Le format poche a constitué une révolution du livre. Pas seulement par son format, le rendant « portatif », pour reprendre un terme de Voltaire, mais par son prix : moins de papier, moins cher à fabriquer, donc, une mise en vente plus accessible. Le livre devient objet de consommation, bon marché.
Cette révolution du monde des livres, nous la devons à Gervais Charpentier (1805-1871) qui eut l’idée d’introduire un format réduit, l’in-18, un texte resserré, réduisant la taille donc le coût du livre. La couverture de cette nouvelle collection, la Bibliothèque Charpentier, jaune canari, d’un papier épais, permettait également une indentification visuelle, rapide. Charpentier est enfin à l’initiative d’un prix unique du livre, 3 francs 50 le volume. Nous étions en 1838 et cette innovation eut une autre conséquence, littéraire, un soutien à la modernité, une diffusion des écrivains romantiques.
Les innovations dans le domaine du poche ont toujours eu ces fonctions : diffusion du livre à moindre coût, format pratique, vulgarisation… que l’on pense à Tallandier, en 1905, qui inaugure le terme de « Livre de Poche » ou à Henri Filipacchi qui lance Le Livre de Poche le 9 février 1953. Nouvelle révolution, des éditeurs s’associent pour les collections de poche. Grasset, Gallimard, Calmann-Lévy, Albin Michel sont les « pères fondateurs » de cette nouvelle collection.
Depuis, le poche s’est encore diversifié. Nombre de maisons d’édition, parfois regroupées, ont leur format poche : Folio pour Gallimard, Points Seuil pour le groupe La Martinière (Seuil, L’Olivier…), Piccolo chez Liana Levi, Babel pour Actes Sud, etc.
Ces dernières années, le livre de poche s’est encore transformé. Révolution de format et de publication - 10/18 s’est agrandi en format 13/20 pour publier des inédits -, maquettes profondément transformées (Folio), diversification des collections, du triller à la SF en passant par les « grands classiques », jusqu’à des initiatives étranges, voire ridicules : association d’un livre de cuisine et de son moule en silicone, couvertures en fourrure synthétique, cadeau d’un loup en satin ou d’un canard rose vibrant pour l’achat de deux bouquins érotiques… On n’est plus là dans la nouveauté éditoriale mais dans le marketing pur et dur. Raison suffisante pour saluer une initiative intéressante qui renoue avec l’édition et la vocation essentielle du poche : la diffusion de la culture, d’une grande culture, en "petit" format.
Points Seuil innove en effet doublement ce mois-ci et bouleverse totalement les codes avec les Cinépoches, nouvelle collection qui associe, dans un coffret, un livre et son adaptation au cinéma, mais aussi en diffusant un spot impertinent sur grand écran, du 8 au 21 avril, dans une centaine de salles en France (et sur Mediapart...). Une fausse bande-annonce qui dégomme les clichés les plus éculés du cinéma comme du livre.
L’idée des Cinépoches est extrêmement séduisante : réunir deux interprétations d’une même œuvre, deux regards, deux approches esthétiques, pouvoir les comparer, réfléchir à la notion d’adaptation. Il ne s’agit évidemment pas d’opposer, de conclure à une quelconque supériorité de la littérature sur le cinéma, de l’original sur sa version cinématographique. Mais d’une rencontre des arts, d’un dialogue. C’est ainsi qu’Emmanuelle Vial, directrice de la collection, présente ce projet : « Personne ne sert de faire-valoir à personne, le DVD n’est pas conçu comme un ʺbonusʺ du livre, il s’agit véritablement de présenter deux facettes, deux visions d’une même œuvre ». Le poche sur grand écran, ouvrant le regard, la perception des œuvres, par le dialogue de langages artistiques complémentaires, essentiels.




Le choix s’est ainsi naturellement porté vers de grandes œuvres littéraires ayant donné lieu à des adaptations elles aussi magistrales : No Country for old men de Cormac McCarthy puis des frères Coen, La Pianiste d’Elfriede Jelinek puis Michael Haneke, Créance de Sang de Michael Connelly puis Clint Eastwood, La Constance du jardinier (The Constant Gardener) de John le Carré puis Fernando Mairelles.
Ensuite à vous de choisir : lire puis regarder, ou l’inverse. Le dialogue comme forme de liberté. Belle idée.
Coffrets Les Cinépoches, Seuil, collection Points, à paraître le 9 avril 2009, prix unique de 17 € 90 (tirage limité pour chaque coffret).Premiers nominés :
NO COUNTRY FOR OLD MEN - Un roman de Cormac McCarthy - Un film de Joel et Ethan Coen
CREANCE DE SANG - Un roman de Michael Connelly - Un film de Clint Eastwood
LA PIANISTE - Un roman d’Elfriede Jelinek - Un film de Michael Haneke
LA CONSTANCE DU JARDINIER (The Constant Gardener) - Un roman de John Le Carré - Un film de Fernando Mairelles