Tous les crimes contre l'humanité rappelés ici, reposent sur une conception de l'humanité en races hiérarchisées. L'antisémitisme a des racines spécifiques, européennes, très anciennes. Les autres crimes ont caractérisé la conquête coloniale : dès le début du capitalisme, il fallait voir les populations des autres continents comme des races différentes, inférieures, voire non humaines, nègre, niakwé,..., pour justifier la spoliation de leur sous-sol et le travail très peu payé, voire impayé(Kanaques), justifier de les faire vivre dans une tès grande misère, penser qu'automatiquement ils sont "au service", et plus tard , en position systématiquement subalterne. Justifier qu'ils soient réquisitionnés comme supplétifs de l'armée ou de la police contre d'autres colonisés, utilisés comme chair à canon sous uniforme pendant les deux guerres mondiale.
Le capitalisme s'est autant construit sur l'exploitation des colonies, que sur l'exploitation ouvrière en métropole industrialisée. Spoliation raciste sous contrainte armée, et aliénation totale des ouvriers et des paysans, dont la vie aussi, ne comptait pour rien.
Mais avant le capitalisme industriel, les navires européens ont déporté, exploité, vendu 12 millions d'Africains noirs en quatre siècles. Documentaire en 4 parties Les routes de l'esclavage Daniel Cattier... et aussi un Interview de Françoise Vergès Ici
. La rafle du Vél’ d’Hiv’
Crime contre l’humanité commis les 16 et 17 juillet 1942 par le fascisme français au gouvernement.
Je ne pourrai pas mieux évoquer ce fait historique indélébile, la tragédie que fut la rafle du Vél’d’Hiv’, pas mieux que l’a fait, le 9 juillet l’UJFP, Union des Juifs de France pour la Paix, dans ce texte d’une grande justesse, dignité, et respect de notre pays.
Michel-Lyon.
"Les Français juifs seraient-ils des citoyens à part ?
C’est ce que suggère notre Président en invitant un chef d’État étranger pour commémorer une tragédie française, la rafle du Vél’ d’Hiv’.
3 octobre 1940. Le premier Statut des Juifs fait d’une partie des français sous Vichy des citoyens « à part ». Le lendemain, la loi du 4 octobre 1940 sur « les ressortissants étrangers de race juive » étend cette distinction à l’ensemble des Juifs vivant en France.
Les 16 et 17 juillet 1942, 7000 policiers et gendarmes français, sous les ordres du régime de Vichy, procédaient à une rafle des Juifs parisiens. Les fascistes français avaient poussé le zèle jusqu’à l’arrestation des enfants, devançant ainsi les demandes de l’occupant nazi. Plus de 13000 Juifs dont 4000 enfants étaient parqués au vélodrome d’hiver avant d’être déportés et, pour la quasi-totalité, assassinés.
Ni les auteurs ni les exécutants français de cette rafle ne seront poursuivis, en particulier René Bousquet qui sera assassiné sans jamais avoir été jugé. Il faudra attendre 1995 pour que le président Chirac reconnaisse la responsabilité de l’État français.
En quoi ce crime contre l’humanité « franco-français » concerne-t-il un chef d’État étranger ? A quel titre un chef d’État étranger pourrait parler au nom des victimes et de leurs proches ?
Sauf à considérer que les Juifs français sont des citoyens un peu différents, qu’ils ne sont pas tout à fait Français et doivent être représentés par l’État d’Israël… Curieuse vision de notre République que nous présente-là son nouveau Président.
Nous, Juifs français sommes doublement choqués par cette invitation. Non seulement elle fait de nous des citoyens « à part » mais en plus le Président Macron nous fait représenter par le chef d’un État où un citoyen sur cinq n’a pas les mêmes droits que ses quatre compatriotes juifs. Une puissance occupante qui, au mépris des Conventions de Genève et des rappels à l’ordre de l’ONU vole l’eau et la terre des Palestiniens pour y installer des colonies, nie les droits des Palestiniens (enfermement administratif, exécutions extrajudiciaires…) quand il ne les enferme pas dans la cage infernale qu’est devenue Gaza.
Comment, en plus, oser nous faire représenter nous, enfants de la République, par le représentant d’un régime dont le racisme s’affiche ouvertement, assimilant les Palestiniens à des serpents ou appelant au meurtre contre les mères palestiniennes. Un racisme qui s’étend même à ses propres citoyens juifs, orientaux ou venus d’Afrique de l’Est.
L’UJFP dénonce l’invitation de Benyamin Nétanyahou par notre Président. Cette visite est une insulte aux victimes et à leurs proches.
La lutte contre le racisme et pour l’égalité des droits ne se divise pas.
