La Bibliothèque municipale de Lyon vient d’inviter le fondateur de ce village et deux autres de ses membres, que le public a pu questionner. Cela peut être écouté sur le site bm-lyon http://www.bm-lyon.fr/spip.php?page=accueil_video
J’emprunte une présentation synthétique de cette expérience au site d’ATTAC-Lyon, des extraits du texte de Robert Jomard, qui a permis que cette rencontre ait lieu, http://local.attac.org/rhone/archives/article.php3?id_article=1665
Wikipédia donne aussi de bonnes informations sur Awra Amba.
La communauté AWRA AMBA dela Région Amharaa en Ethiopie, été fondée en 1972 par Zumra Nuru, d’origine paysanne pauvre qui dès son jeune âge se rebella contre l’injustice, les mauvais traitements et la malhonnêteté qu’il voyait dans sa propre famille et autour de lui dans la société amhara, traditionnelle patriarcale et croyante.
Il a voyagé dans la région pour trouver des gens qui partagent ses idées. Finalement il réunit une vingtaine de personnes qui fondent la communauté de paysans d’Awra Amba sur une cinquantaine d’hectares. Mais les voisins sont scandalisés par l’égalité entre les sexes, les droits des enfants et leur absence de religion. S’ensuit une période troublée pour la communauté, mêlant prison pour son leader et exil à plusieurs centaines de kilomètres pendant plusieurs années. La communauté redémarre finalement en 1993 sur son site actuel et se développe.
Awra Amba est un village très fortement uni par une culture et des idéaux, qui le distinguent de la société amhara et des villages environnants.
C’est d’abord une communauté qui partage des valeurs : vivre à Awra Amba signifie partager et défendre ces valeurs. Les principales valeurs citées par les différents auteurs sont assez variées, mais nous les regroupons finalement en honnêteté, égalité et notamment égalité des sexes, solidarité des êtres humains, travail et absence de religion ou rationalisme. Nous détaillons chacune de ces valeurs sur le plan conceptuel telles que les défend la communauté d’Awra Amba, d’après les différents auteurs.
En termes d’institutions, Awra Amba est organisé en deux structures : la communauté, qui regroupe l’ensemble des habitants qui partagent des valeurs et un mode vie, et la coopérative de travail qui regroupe les trois quarts des membres de la communauté. Les décisions les plus importantes pour la coopérative sont discutées et décidées en assemblée générale des coopérateurs, qui élit les membres d’une quinzaine de comités ; ceux-ci mettent en application les décisions des assemblées générales et gèrent collectivement les différents volets de l’activité du village. Les femmes comptent pour 44 % des membres des comités, qui sont révocables à tout moment.
L’économie d’Awra Amba est partiellement agricole, mais les surfaces disponibles sont très inférieures à ce qu’elles sont dans la région : de 0,2 à 0,4 ha/foyer à Awra Amba selon les auteurs, pour 2,1 ha/foyer dans la région. Les principales productions agricoles sont le tef, le maïs (ou le sorgho) et les haricots secs, ainsi que les produits issus d’un petit cheptel. Les rendements sont supérieurs aux rendements régionaux d’environ un quart. Ne pouvant vivre uniquement de l’agriculture étant données la pauvreté et la rareté du sol, ils se sont diversifiés vers le tissage, la meunerie et le commerce. Ces activités sont menées pour l’essentiel au sein de la coopérative, sauf le tissage dont une part importante se fait au domicile de chacun et appartient au domaine privé.
Ces activités fournissent un revenu moyen par habitant qui semble légèrement supérieur à celui de la région, mais les chiffres fournis ne sont pas très clairs, voire contradictoires. Les besoins alimentaires des habitants semblent néanmoins entièrement couverts tout au long de l’année, alors que les deux tiers des paysans amharas ne couvrent leurs besoins alimentaires que neuf mois sur douze.
