Billet de blog 3 février 2017

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Autoentrepreneurs. Requalifier en contrat de travail. Préparer la plainte en Prud’ho

Se généralise la transformation d’emplois salariés en rapport commercial entre l’entreprise et des personnes sous statut de « Travailleur indépendant », « autoentrepreneur », voire artisan. Tous les secteurs sont touchés. Il arrive que la relation commerciale soit déséquilibrée, voire en abus de position dominante. Le travailleur qui n'est alors plus indépendant, est gravement lésé.

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Récit d'un livreur à vélo autoentrepreneur géré par ordinateur-employeur. Se défoncer pour un SMIC dont il faut enlever les cotisations, les repos et congés. Privé de ressource lorsqu'il y a un manque de commandes. Illusoire maîtrise des temps travaillés.  France-Culture Les pieds sur terre jeudi 23 mai 2019      https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/trois-minutes-qui-comptent

RC 45. Outil.

Autoentrepreneurs. Requalifier le contrat commercial en contrat de travail.  Préparer sa plainte en Conseil de Prud’homme.

Se généralise la transformation d’emplois salariés en rapport commercial entre l’entreprise et des personnes sous statut de « Travailleur indépendant », « autoentrepreneur », voire artisan. Cela s’étend à l’audiovisuel, aux arts graphiques, le transport, les livraisons, bâtiment, la maintenance, etc… Tous les secteurs sont touchés.

Cela peut bien se dérouler, permettre de travailler et vivre bien.

Mais la relation commerciale peut s'avérer déséquilibrée dès le départ, ou de plus en plus déséquilibrée, entre le travail fourni, ses contraintes et charges, en regard de la rémunération par laquelle le donneur d’ouvrage se déclare quitte. Le dérapage vers l’abus de position dominante vient facilement.

Un critère important de l’Indépendant, est sa possibilité réelle de se constituer une clientèle. C’est indispensable pour ne pas être dépendant d’un seul donneur d’ouvrage, et de ses aléas. Il ne peut y être fait obstacle, sans porter atteinte à l'indépendance qui caractérise l'Indépendant, qui garde cependant la possibilité de ne travailler que pour un seul. Mais ce doit être son libre choix.

Exemple : le technicien « indépendant », contraint d’être dans sa voiture à un lieu précis, avec son téléphone portable, de 7h à 20h, prêt à se rendre chez un client (serrure, fuite d’un robinet…) dès que la plateforme le lui indique. En fin de mois, seuls les dépannages en clientèle sont payés, ainsi qu’une prime pour chaque contrat de maintenance qu’il réussit à placer.

En cas d'abus avec grave dommge, la question de la requalofication du contrat en contrat de travail se pose. On a vu des acteurs de "téléréalité" y parvenir.

Il s'agit de faire constater par le tribunal, la dépendance organisée, demander la requalification du contrat en contrat de travail, et la régularisation financière, selon les dispositions de la convention collective de la profession, ou à défaut, selon la loi. Eventuellement, on peut demander indemnités de rupture et de chômage, pour ce contrat requalifié, si l’abus a rendu la poursuite impossible. Il est alors important qu’une lettre de l’Indépendant réagisse aux abus et si cela se poursuit, proclame la rupture par faute du donneur d’ouvrage qui a rendu la relation impossible.

L’éventuelle clause du contrat signé qui désignerait une instance d’arbitrage des conflits est à examiner avec un conseil juridique compétent.

Avant de sortir de ce contrat commercial, il est important de garder trace de tout ce qui pourra aider le Juge à faire sa conviction, quant au lien de subordination et aux abus pécuniaires, pour justifier les sommes demandées.

Important d’aller voir juger au tribunal de Prud’homme (les séances sont publiques) pour en comprendre la logique.

Le Tribunal aura besoin de connaître

-          l’activité de l’entreprise, ce qui s’est dit lors de l’entretien d’embauche pour quelles tâches, pour quelle clientèle, selon quelles normes, quels délais et autres contraintes Est-il prévu des périodes de congés. Qui précisera les dates exactes. Qu’est-il prévu en cas d’accident ou de maladie, Paiement à une caisse de retraite ? Le contrat a-t-il une clause de rupture, de renouvellement, une clause d’arbitrage.

-          De quelle façon le prix du travail à exécuter est-il calculé ?

-          Le contrat signé contient-il contrainte d’exclusivité ?

Le déroulement de la relation de travail diffère t-il de ce qui était dit au départ ?

-          Existe-t-il une contrainte d’horaire où être disponible, contrainte de lieu où se tenir disponible, zone désignée pour un démarchage commercial

-          Qui désigne le travail du jour, de la semaine. A qui rendre compte, et de quelle façon ? Qui alerter en cas d’incident,

-          Qui a signé le contrat avec le client ? Qui établit la facture ? A qui doit-il remettre ou adresser son paiement

-          Qui fournit le véhicule, l’outillage, son renouvellement ? Existe-t-il une contrainte vers qui se procurer les fournitures et matériaux

-          Existe-t-il des sanctions ?

Y a-t-il dans le contrat commercial une clause de non-concurrence, quelles limites de temps et d’espace. (engagement à ne pas concurrencer le donneur d’ouvrage)

A-t-on eu connaissance d’incidents avec des clients, des collègues… pour des litiges similaires.

Des témoignages peuvent être utiles. Ils doivent être rédigés sur la photocopie recto-verso de la carte d’identité du témoin.

La demande de requalification en contrat de travail est à motiver par la subordination économique, disciplinaire, par l’entrave à la construction d’une clientèle personnelle, l’entrave à l’indépendance et l'évaluation des torts provoqués..

Le Conseil de Prud’homme a été réorganisé par la loi du 20 mai 2016 en vigueur depuis le 1 août 2016.

Le plaignant doit choisir de saisir :

Soit le bureau de conciliation et d’orientation

Soit directement le bureau de jugement

Un formulaire officiel est à utiliser. Il est complexe et contraignant, ce qui est contraire au principe d’une juridiction accessible à tous. L’aide d’un syndicat est souvent nécessaire.

Si on a choisi de saisir le bureau de Conciliation et d’Orientation, celui-ci fait énoncer la demande, puis écoute la défense. Il tente de faire évoluer l’un et l’autre vers un accord, un montant de dédommagement, la restitution d’objets, délivrance de documents,… En ce cas il rédige et fait signer l’arrangement convenu, et l’affaire est définitivement close.

Si la conciliation échoue, le bureau en prend acte, détermine le calendrier et la mise en forme du dossier, en vue du jugement, peut contraindre à fournir des éléments, mesures d’instruction nécessaires.

Si on a choisi de saisir directement le bureau de jugement, l’audience est précédée par un délai donné au plaignant pour remettre à la partie adverse la demande ainsi que les pièces qui les justifient. La partie adverse a son propre délai pour remettre au plaignant sa position et ses propres pièces, avant l’audience.

La procédure est orale et contradictoire. La séance est publique. Mais la plainte doit être établie sur un formulaire à retirer auprès du Tribunal.

Le jugement peut être contesté devant la Cour d’Appel. L’appel est une procédure écrite nécessitant un avocat.

Le tout peut s’étaler sur plus d’une année.

Consulter les fiches techniques du ministère de la justice  sur son site : http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/fiches-techniques-cph-12836/

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