Le Bureau national de l’UJFP, le 9 juillet 2017
D'autre part, Shlomo SAND a adressé une Lettre au Président de la République française, magistrale, dont je reproduis ici un large extrait. Etre antisioniste, et pas antisémite. Michel-Lyon
"J’ai cessé de vous comprendre lorsqu’au cours de votre discours, vous avez déclaré que :
« L’antisionisme… est la forme réinventée de l’antisémitisme ». Cette déclaration avait-elle pour but de complaire à votre invité, ou bien est-ce purement et simplement une marque d’inculture politique ? L’ancien étudiant en philosophie, l’assistant de Paul Ricœur a-t-il si peu lu de livres d’histoire, au point d’ignorer que nombre de juifs, ou de descendants de filiation juive se sont toujours opposés au sionisme sans, pour autant, être antisémites ? Je fais ici référence à presque tous les anciens grands rabbins, mais aussi, aux prises de position d’une partie du judaïsme orthodoxe contemporain. J’ai également en mémoire des personnalités telles Marek Edelman, l’un des dirigeants rescapé de l’insurrection du ghetto de Varsovie, ou encore les communistes d’origine juive, résistants du groupe Manouchian, qui ont péri. Je pense aussi à mon ami et professeur : Pierre Vidal-Naquet, et à d’autres grands historiens ou sociologues comme Eric Hobsbawm et Maxime Rodinson dont les écrits et le souvenir me sont chers, ou encore à Edgar Morin. Enfin, je me demande si, sincèrement, vous attendez des Palestiniens qu’ils ne soient pas antisionistes !
Je suppose, toutefois, que vous n’appréciez pas particulièrement les gens de gauche, ni, peut-être, les Palestiniens ; aussi, sachant que vous avez travaillé à la banque Rothschild, je livre ici une citation de Nathan Rothschild, président de l’union des synagogues en Grande-Bretagne, et premier juif à avoir été nommé Lord au Royaume Uni, dont il devint également la gouverneur de la banque. Dans une lettre adressée, en 1903, à Théodore Herzl, le talentueux banquier écrit : « Je vous le dis en toute franchise : je tremble à l’idée de la fondation d’une colonie juive au plein sens du terme. Une telle colonie deviendrait un ghetto, avec tous les préjugés d’un ghetto. Un petit, tout petit, Etat juif, dévot et non libéral, qui rejettera le Chrétien et l’étranger. » Rothschild s’est, peut-être, trompé dans sa prophétie, mais une chose est sûre, cependant : il n’était pas antisémite !
Il y a eu, et il y a, bien sûr, des antisionistes qui sont aussi des antisémites, mais je suis également certain que l’on trouve des antisémites parmi les thuriféraires du sionisme. Je puis aussi vous assurer que nombre de sionistes sont des racistes dont la structure mentale ne diffère pas de celle de parfaits judéophobes : ils recherchent sans relâche un ADN juif (ce, jusqu’à l’université où j’enseigne).
Pour clarifier ce qu’est un point de vue antisioniste, il importe, cependant, de commencer par convenir de la définition, ou, à tout le moins, d’une série de caractéristiques du concept : « sionisme » ; ce à quoi, je vais m’employer le plus brièvement possible.
Tout d’abord, le sionisme n’est pas le judaïsme, contre lequel il constitue même une révolte radicale. Tout au long des siècles, les juifs pieux ont nourri une profonde ferveur envers leur terre sainte, plus particulièrement pour Jérusalem, mais ils s’en sont tenus au précepte talmudique qui leur intimait de ne pas y émigrer collectivement, avant la venue du Messie. En effet, la terre n’appartient pas aux juifs mais à Dieu. Dieu a donné et Dieu a repris, et lorsqu’il le voudra, il enverra le Messie pour restituer. Quand le sionisme est apparu, il a enlevé de son siège le « Tout Puissant », pour lui substituer le sujet humain actif.
Chacun de nous peut se prononcer sur le point de savoir si le projet de créer un Etat juif exclusif sur un morceau de territoire ultra-majoritairement peuplé d’Arabes, est une idée morale. En 1917, la Palestine comptait 700.000 musulmans et chrétiens arabes et environ 60.000 juifs dont la moitié étaient opposés au sionisme. Jusqu’alors, les masses du peuple yiddish, voulant fuir les pogroms de l’empire Russe, avaient préféré émigrer vers le continent américain, que deux millions atteignirent effectivement, échappant ainsi aux persécutions nazies (et à celles du régime de Vichy).
En 1948, il y avait en Palestine : 650 000 juifs et 1,3 million de musulmans et chrétiens arabes dont 700.000 devinrent des réfugiés : c’est sur ces bases démographiques qu’est né l’Etat d’Israël. Malgré cela, et dans le contexte de l’extermination des juifs d’Europe, nombre d’antisionistes sont parvenus à la conclusion que si l’on ne veut pas créer de nouvelles tragédies, il convient de considérer l’Etat d’Israël comme un fait accompli irréversible. Un enfant né d’un viol a bien le droit de vivre, mais que se passe-t-il si cet enfant marche sur les traces de son père ?
