Billet de blog 15 octobre 2011

Christine Marcandier (avatar)

Christine Marcandier

Littérature

Journaliste à Mediapart

Dans nos poches d'octobre

Les poches de septembre étaient ici. Sélection d'octobre : des incidences, une centrale, Maf le chien parle de Marilyn Monroe, le tout En un monde parfait. Lectures.

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Illustration 1

Les poches de septembre étaient ici. Sélection d'octobre : des incidences, une centrale, Maf le chien parle de Marilyn Monroe, le tout En un monde parfait. Lectures.

Illustration 2

Philippe Djian, Incidences, Folio, 256 p., 6 8

Incidences. Le titre comme creuset d'un roman. Par son pluriel qui ouvre à une polyphonie, à de nombreux évènements qui surviennent, brisent la ligne, la creusent, la portent. L'incident comme hasard et digression. Pierre angulaire d'un roman choral, moins parce qu'il tisserait une multiplicité de voix que parce qu'il joue avec les genres (roman noir, d'apprentissage, récit d'une vie, mise en abyme de l'écriture et de ses contraintes), avec les flux de conscience d'un personnage - quand «les événements en décidaient autrement», «tout homme devait s'y plier» - avec les souvenirs de ce personnage qui reviennent, s'imposent «incidemment».

Lire la suite de l'article paru dans le Bookclub en mars 2010

Illustration 3

Elisabeth Filhol, La Centrale, Folio, 144 p., 5 €

Elisabeth Filhol signe un premier roman nucléaire, un procès verbal dans tous les sens du terme : aventure du verbe comme récit clinique. La centrale est de ces textes qui happent et hantent, d'une séduction étrange, tout autant romanesque que politique, sociale, de ces objets littéraires qui semblent des évidences, stylistiques, structurelles.

Yann est un de ces ouvriers invisibles et intérimaires qui œuvrent au cœur des centrales nucléaires. Un de ces hommes du nomadisme, du risque, de la précarité. « Les autres, comme moi, ne sont là que pour les trois à cinq semaines que dure un arrêt de tranche, maintenance du réacteur et rechargement en combustible, de mars à octobre les chantiers se succèdent à travers la France et les hommes se déplacent d'un site à l'autre, tous salariés de sociétés prestataires ».

Tous vivent une tension extrême, permanente, vont vers ce « métier à risques » par nécessité, urgence, mais aussi « en dernier ressort, pour aller jusqu'au bout, pour atteindre ce point vers lequel tous les désirs convergent dans leur ambiguïté, ce point central d'où tout part, d'où toute l'énergie primaire est issue. S'en approcher au plus près, sentir son souffle. D'une telle puissance. Dont on connaît bien les effets dévastateurs. Mais qui a sur les hommes, du moins certains hommes, une force d'attraction incomparable - sur certaines femmes aussi peut-être, je ne sais pas, il n'y a pas beaucoup de femmes dans les centrales ».

Un seul impératif, ne pas dépasser « la dose », l'irradiation maximale autorisée par homme et par an. « EDF encaisse les profits, vous encaissez les doses ». Lire la suite de l'article paru dans le Bookclub en avril 2010

Illustration 4

Laura Kasischke, En un monde parfait, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Eric Chédaille, 352 p., 6 € 50

En un monde parfait - celui de Ken et Barbie - cette histoire serait un conte de fées, pétri de clichés : Jiselle, 32 ans, hôtesse de l'air, célibataire et si longtemps demoiselle d'honneur au mariage des autres, rencontre le beau commandant de bord Mark Dorn, « le plus bel homme de la terre ! ». Amour fou dans les plus beaux hôtels autour du monde, ses yeux « couleur de l'herbe au printemps », le plaisir d'avoir supplanté toutes ses rivales.

Mais.

« Cela faisait un mois qu'elle était épouse et belle-mère ». Mark est veuf, père de trois enfants, rarement présent. Jiselle, qui a démissionné à la demande de son époux, découvre l'envers du mariage. Devenir une mère au foyer, voire une « gouvernante » officielle, s'occuper d'enfants qui vous haïssent, surmonter un passé fait de deuil et d'absences, de silences lourds de secrets mal enfouis. Le «mais» qui construit le roman tel que Laura Kasischke le conçoit, exploration des failles, des coulisses du décor. Aller sous les apparences trompeuses, dans la douleur comme la joie trop ostentatoire. Faire de l'adversatif le ressort du romanesque.

Jiselle est une Emma Bovary de la middle class américaine. Une Emma singulière puisqu'elle ne commence à lire qu'une fois mariée, apprentissage des illusions perdues, abandon de ses rêves de mariage parfait en un monde parfait. Une Eve d'après la chute, dans sa jolie ville de « St. Sophia » qui se proclame « berceau de l'Amérique » dès le panneau rouge, blanc et bleu signalant l'entrée dans la commune, et se révèle ville des limbes, dans sa maison dont la véranda est construite autour d'un cèdre, arbre de la connaissance. Jiselle, créature d'abord perdue dans un monde de l'Apocalypse puisque l'Amérique et le monde sont en pleine crise, pris dans une pandémie (la grippe de Phoenix) qui décime peu à peu la population, la contraint à la survie, entre restrictions, maladies, croyances et délires collectifs, apprend à se construire un destin. Lire la suite de l'article paru dans le Bookclub en octobre 2010

Illustration 5

Andrew O'Hagan, Vie et opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe, traduit de l'anglais par Cécile Deniard, Points, 352 p., 7 €. Sortie le 27 octobre 2011

Au croisement de la fable animalière, du conte philosophique et du roman excentrique (dès son titre directement inspiré du Tristram Shandy de Sterne), Vie et opinions de Maf le chien narre les aventures d'un bichon blanc, né dans le Sussex, élevé par la mère de Natalie Wood et offert par Frank Sinatra à Marilyn Monroe, pour la consoler de sa rupture avec Arthur Miller. «Je devenais peu à peu cet être délicieux que je suis : un de ces chiens que des aventures attendent à l'étranger et qui sont destinées à en faire le récit».

Le bichon maltais partagera les derniers mois de Norma Jean, la rupture avec Arthur Miller - «marié à sa machine à écrire, pas à moi» - la psychanalyse, les doutes et angoisses, cinématographiques comme existentielles, Kennedy. De New York (et sa «beauté de dessin animé») à Los Angeles, des plateaux aux cocktails, des répétitions de la pièce Anna Christie à sa chambre, «Marilyn m'emmenait partout». Lire la suite de l'article paru dans le Bookclub en août 2010.