Billet de blog 1 décembre 2016

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62. « Libérer le travail »

La grande trouille du patronat remonte aux années 68-70-80 où s’est amorcée une réelle convergence de luttes du mouvement ouvrier, du mouvement étudiant, du mouvement immigré, et des banlieues. Le patronat a puissamment réagi. Les "chocs" antisociaux sont à combattre en même temps que les ravages des mises en sous-traitance qui réalisent une autre forme de domination et des réseaux de type mafieux

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La grande trouille du patronat remonte aux années 68-70-80 où s’est amorcée une réelle convergence de luttes du mouvement ouvrier, du mouvement étudiant, du mouvement immigré, et des banlieues.

Des pare-feu politiques et institutionnels ont vite été mis en place.

Le patronat a puissamment réagi : - en cassant l’identité ouvrière (*), - en multipliant les instances paritaires qui ont généré des « syndicalistes-parlementaires ».

-Robotisation ;

-Délocalisation en masse des activités nécessitant beaucoup de main d’œuvre.

-Fractionnement des entreprises en filiales juridiquement « indépendantes », avec des employeurs différents, des statuts différents et des conventions collectives différentes. Liées par sous-traitance.

-Fractionnement de productions autour d’une entreprise maîtresse faisant appel d’offres pour l’exécution de tranches de travaux par sous-traitance en cascade. Les abus de position dominante se généralisent. Concentration du profit en haut de la pyramide. Au détriment de ceux qui, en bas effectuent le travail.

Dans les années 90, ces procédés ont fusionné dans la production avec la mutation néolibérale, qui a cassé le rapport de commandement pyramidal au sein des entreprises et administrations, au profit d’une organisation du travail et d’un « management » impersonnel où chaque salarié est isolé, privé d’interlocuteur responsable ; lui-même proclamé responsable du tout, son travail nié par une évaluation bureaucratique, uniquement quantitative, filtrée par des critères limités.

La grosse majorité du travail est fractionnée sur de petites et moyennes entreprises liées par sous-traitance : et au final, le travail est fait par des artisans, des « indépendants », des autoentrepreneurs qui sont déjà 1 million, réseaux « uber », entreprises déplacées (de l’Est), petites entreprises sous-payées contraintes d’employer sous-qualifiés, ou non déclarés et de tirer sur le coût et la qualité des fournitures. Arnaques et malfaçons en masse.

Les mêmes organisations et management ont été installés dans les entreprises publiques  et les administrations. La négation des missions, leur massacre, les conséquences dramatiques pour le public et pour le bien public ont abouti au suicide de travailleurs attachés aux valeurs humaines et sociétales. (Santé, Forêt, social, …)

L’industrie agroalimentaire s’est doté de filières qui contrôlent tout, de la graine aux circuits commerciaux, réduisant les paysans à n’être que main d’œuvre pieds et poings liés, ruinés et nombreux poussés au suicide. L’étape suivante est la culture artificielle hors sol, et les usines à viande type mille vaches, sans prairies. Ce type d’agriculture s’est illustré avec l’épidémie de « vache folle » et les nombreuses atteintes à la santé due aux pesticides et aux engrais chimiques.

En même temps que dans les sphères des « décideurs », les escroqueries, les détournements de fonds publics et abus de biens sociaux se sont répandus, réalisés en bande, organisées.

Il faut séparer les techniques d’élimination sans licenciement organisées dans des sociétés qui réorientaient leurs activités, supprimaient certaines de ces activité. Techniques de meurtre psychologique. Se traduisant par de nombreux suicides provoqués.

C‘est dans cet ensemble que les « réformes » successives du code du travail (1), les réformes des retraites, les déremboursements massifs de soins ont été imposés. Nous n’en sommes pas encore aux contrats 0 heure anglais, ni aux salaires sans planchers qui sévissaient en Allemagne. Mais cela viendra dans un « choc antisocial ».

Le nombre de salariés continuera à baisser et être fractionnés dans des statuts très différents sous des employeurs très fragilisés. L’exécution des travaux sera reportée de plus en plus sur les filières de sous-traitance. Et, simultanément, les conditions des salariés du privé et du secteur public, seront toujours plus dégradées par paliers successifs, pour rejoindre celles des travailleurs détachés et des « autoentrepreneurs » ubérisés et inorganisés, auxquels le donneur d’ouvrage impose que seul le travail rendu soit payé, toujours moins payé, sans autre engagement d’aucune sorte.

Du même coup, les syndicats déjà divisés, voient leur base constamment rabotée.

Ajoutons que salariés et « indépendants » sont poussés vers des prévoyances de santé, de retraite, de temps chômés, « par capitalisation » c’est-à-dire par cotisation auprès de fonds de pension actifs dans le casino financier, spéculateurs et vautours, qui ne garantissent rien si l’activité économique régresse. En premier lieu, chantage antigrèves.

Il ne s’agit pas là de l’aboutissement d’un plan diabolique ni d’un « complot ». Mais de mutations opérées depuis une quarantaine d’années dans tous les secteurs d’activités, sous l’obligation d’ «efficience » posée par  des financeurs qui fuient vers les profits les plus gras et qui fuient leurs responsabilités vis-à-vis des malfaçons et atteintes à la santé. Le tout, enrobés de formules « déclin de la France », « concurrence étrangère » (dans les années 70, c’était la  concurrence japonaise !), « rassurer les marchés ».

Le 1% au monde qui accapare les capitaux, impose ces chantages dans tous les pays successivement afin, partout, de réduire au plus bas les conditions des 90 autres %. La différence, 10%, ce sont les « experts », les « élites » et encadrement supérieur de police, qui assurent l’ingénierie.

La pression sera accrue par les migrations de plus en plus massives résultant du dérèglement climatique, de la ruine de plus en plus de pays, de guerres et de la fascisation rampante généralisée des régimes politiques.

On ne peut plus isoler le sort des seuls salariés. C’est globalement le Travail, qui doit être pris en compte pour l’efficacité des luttes.

 Telle est la mécanique qui creuse les inégalités. Appuyés sur la construction en cours du fascisme et de la guerre mondialisés du 21° siècle. (qui ne seront pas la copie des fascismes et des guerres des siècles précédents)

Lire l'excellente analyse des dernières réformes du droit du travail présentée par la Professeure Sophie Béroud dans cet interview : https://www.mediapart.fr/journal/france/190216/sophie-beroud-le-programme-du-medef-est-applique

Du bon usage du droit du travail

https://www.mediapart.fr/journal/economie/270117/combiner-rsa-et-benevolat-cest-arrive-pendant-l-euro-2016-lyon

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