Et vint l’année 1967 : depuis lors Israël règne sur 5,5 millions de Palestiniens, privés de droits civiques, politiques et sociaux. Ils sont assujettis par Israël à un contrôle militaire : pour une partie d’entre eux, dans une sorte de « réserve d’Indiens » en Cisjordanie, tandis que d’autres sont enfermés dans un « réserve de barbelés » à Gaza (70% de ceux-ci sont des réfugiés ou des descendants de réfugiés). Israël, qui ne cesse de proclamer son désir de paix, considère les territoires conquis en 1967 comme faisant intégralement partie de « la terre d’Israël », et s’y comporte selon son bon vouloir : jusqu’à présent, 600 000 colons israéliens juifs y ont été installés….et cela n’est pas terminé !
Est-cela le sionisme d’aujourd’hui ? Non ! Répondront mes amis de la gauche sioniste qui ne cesse de se rétrécir, et ils diront qu’il faut mettre fin à la dynamique de la colonisation sioniste, qu’un petit Etat palestinien étroit doit être constitué à côté de l’Etat d’Israël, que l’objectif du sionisme était de fonder un Etat où les juifs exerceront la souveraineté sur eux-mêmes, et non pas de conquérir dans sa totalité « l’antique patrie ». Et le plus dangereux dans tout cela, à leurs yeux : l’annexion des territoires occupé constitue une menace pour Israël en tant qu’Etat juif.
Voici précisément le moment de vous expliquer pourquoi je vous écris, et pourquoi, je me définis comme non-sioniste, ou antisioniste, sans pour autant devenir antijuif. Votre parti politique inscrit, dans son intitulé : « La République », c’est pourquoi je présume que vous êtes un fervent républicain. Et dussé-je vous étonner : c’est aussi mon cas. Donc, étant démocrate et républicain, je ne puis, comme le font sans exception tous les sionistes, de droite comme de gauche, soutenir un Etat juif. Le Ministère de l’Intérieur israélien recense 75% de ses citoyens comme juifs, 21% comme musulmans et chrétiens arabes et 4% comme « autres » (sic). Or, selon l’esprit de ses lois, Israël n’appartient pas à l’ensemble des Israéliens, mais aux juifs du monde entier qui n’ont pas l’intention de venir y vivre. Ainsi, par exemple, Israël appartient beaucoup plus à Bernard Henry-Lévy et à Alain Finkielkraut qu’à mes étudiants palestino-israéliens qui s’expriment en hébreu, parfois mieux que moi-même ! Israël espère aussi qu’un jour viendra où tous les gens du CRIF, et leurs « supporters » y émigreront ! Je connais même des français antisémites que cette perspective enchante ! En revanche, on a pu entendre deux ministres israéliens, proches de Benjamin Nétanyahou, émettre l’idée selon laquelle il faut encourager le « transfert » des Israéliens arabes, sans que personne n’ait émis la demande qu’ils démissionnent de leurs fonctions.
Voilà pourquoi, Monsieur le Président, je ne peux pas être sioniste. Je suis un citoyen désireux que l’Etat dans lequel il vit soit une République israélienne, et non pas un Etat communautaire juif. Descendant de juifs qui ont tant souffert de discriminations, je ne veux pas vivre dans un Etat, qui, par son autodéfinition, fait de moi un citoyen doté de privilèges. A votre avis, Monsieur le Président : cela fait-il de moi un antisémite ?
Shlomo Sand, historien israélien
(Traduit de l’hébreu par Michel Bilis)
La commémoration de 2017, placée sous le patronage du chef du gouvernement d’extrême-droite israélien, a été de ce fait choquante pour la mémoire des victimes. Choquante pour tous les citoyens inquiets du sort qui est fait aux Palestiniens pour les éliminer de leurs territoires. Inquiets pour ce que cela signifie comme identité imposée aux israéliens, identité indigne des victimes de la Shoah et de leurs survivants. Car les Israéliens sont tous impliqués dans cette élimination sans merci. Mes billets de blog «Palestine 2017. Survivre est une résistance » en relatent le quotidien indigne. Michel-Lyon
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2) ALGERIE 18 juin 1845
« Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, fumez-les à outrance comme des renards », déclare le général Bugeaud aux officiers qui s’apprêtent à partir en mission. Saint-Arnaud, Montagnac et Pélissier, pour ne citer que ceux-là, se sont exécutés avec zèle en suivant le mode opératoire établi par leur chef. En particulier le colonel Pélissier qui, le 18 juin 1845, détruit une tribu entière – celle des Ouled Riah - dont les membres désarmés s’étaient réfugiés dans les grottes du Dahra, proches de Mostaganem. Bilan : sept cents morts, au moins. (Lire le billet d'Olivier Le Cour Grandmaison du 17 septembre 2017, qui fait surgir ce que fut la conquête de l'Algérie)
En 1838, le terme razzia évoquait un raid punitif contre un opposant qui avait refusé de coopérer, afin de lui dérober du bétail, de la nourriture, éventuellement prendre quelques otages. Quatre ans plus tard, la razzia signifiait un raid au cours duquel les populations civiles des tribus rebelles étaient massacrées, pour l'exemple. Et dès 1842, les razzias françaises détruisaient les cultures, les réserves de céréales les vergers, capturaient économiquement et socialement les algériens restés sur leurs terres. Ainsi se formait une colonie de peuplement.
