Billet de blog 11 avril 2016

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49. Complotisme

Dès que la sincérité du gouvernement est mise en doute, fuse l’accusation de complotisme. La gouvernance néolibérale a écrasé la politique. Aucun projet de société. Un pilotage automatique est imposé aux gouvernements. Cependant, l'image de gouvernements marionnettes est fausse : le marionnettiste n'existe pas. Pas de complot. Mais un biotope corrosif : la finance délocalisée.

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Complotisme ? Dès que la sincérité du gouvernement est mise en  doute, fuse l’accusation de complotisme.

1.      Le complotisme est la manie de voir le monde réel comme une apparence recouvrant un monde parallèle qui nous utilise. Une abondante littérature s’affiche dans les gondoles de la grande distribution, mettant en œuvre un personnage ou un groupe maléfique sis dans les profondeurs, ou dans le cosmos, ou dans un virtuel qui investit nos cerveaux.  Leur puissance se joue de nos faibles moyens.

Le complotisme insuffle l’idée qu’il est inutile de résister, qu’il faut rassurer, se soumettre, s’interdire même la méfiance.

C’est en outre, une façon de fuir la complexité du réel, remplacée par un imaginaire simple.

Une forme particulière de complotisme a proliféré après les attentats du 11 septembre 2001 qui voulait y voir la main de services secrets américains, ou dans la crise des subprimes suivie de la crise de la dette, une parodie construite pour justifier les mesures d’austérité.

Il est vrai que le pouvoir politique a fréquemment agi en sous-mains, comme il a été avéré 20 ans plus tard, dans les coups d’Etat qui ont installé des dictatures fascistes en Amérique latine, ou en Grèce, entre autres. Il a aussi lancé des diversions avec des accusations mensongères. Les mouvements populaires de libération nationale ont tous été réduits au complot de bandits et de terroristes, ce qui autorisait aux yeux de l’opinion sur le moment, le recours à la torture et à toutes les violences. Guerre totale conduite par les USA contre le peuple vietnamien, dans les années  60, par exemple.

Les pouvoirs politiques en place ont été les premiers promoteurs et bénéficiaires du complotisme.

Plus récemment, les formules « rassurer les marchés », « Règle d’or », c’est-à-dire la déification du  marché financier, a été largement utilisée pour justifier les cadeaux aux banques et la restriction des politiques sociales, imposer la soumission et interdire tout débat public sur ces régressions.

2.      Complexité nouvelle de l’échiquier mondial et des situations nationales.

Jusqu’au néolibéralisme, la politique de chaque pays était déterminée par la lutte entre sa bourgeoisie et ses travailleurs des villes et des campagnes. Evidemment impliqués dans le champ des rivalités et solidarités internationales. Les combats pour gouverner avaient un sens, avec de véritables projets de société (Front populaire contre fascisme français)

La mondialisation néolibérale a promu la libre circulation des capitaux, des marchandises et des services, ainsi que la concurrence libre et sans entraves. , déconnectée de l’économie réelle, assise sur les paradis financiers opaques. Les capitaux nomades à l’affut des aubaines instantanées ont remplacé les investissements sur lesquels les chefs d’entreprise pouvaient conduire des stratégies à 20 ou 30 ans, développer productions et emplois en masse. Ce temps est fini. Les « grands patrons » sont couverts d’or afin que la finance opportuniste puisse vampiriser librement les entreprises, et les délocaliser vers des territoires qui ignorent lois sociales, environnementales, ou de santé publique. (Voir le documentaire sur les ravages dus aux pesticides en Argentine.

Les gouvernements « de droite » et « de gauche » se succèdent, sont  puissammentcanalisés par le FMI, l’OMC, la BCE, la Commission européenne, les accords et traités (Lisbonne et bientôt TAFTA., etc… contrôlés par la Cour des comptes et par les agences de notation et autres. Ces mêmes gouvernements, se soumettent à la Gouvernance néolibéralevéritable pilotage automatique.(les fameuses règles d’or et réformes structurelles) Tous prolongent la même politique, c’est-à-dire la course aux régressions sociales. Les gouvernements sont en plus enserrés dans un maillage d’acteurs financiers avides de fonds publics, dont le lobbying force l’achat de Grands aéroports, grands stades, gares TGV autoroutes et lignes TGV ruineux, inutiles et voués durablement à une gestion déficitaire, forcent les gouvernement à acheter des millions de doses de vaccin, de caméras et autres procédés de surveillance, etc, etc. Tout un fatras qui ne constitue pas un projet de société. Mais qui creuse la dette que ces mêmes gouvernements seront sommés de combler.

L’image de « gouvernement marionnette » est fausse, qui invite à imaginer un marionnettiste et donc un complot. Ainsi, les médias ont donné l’image trompeuse d’un bras de fer entre Schaüble et Tsipras.                    C’était l’ensemble des acteurs du marché qui s’est acharné à écraser le peuple de Grèce qui avait osé un vote majoritaire rebelle.

NON il n’y a pas là de complot !

Mais un biotope corrosif complexe, très actif, local, et se jouant de la diversité du monde : la finance délocalisée.

Excellent article de Frédéric Lordon Monde Diplo; Octobre 2017. A tous les niveaux, la pouvoirs s'épuisent dans la lutte pour s'y cramponner, voyant partout des complots de couloirs.

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