La participation aux différentes tâches agricoles, artisanales et ménagères des femmes et des hommes, ainsi que des jeunes, filles et garçons. Pour l’essentiel, ces tâches sont réparties selon les capacités de chacun et non selon son sexe. Les données d’enquête rassemblées montrent qu’il y a égalité dans le couple comme producteurs, comme consommateurs, comme responsables des tâches et travaux et comme responsables de la famille.
Le mariage est l’affaire des futurs époux, leurs parents n’ayant aucun rôle, contrairement à la norme amhara traditionnelle. Les études nous donnent des statistiques assez précises de l’âge du mariage que nous comparons aux statistiques régionales. Il apparaît qu’il n’y a pas de mariage précoce à Awra Amba, les jeunes femmes se mariant généralement entre 19 et 22 ans, et les jeunes hommes entre 20 et 25 ans, alors que dans la population rurale régionale, 5 % des garçons et 8 % des filles de 10 à 14 ans sont déjà mariés. Les couples ont en moyenne un enfant de moins que chez leurs voisins de la région. Le divorce se fait sans formalité par consentement mutuel, les biens des époux étant partagés à égalité.
La solidarité et le respect mutuel entre membres d’Awra Amba sont notamment mis en œuvre vis-à-vis des enfants : ils ont trois devoirs bien distincts : aller à l’école, jouer, et aider au travail de la communauté. Leur participation aux tâches ménagères et surtout agricoles est cependant très faible, mais tous vont à l’école le plus longtemps possible selon leurs capacités et sont encouragés à l’étude en dehors de l’école. La solidarité passe aussi par un système de prise en charge des femmes proches de l’accouchement, des malades et des personnes âgées.
Contrairement au cas de la société rurale amhara où les funérailles sont l’occasion de grands rassemblements des proches accompagnées de lamentations spectaculaires, elles ne mobilisent à Awra Amba que quelques personnes pendant quelques heures. Ces rites mortuaires correspondent au système social et culturel d’Awra Amba, dont les membres ne croient guère à la vie après la mort et privilégient la vie sur terre.
Enfin, pour gérer les conflits au sein des couples et entre membres de la communauté, plusieurs instances permanentes ont été mises en place qui semblent très efficaces pour rétablir le dialogue et gérer les conflits avec sagesse.
Awra Amba a mis en place tout d’abord un système d’auto éducation ou d’éducation mutuelle, pour les adultes, et surtout pour les jeunes enfants qui ne vont pas encore en primaire et les écoliers en dehors de l’école. Cette éducation est assurée par des élèves plus âgés et par des adultes du village, avec notamment une école maternelle et une bibliothèque bien fournie en ouvrages techniques, une école primaire et un lycée qui commence sn activité.
Tous les enfants en âge d’être scolarisés sont très actifs dans les clubs sociaux et éthiques de l’école, très à l’aise dans les discussions de groupe, très studieux, mais assez peu ouverts aux élèves des autres villages. Les enseignants les trouvent plus travailleurs, plus éthiques et plus coopératifs que les enfants des villages environnants. En conséquence, le niveau d’éducation des membres de la communauté d’Awra Amba, tous d’origine paysanne, est nettement supérieur à celui des communautés rurales de la région, avec relativement peu de différences entre les sexes.
Le grand intérêt de cette réalisation est de montrer qu’il a été possible à des familles de paysans pauvre, une vingtaine en 1972, plus de 400 personnes aujourd’hui, partageant les mêmes règles de vivre ensemble, de mettre au point eux-mêmes un système de discussion et de décisions pour subvenir de façon autonome à leurs besoins, s’éduquer, permettre à leurs enfants de s’instruire.
Il ne s’agit pas de copier leur forme de démocratie à laquelle ils sont parvenus, mais de se convaincre que l’autogestion est possible pour vivre en bonne harmonie.
En France-même de nombreuses expériences similaires ont été réalisées, qui hélas ne se font pas connaître.
Que ce récit en donne ici l’occasion !