8 mai 1945
"A Guelma , en 1945 , résidait ma famille maternelle . Mon grand père et son fils ainé étaient bijoutiers .
A cette époque , arabes et juifs étaient en très bonne harmonie , parlant tous l'arabe . Malgré que , depuis le décret Crémieu ( en 1852 , je crois ) les juifs d' Algérie avaient reçu la nationalité française .
La gendarmerie de Guelma a proposé en 45 à mes oncles ( français , donc ) , comme à tous les colons , des armes pour partir à la chasse à l'arabe à Guelma .
Mes oncles ont bien sûr tous décliné .
Et mon grand père , qui fournissait toutes les familles arabes du coin en bijoux , pour les mariages , les fêtes et ayant une grande baraque , a ouvert ses portes et caché pas mal de Guelmois arabes pourchassés .
A la mort de mon grand père , outre la communauté juive , un très grand nombre de familles arabes sont venus témoigner leur peine à ma grand mère .
Mais ça , c'était avant la création de l' état d' Israël par les sionistes .
Amitiés "
Cela s’est passé un 8 mai 1945, massacres de Sétif, Guelma et Kherrata
http://www.babzman.com/cela-sest-passe-un-8-mai-1945-massacres-de-setif-guelma-et-kherrata/
Les viols dans la guerre d'Algérie Livre de Henri Pouillot https://www.youtube.com/watch?v=3kVZMErzEC8
3). SOUDAN. 1895 et suivantes...C'est le temps de la révision du procès Dreyfus : l'humanisme et l'Etat de droit s'opposent à l'idée de nation et du secret portés par l'Armée. Les actes commis en grand nombre par la colonne Voulet-Chanoine ne sont pas différents de ceux de leurs prédécesseurs. Brûler les villages, ravager les terres et s'approprier porteurs et bétails sont des méthodes de conquête familières. Les méthodes de la guerre coloniale appartiennent à un registre habituel. Voulet et Chanoine établissent un racisme brutal, fait de mesures violents pour établir une supériorité dont ils savent quelle est fabriquée et non pas innée.
4). CONGO : Entre 1921 et 1934, 17 000 tués.
La construction de la ligne Congo-Océan, reliant Brazzaville à Pointe-Noire, tua 17 000 ouvriers. Une entreprise aussi titanesque que cauchemardesque. Le recrutement brutal de main d'oeuvre gratuite, les conditions de travail inhumaines, la répression des révoltes ont créé ce coût humain, pour une ligne de chemin de fer qui devait transporter vers l'Hexagone les richesses minières du Congo. Une traverse, un mort.
Lire le récit détaillé donné par la revue GEO. :
http://www.geo.fr/photos/reportages-geo/l-afrique-au-temps-des-colonies-la-ligne-congo-ocean-une-traverse-un-mort-161171
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4). MADAGASCAR 29 mars 1947, minuit, plusieurs centaines d’insurgés, colonne de paysans pauvres, armés de vieux fusils, s’attaquent au camp militaire de Moramanga, à l’est de l’île. C’est le signal d’une insurrection qui va embraser, pendant près de deux ans, la colonie française de Madagascar, au large des côtes africaines de l’océan Indien. La création, quelques mois plus tôt, d’une assemblée élue, aux pouvoirs limités, n’a pas suffi à éteindre la flamme nationaliste qui s’est allumée sur l’Île rouge, vaste comme la France et la Belgique, longtemps théâtre de la rivalité franco-britannique avant d’être placée, en 1896, sous la tutelle coloniale française. Le retour des tirailleurs malgaches enrôlés en métropole durant la Seconde Guerre mondiale, les conditions de vie misérables des populations indigènes et l’activisme de mouvements nationalistes et de sociétés secrètes attisent l’aspiration indépendantiste et précipitent le déclenchement de l’insurrection.
La répression est sanglante. Elle fait des dizaines de milliers de victimes jusqu’en 1958. Les autorités françaises envoient d’abord à Madagascar un corps expéditionnaire de 18 000 militaires. Très vite, les effectifs atteignent 30 000 hommes. L’armée française se montre impitoyable : exécutions sommaires, tortures, regroupements forcés, incendies de villages. La France expérimente une nouvelle technique de guerre « psychologique » : des suspects sont jetés, vivants, depuis des avions afin de terroriser les villageois dans les régions d’opération.
