 p., 6 €
Georges Perec, L’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation
On sait que les membres de l’Oulipo (OUvroir de LIttérature POtentielle) se définissaient comme des «rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir». Cette métaphore pourrait également illustrer L’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation, joyau de Georges Perec écrit en 1968 enfin disponible en Poche.
Ecrire sous la contrainte, produire des structures et organigrammes pour stimuler la créativité, tel est aussi le propos de ce texte. Un labyrinthe mental, dans lequel un «nous» s’adresse à un «vous», qui désigne chacun d’entre nous mais aussi l’homme en général, l’archétype de celui qui voudrait obtenir une augmentation de la part d’un chef de service aussi évanescent qu’injoignable… Ce «vous» est aussi celui de cet employé lambda, dans ses contradictions, son flux de pensées tout autant logiques que saugrenues, ses errements. Il se dédouble, analyse les conséquences multiples et contradictoires du moindre geste, de la moindre conduite, du meilleur cheminement à suivre pour obtenir cette augmentation tant désirée.
Lire la suite, article paru dans le Bookclub en décembre 2008
Points, 6 € 50 (parution le 8 septembre 2011)
Mais aussi :
Le Cerveau de mon père de Jonathan Franzen (Points)
Sommeil de Murakami (10/18), du même et toujours en 10/18 Après le tremblement de terre.
Le Testament d'Olympe de Chantal Thomas (Points)
Ce que je sais de Véra Candida de Véronique Ovaldé (J'ai Lu)
Ru de Kim Thuy (Liana Levi, Piccolo) : Pendant la guerre du Vietnam, une famille fuit le communisme, et avec elle une petite fille. Elle raconte le déracinement, la difficulté de s'intégrer dans un nouveau pays, le Canada, cette sensation d'être devenue étrangère à son propre pays.
Le Livre de Dave de Will Self (Points)
Le Ciel de Bad City de Catherine Mavrikakis (10/18)