Billet de blog 9 juillet 2013

Christine Marcandier (avatar)

Christine Marcandier

Littérature

Journaliste à Mediapart

Lady Yoga

Lady Yoga en posture critique est le deuxième volet d’une saga romanesque signée Rain Mitchell. Nous sommes à Los Angeles, empire du bien-être, du culte du corps (et de l’esprit). Au studio de yoga de Lee, tout est fait pour apprendre à lâcher prise. Là se croisent des personnages hauts en couleur, pris dans le tourbillon de leurs amours, leur travail, leurs amitiés, leur quête éperdue de bonheur.

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Littérature

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Illustration 1

Lady Yoga en posture critique est le deuxième volet d’une saga romanesque signée Rain Mitchell. Nous sommes à Los Angeles, empire du bien-être, du culte du corps (et de l’esprit). Au studio de yoga de Lee, tout est fait pour apprendre à lâcher prise. Là se croisent des personnages hauts en couleur, pris dans le tourbillon de leurs amours, leur travail, leurs amitiés, leur quête éperdue de bonheur.

Illustration 2

Le studio de yoga est un microcosme, une communauté qui permet à l’écrivain de croquer avec une légèreté trompeuse (les coups de griffe ne sont jamais loin) une certaine société américaine, prête à tous les compromis pour réussir. Le yoga est ce prisme, un point d’optique, une manière de raconter une société prise dans une commercialisation toujours plus féroce, le culte de l’argent, de l’apparence, de la célébrité sous couvert de bien-être physique et spirituel. Comment engager le séduisant et adulé David Todd comme professeur à Silver Lake ? « David Todd ne fait pas mystère de son hostilité envers l’establishment et cette mercantilisation tous azimuts qui s’est depuis quelque temps emparée du yoga — une prise de position qui, assez curieusement, augmente sa valeur commerciale aux yeux du susdit establishment, par lequel il est d’autant plus assidûment courtisé ». Faut-il participer au Festival Flow & Glow, « l’événement phare » de la discipline, qui cristallise toutes ses dérives ? Devenir une sorte de Kyra Monroe, « la prêtresse internationale du yoga », incontournable auteur d’un « Le Dehors du dedans, qui traite de "la spiritualité et de l’érotisme des asanas" » ?

Quand la Californie adopte le mens sana in corpore sano, cela donne « Wagner Emerson (…) un petit bonhomme très musclé, qui a sans doute passé le cap fatidique de la trentaine, et peut-être même de la quarantaine. Mais on voit qu’il n’a pas lâché l’affaire. Il exhibe un torse bronzé, imberbe, et si lisse qu’il semble avoir été poli. Entre sa plastique irréprochable et son casque de cheveux platine, il est fin prêt pour un shooting à paraître dans Men’s Health — voire pour tourner un porno ».

Illustration 3

Rain Mitchell croque avec jubilation une communauté loufoque, ses pratiques, tics et manières d’être, traquant les paradoxes, les arnaques, alignant des épisodes tous plus savoureux : de l’eau de coco — boisson omniprésente, qui doit être vendue à un prix élevé sinon les gens pensent qu’elle est de mauvaise qualité ou à base de concentré — à la compétition acharnée entre les studios de yoga qui génère stress, irritabilité et colères noires… bien loin du zen attendu. Le yoga se décline désormais en disciplines connexes, des « pratiques hybrides » qui se veulent toujours plus attractives : le Yoga de Janeiro, mais aussi le « yoga fusion », « croisé avec la danse, l’acrobatie ou la boxe française. La salsa. La gymnastique. La natation. On peut faire du discoyoga. Du piloga. Du yogaquatique. Quel sera le prochain ? Yoga on Ice ? »

Rain Mitchell mène le récit avec la verve irrésistible des séries télé, ferre son lecteur en le faisant passer du rire (surtout) à l’émotion. En suivant les aventures rocambolesques des cinq femmes au centre du récit, on pense aux Desperate Housewives ou à Sex and the City, et, au rayon littéraire, aux Chroniques de San Francisco. C’est féroce et drôle, acidulé, caustique, et d’une vérité sociologique criante sous des dehors légers. Rien d’étonnant quand on sait que sous le pseudonyme de Rain Mitchell se cache l’écrivain américain Stephen McCauley qui nous parlait récemment — et dans un français impeccable — de la liberté trouvée dans cette saga littéraire très codifiée comme dans l’usage d’un pseudonyme, de ce qui lui a inspiré ces chroniques et de cette Amérique qu’il croque si joyeusement dans ces deux premiers tomes :

Lady Yoga © Mediapart

Rain Mitchell, Les Chroniques de Lady Yoga, traduit de l’américain par Christine Barbaste, 10/18, 2012, 333 p., 7 € 98

Lire un extrait

Rain Mitchell, Lady Yoga en posture critique, traduit de l’américain par Christine Barbaste, 10/18, 2013, 334 p., 7 € 98