Soixante ans plus tôt, une première guerre franco-malgache entre 1883 et 1885 s’était soldée par une défaite française.
Mais un traité inique obligea le gouvernement malgache de l’époque à emprunter auprès du Comptoir national d’escompte de Paris pour payer une indemnité de guerre de 10 millions de francs. Ce traité retirait à Madagascar le monopole du commerce et lui imposait de distribuer de vastes concessions à des étrangers. Une seconde guerre franco-malgache permit aux troupes françaises d’entrer à Antananarivo, la capitale, le 27 novembre 1895. Le 28 septembre 1896, le gouverneur général Gallieni condamna à l’exil la reine Ranavalona III et son premier ministre, avant de s’atteler à la « pacification » de l’île. Il décida le maintien de l’esclavage, la fermeture de toutes les écoles existantes, l’obligation pour les indigènes de parler le français…
Avec l’emprise coloniale française, le pillage et la spéculation tiennent lieu de politique. « Sans condition de mise en valeur », d’énormes concessions minières et forestières, dans le style des grandes compagnies congolaises, sont accordées à de grosses sociétés. Une partie des terres est attribuée aux chefferies locales pour les récompenser de leur loyalisme, la population malgache, elle, est cantonnée dans des réserves indigènes. Le fait colonial, c’est aussi la réquisition de la force de travail, l’impôt pour obliger les paysans à se salarier (notamment dans les concessions coloniales) au détriment de l’agriculture vivrière (d’où des hausses de prix excessives et la pénurie, notamment de riz), la formation des travailleurs suivant les demandes des colons et le travail forcé pour les infrastructures nécessaires au développement du capital marchand.
La « pacification » se prolonge durant plus de quinze ans, en réponse aux guérillas rurales éclatées en plusieurs foyers, sur les hautes terres et dans les régions périphériques. Au total, la répression de cette résistance à la conquête coloniale fait entre 100 000 et 700 000 victimes malgaches, selon les sources (1).
En 1915, après la défaite des guérillas rurales, entre en scène le VVS (Vy, Vato, Sakelika-Fer, Pierre, Section) sous l’impulsion du pasteur Ravelojaona et des docteurs Joseph Raseta et Joseph Ravoahangy, avec le soutien des Français François Vittori et Paul Dussac. Cette société secrète d’intellectuels subit aussitôt une violente répression. L’instituteur et syndicaliste Jean Ralaimongo (ami dans l’armée, lors de la guerre de 1914-1918, de Nguyen Ái Quoc, le futur Hô Chi Minh) engage une campagne pour la libération des emprisonnés VVS et contre la spoliation des paysans privés de leurs terres. Il crée, sur l’île, une déclinaison de la Ligue française pour l’accession des indigènes de Madagascar aux droits de citoyens français fondée, en métropole, par Anatole France et Charles Gide.
Le 19 mai 1929, à Antananarivo, se tient la première manifestation pour l’« accession de tous à la citoyenneté française ». Le mot d’ordre d’« Indépendance » y surgit pour la première fois. Ralaimongo, Ravoahangy, Raseta et Dussac sont condamnés à des peines de prison ou d’exil. De cette dynamique de lutte, et dans la foulée du Front populaire, naîtra (dans la clandestinité) le syndicalisme malgache. Créé dans ce même élan, le Parti communiste de la région de Madagascar – section française de l’Internationale communiste – se « saborde » deux ans après sa constitution. Mais dès 1939, toutes les organisations sont dissoutes par l’administration de la colonie, qui opte pour le régime de Vichy. Le 12 décembre 1943, à la libération de l’île, l’Union des syndicats CGT de Madagascar se reconstitue sur des bases unitaires avec comme secrétaires généraux Joseph Ravoahangy et Pierre Boiteau. En 1947, l’Union compte quatre unions locales, sept sections fédérales, 89 syndicats et 14 000 adhérents à jour de leur
Dès sa fondation, en 1946, le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM) s’impose comme le principal parti politique indigène, avec une base de 300 000 membres dépassant les clivages ethniques et sociaux. En janvier 1947, le MDRM, tenant de « l’indépendance dans l’Union française », triomphe aux élections générales et fait élire trois députés à l’Assemblée nationale française. Le 29 mars 1947, l’insurrection éclate et gagne rapidement un tiers de l’île. Débordé par sa Jeunesse nationaliste, le MDRM clame son innocence, il est quand même dissout. À Paris, le parti colonialiste met violemment en cause les communistes, accusés d’avoir fomenté et financé la rébellion malgache. Les insurgés défient l’ordre colonial pendant vingt et un mois. La répression, sanglante, affecte durablement la société malgache et le mouvement nationaliste. Les chefs militaires de l’insurrection sont traduits devant des cours militaires françaises. Des dizaines d’entre eux sont exécutés. Du 22 juillet au 4 octobre 1948, les parlementaires et les dirigeants du MDRM sont jugés à leur tour. La Cour criminelle prononce six sentences de mort, dont celles de Ravoahangy et Raseta. Les condamnés sont finalement graciés. Mais jusqu’en 1958, des paysans cachés dans les forêts en ressortent exténués, affamés. C’est un désastre humanitaire.
