Billet de blog 10 mai 2019

michel-lyon

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79.  Suicides au travail, une mode ? Non ! La mode du management qui tue.

Processus d'un combat contre une stratégie managériale destructrice. Un combat sans issue. Qui s'achève sur un acte accusatoire. Au cours de mes années de travail, et de syndicalisme, j'ai accumulé une vaste perception de ce sujet. J'ai déjà décrit les processus du burn out organisé. Maintenant seulement, je parviens à conclure ma réflexion sur le suicide au travail.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce qu'est le suicide résultant de maltraitance au travail.

L'examen habituel de ces suicides les réduit à l'acte final.

Or cet acte final est l'aboutissement de processus tels que décrits dans les nombreux témoignages et lettres laissées par des suicidés (même si l'issue en a été évitée)

Le processus est celui de la destruction de la personne dans son identité, dans la reconnaissance de soi et de ses ses capacités : l'employeur veut évincer du monde de leur emploi en les privant de leurs droits.

Ce peut être aussi le processus de son épuisement à devoir faire un travail écrasant sans les moyens matériels ou théoriques. La contrainte de saboter le travail, et de se voir accablé de fautes. Impuissance à voir les missions de service public niées, les publics en difficulté écrasés dans l’ignorance de leurs droits : c’est insupportable.

Outil aggravant : le déni systématique des conséquences du management.  Lire : https://blogs.mediapart.fr/asd-pro/blog/020719/france-telecom-la-violence-la-maltraitance-et-le-deni

Le processus peut s'étendre sur un, deux, trois ans :   les déstabilisations répétées, les accusations de fautes, etc...  accaparent l'activité intellectuelle. Constamment anticiper la prochaine attaque emplit le sommeil, épuise la capacité de la vigilance de sorte que la personne se met en danger dans le quotidien (le bus, le stop qu'on ne voit pas, ...), étouffent les émotions, bloquent l'affect,

Pour la dignité, on a écarté l’idée de fuir : on se bat contre sa destruction.

L'apprentissage du management tueur comporte même la conduite de l'engueulade foudroyante qui vous anéantit en une minute.

Toute difficulté extérieure au travail devient ingérable ( celles de ses proches en premier lieu, là où an voudrait posr les armes)) Ingérable pour qui relève le défi de combattre sa destruction organisée.

Sans s'en rendre compte, on se ferme dans une carapace, dans un tunnel obsessionnel sans issue. On ne se rend même pas compte qu’on se détruit soi-même à force de remonter le rocher en haut de la pente. On ne voit pas que ceux qui organisant ce supplice vivent bien et rigolent.

Avec un courage inusable, on continue à gravir ce qui est devenu le couloir de la mort,

sans même se rendre compte qu'on arrive devant les phares d’un train, ou dans le vide,  

sans même avoir conscience du geste qui ne sera suivi d'aucun autre.

La lettre qu'on a peut-être rédigée avant, est un "J'accuse", qui évoque symboliquement la mort, comme acte accusatoire : ASSASSINS ! Accusatoire de sa propre mort, et de celle de plusieurs autres autour de soi.

Le geste final qui peut alors suivre sera non pas de se supprimer.

Mais de concrétiser l'accusation. Issue sacrificielle.

Ceux qui conduisent ces processus sont dans la réalisation délibérée d'assassinats. Ceux qui enseignent la conduite de ces processus forment des assassins. Il y a aussi des organisateurs d'assassinats.

L'entourage proche de celui ou celle qui se bat contre sa destruction a un rôle primordial pour lui faire entendre : STOP, tu te détruis, et c'est ce qu'ils veulent. Les tiens ont besoin de toi !

Au cours de mes années de travail, j’ai reçu un certain nombre de personnes en burn out sur plusieurs années, et pendant 20 ans j’ai participé à un CHS de la fonction publique couvrant plusieurs départements, et j’ai moi-même vécu la mutation du management néolibéral, vécu l’impérieuse nécessité de devoir faire face, pour sa dignité et pour le Service public. Des amis syndicalistes se sont suicidés en raison du retournement idéologique de leur ministère. La bagarre d’amis de La Poste, de la SNCF, .... Dans le Club Médiapart ont été publiées des lettres laissées par des salariés avant leur mort au travail. Notamment un cadre qui proclamait refuser qu’on fasse de lui un salaud. C’est sur toute cette expérience que je fonde cet écrit.

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