Le scénario s’ouvre sur un « il était une fois ». Manière de souligner l’importance de la fiction comme du récit, du « dire ». Inglorious Bastards - devenu Inglourious Basterds - est un hymne à la puissance du verbe, du film, au pouvoir de l’image pour détruire comme construire, (dé)faire l’Histoire.

C’est percevoir à quel point l’ironie de Tarantino est polymorphe : citationnelle (« Nuit allemande à Paris. À noter : tout le chapitre sera filmé en noir et blanc à la manière de la Nouvelle Vague française »), elle est aussi violence verbale, jeu, un procédé jubilatoire dont il use et abuse, dont le scénario porte la trace, qu’il s’agisse des répliques du colonel SS Hans Landa ou des échanges verbaux, à glacer le sang, lors de la partie de cartes à « La Louisiane ». Impossible de regarder de la même manière un verre de lait, quand Tarantino en fait un des ressorts de son film.

Les mises en abyme (« je crois que ça pourrait bienêtre mon chef d’œuvre »), les réécritures filmiques, tout fait sens. Le scénario se lit comme un roman, avec les images du film en surimpression quand on a déjà vu Inglourious Basterds. Et le texte en Pavillons Poche ajoute une dimension : les annotations du metteur en scène, ses parenthèses qui soulignent un jeu de scène (« il laisse la métaphore produire son effet »), les termes en italiques qui trouveront tout leur sens, leur plénitude, leur épaisseur dans le jeu des acteurs, leurs intonations, leurs mimiques.
Il est à noter que le scénario publié l’est dans sa version originale, avant la Director’s cut, les scènes que Tarantino préféra finalement couper. On lira donc des scènes que l’on ne peut voir sur les écrans, comme celle qui met en présence Shosanna et Mme Mimieux, coupée au montage.
Indispensable.
CM
Quentin Tarantino, Inglourious Basterds, traduit de l’américain par Nicolas Richard, Pavillons Poche, 266p., 8 € 90