Sur l’île, « 1947 » reste un traumatisme inscrit dans la mémoire collective. Les Malgaches aspirent aujourd’hui à commémorer ces événements avec dignité, à s’approprier leur histoire, celle d’une résistance à l’oppression coloniale.
(1) Pierre Boiteau, Contribution à l’histoire de la nation malgache, Éditions le Temps des cerises. Jacques Tronchon, l’Insurrection malgache de 1947, Karthala, 1986. Afaspa, Madagascar 1947. La tragédie oubliée, actes du Colloque international des 9, 10 et 11 octobre 1997 à l’université Paris VII Saint-Denis, Éditions le Temps des cerises, 1998.
Article de l’Humanité, du 29 mars 2017, signé de Jean-Claude Rabeherifara et de Rosa Moussaoui
5). GUADELOUPE mai 1967. Un massacre d’État toujours refoulé.
Les 26 et 27 mai 1967, Pointe-à-Pitre a connu deux jours de manifs réprimées dans un bain de sang par les forces de l’ordre françaises, qui a fait de 7 à 87 morts. Cinquante ans après, malgré l’ouverture récente de certaines archives, malgré les recherches et les enquêtes, cette tâche sanglante reste méconnue, mais les Guadeloupéens n’oublient pas.
« Quand les nègres auront faim, ils reprendront le travail. » Cette phrase a-t-elle été oui ou non prononcée par le représentant du patronat Monsieur Brizard, à l’époque, en 1967 ? On n’en est pas sûr, mais la phrase a fait un malheur, a fait beaucoup de malheur. Un malheur longtemps enfoui dans la mémoire collective, en Guadeloupe en tout cas. Absolument enfouies et même absentes de la mémoire collective française, ces journées de mai 1967, 26 et 27 mai 1967.
Comme le dit Julien Mérion, c’était enfoui, cela fait partie de ces pages, comme la journée disparue du 17 octobre 1961 à Paris, ces pages qui longtemps dorment et semblent en voie de disparition, et soudain quelque chose les ramène à la surface. Le 26 mai 1967, à l’occasion d’une manifestation des ouvriers du bâtiment en grève, l’ordre a été donné de tirer sur la foule des manifestants. Le lendemain, les lycéens de Pointe-à-Pitre descendent dans la rue pour soutenir la lutte des ouvriers et de nouveau, ce jour-là, les forces de l’ordre font usage de leurs armes. En 1985, on apprendra de la bouche même du secrétaire d’État chargé des Départements et Territoires d’outre-mer de la France de l’époque, selon les archives, qu’il y aurait eu 87 morts. C’est l’état actuel des connaissances que l’on a quant au nombre de victimes, en tout cas, ça a été un drame terrible.
1967, c’est le général de Gaulle qui est au pouvoir. 1967, c’est cinq ans après l’indépendance de l’Algérie et les indépendances, c’est-à-dire les indépendances de l’Afrique noire et auparavant, de Madagascar, de l’Asie et de toutes nos belles colonies que nous avons perdues. La Guadeloupe et la Martinique sont départements français depuis 1946 et auparavant, elles étaient des colonies. Il est donc normal que les habitants de ces îles se sentent concernés par l’indépendance.
Alors il y aura deux plans : il y aura cette lutte des ouvriers du bâtiment. À cette époque, on construit très fort à Pointe-à-Pitre, donc il y a beaucoup d’ouvriers dans le bâtiment. Ce sont eux qui manifestent dans ces journées pour une augmentation de 2,5% de leur salaire. Mais il y aussi avec, et derrière, et en même temps la revendication nationaliste – une indépendance dont le général de Gaulle ne veut pas, ni lui, ni son gouvernement, ce qui explique probablement en grande partie la violence de cette répression.
Pointe-à-Pitre. Voilà. 26, 27 mai 1967.
Un reportage de Daniel Mermet et Antoine Chao à Pointe-à-Pitre, diffusé sur France Inter les 03 et 04 mars 2009.
Emission à écouter avec ses vidéos. http://la-bas.org/la-bas-magazine/reportages/quand-les-negres-auront-faim
6. Kamerun 1948-1971
https://www.youtube.com/watch?v=jstaVFRzVpg Cette conférence de Manuel Domergue, co-auteur avec Thomas Deltombe et Jacob Tatsitsa de l'ouvrage "Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948-1971)" nous livre une vision de la décolonisation au Cameroun bien différente de celle véhiculée par les médias. Le site des auteurs pour plus d'informations : http://www.kamerun-lesite.com/ La source de la vidéo : http://www.dailymotion.com/video/xjr0... Le site de l'association Survie : http://survie.org/mot/cameroun
« En fait de génocide, les Bamilékés en ont connu entre 1955 et 1965. Les chiffres tournent entre huit cent mille et un million de morts dans la région des Hauts-Plateaux et dans les autres villes telles Douala, Yaoundé, Sangmélima, Ebolowa, Nkongsamba » affirme Jacques Kago Lélé [1]). Les services secrets français ont même réussi à empoisonner le leader de l’UPC, Felix Moumié, le 2 octobre 1960, à Genève.
Voilà ce qu’en dit François-Xavier Verschave [2] :
« Le service Afrique du Sdece (services secrets français) enfante et instruit une filiale camerounaise, le Sédoc : sous la direction de Jean Fochivé, elle sera vite réputée pour sa sinistre « efficacité ». On y torture à tour de bras. Côté police, un redoutable professionnel français, Georges Conan, démontre ses talents - dont celui de multiplier les aveux et dénonciations.
Quelques exemples de tortures : La Balançoire : les patients, tous menottés les mains derrière le dos et entièrement nus, dans une pièce à peine éclairée, sont tout à tour attachés, la tête en bas, par les deux gros orteils, avec des fils de fer qu’on serre avec des tenailles, et les cuisses largement écartées. On imprime alors un long mouvement de balançoire, sur une trajectoire de 8 à 10 mètres. A chaque bout, un policier ou un militaire, muni de la longue chicotte rigide d’un mètre, frappe, d’abord les fesses, puis le ventre, visant spécialement les parties sexuelles, puis le visage, la bouche, les yeux. Le sang gicle jusque sur les murs et se répand de tous côtés. Si l’homme est évanoui, on le ranime avec un seau d’eau en plein visage. L’homme est mourant quand on le détache. Et l’on passe au suivant...
Vers trois heures du matin, un camion militaire emmène au cimetière les cadavres. Une équipe de prisonniers les enterre, nus et sanglants, dans un grand trou. Si un des malheureux respire encore, on l’enterre vivant...
Le Bac en ciment : les prisonniers, nus, sont enchaînés accroupis dans des bacs en ciment avec de l’eau glacée jusqu’aux narines, pendant des jours et des jours. Un système perfectionné de fils électriques permet de faire passer des décharges de courant dans l’eau des bacs. Un certain nombre de fois dans la nuit, un des geôliers, "pour s’amuser", met le contact. On entend alors des hurlements de damnés, qui glacent de terreur les habitants loin à la ronde. Les malheureux, dans leurs bacs de ciment, deviennent fous !...
« Oui j’affirme que cela se passe depuis des années, notamment au camp de torture et d’extermination de Manengouba (Nkongsamba) »
« Ils ont massacré de 300 à 400 000 personnes. Un vrai génocide. Ils ont pratiquement anéanti la race. Sagaies contre armes automatiques. Les Bamilékés n’avaient aucune chance. Les villages avaient été rasés, un peu comme Attila », témoigne le pilote d’hélicoptère Max Bardet. J’appris avec ces phrases le massacre littéralement inouï d’une population camerounaise au tournant des années soixante, dit encore François-Xavier Verschave. Je m’attachai à en savoir davantage. Ce ne fut pas facile, tant la terreur, là-bas, produit encore son effet. Ce n’est pas terminé. »
Le rapport de Brice Nitcheu « Campagne militaire française en pays Bamiléké - chronique d’un génocide programmé » (histoire et évolution), qui arriverait à nous dégoûter d’être français. Jacques et le caillou Bamiléké
Notes[1] Tribalisme et exclusions au Cameroun, le cas des Bamilékés. Yaoundé, CRAC, 1995, p. 16 [2] La françafrique (1958 - 1998) « Le plus long scandale de la République » François-Xavier Verschave Criminelle Françafrique.
7. Cote d'Ivoire.
Tout l’arsenal de la Françafrique s’est déployé en Côte d’Ivoire : diplomatie parallèle, réseaux officieux, affaires troubles, coups tordus et crimes de guerre.
Dans la nuit du 6 au 7 novembre 2004, plusieurs dizaines de milliers de manifestants descendent dans les rues à l’appel de Charles Blé Goudé, leader des « jeunes patriotes », et se dirigent vers l’aéroport et la base militaire française. Pour « casser la manifestation », selon les termes du général Poncet, les manifestants sont pris pour cibles par les hélicoptères de combat de l’armée française. Les Ivoiriens qui réussissent à passer les ponts se heurtent aux barrages et aux chars des soldats français, qui tirent à balles réelles et à la grenade offensive. Le lendemain, le chiffre de plus de trente morts et d’une centaine de blessés par l’armée française est avancé par un membre du Front populaire ivoirien et aussitôt récusé par l’étatmajor français, qui ne reconnaît que « des tirs d’intimidation ». Le soir, le général Bentégeat reconnaît qu’ils ont « peut-être blessé ou même tué quelques personnes », mais il ne parle que de « pillards » et se déclare « très fier de la réaction qu’a eu le détachement Licorne. Ils ont montré qu’on ne tue pas impunément les soldats français ».
La suite des événements confirmera qu’on peut en revanche tuer impunément des civils ivoiriens. Derrière une neutralité affichée, la France n’a cessé d’intervenir dans la vie politique ivoirienne, défendant âprement ses intérêts économiques et son influence régionale. Elle a arbitré la guerre de succession ouverte par la mort du président Houphouët-Boigny, poussant les candidats les plus proches de la France pour pouvoir maintenir la Côte d’Ivoire à la place qu’elle occupe depuis l’indépendance de 1960, à savoir u n des pivots de la Françafrique – cette forme spécifique du néocolonialisme français.
Sous prétexte d’éviter un « nouveau Rwanda », la France est aussi intervenue militairement en Côte d’Ivoire, jouant le rôle de force « impartiale » aux côtés de l’ONU. C’est d’ailleurs dans le cadre de l’opération Licorne – censée illustrer l’exemplarité des nouvelles modalités d’intervention de l’armée française en Afrique – que les militaires français ont ouvert le feu sur des foules de civils ivoiriens désarmés, en novembre 2004, sur fond de manipulations qui laissent suspecter une tentative avortée de coup d’État.
La France n’a jamais été ni un arbitre neutre ni un acteur désintéressé dans la crise ivoirienne ; ce livre participe à documenter son rôle, qui reste aujourd’hui encore insuffisamment critiqué et débattu. Raphaël Granvaud et Gérard Mauger sont tous deux membres de l’association Survie, et rédacteurs de Billets d’Afrique, bulletin mensuel d’information alternative sur les avatars de la politique africaine de la France.
Un pompier pyromane ; l’ingérence française en Côte d’Ivoire, d’Houphouët-Boigny à Ouattarade Raphaël Granvaud & David Mauger, éditions Agone, collection Dossiers noirs, 2018.
RWANDA 1994
Dans les archives du Monde Diplomatique, mars 1995 :
Autopsie d’un génocide planifié Connivences françaises au Rwanda par François-Xavier Verschave Faute d’être soumise à une autorité démocratique, la politique française en Afrique — et en particulier au Rwanda — met en scène une pluralité d’acteurs : politiques, militaires, affairistes, agissant pour leurs propres intérêts en dehors de tout contrôle.
Pendant trois ans (1990-1993), l’armée française a tenu à bout de bras les troupes d’un régime rwandais — ou plutôt d’un clan — s’enfonçant dans le génocide, le racisme et la corruption. Engagée dans le combat contre le Front patriotique rwandais (FPR) (1), l’« ennemi » diabolisé en « Khmer noir », la France a massivement équipé les Forces armées rwandaises (FAR) ; elle les a instruites dans des camps où se pratiquaient la torture et le massacre de civils (à Bigogwe par exemple) ; elle a encouragé une stratégie « antisubversive » qui passait par la création de milices enivrées de haine, et enivrées tout court. Après la publication, en février 1993, du rapport d’une commission internationale dénonçant — déjà — des « actes de génocide », le mot d’ordre, venu directement de l’Elysée, n’a pas changé : « Casser les reins du FPR. » ...
Lire l'intégralité de l'article : https://www.monde-diplomatique.fr/1995/03/VERSCHAVE/6214
Sur la traite des Noirs
Des travaux d'historiens. Extraits ;
"... on citera les travaux de l’historien Marcus Rediker qui décrit dans son livre « À bord du négrier » (1). Il explicite les conditions sur les bateaux, loin de « l’idée, c’était qu’ils soient en pleine forme » affirmés par Mme Angot, mais « une relation fondée sur l’ingestion forcée de nourriture, les coups de fouet, la violence à tout bout de champ et le viol des femmes ». Marquage au fer rouge, torture, supplices et humiliations s’ajoutaient à des conditions de transport inhumaines, parfois 16 heures de suite assis dans une position tortionnaire, enchainés à plusieurs et parqués en cales au milieu du vomi et des excréments, soumis au travail forcé, nu et maintenu dans un univers « concentrationnaire », « le navire n’était lui-même qu’une machine diabolique, une sorte de gigantesque instrument de torture ».
La traite c’est d’abord 1,8 million de décès en mer, 10,6 millions de captifs envoyés au Nouveau Monde, dont 1,6 million meurent la première année dans des camps de travail forcé, sans compter toutes les victimes sur le sol africain lors des rapts. L’idée n’était certainement pas de prendre soin des noirs. 5 millions d’entre eux périrent du seul fait du commerce triangulaire.
Si l’horreur de la traite négrière reste solidement ancrée dans les consciences (mis à part celle de Christine Angot, FOG et par extension l’équipe de ONPC et Laurent Ruquier visiblement), l’autre aspect de l’esclavage demeure moins connu.
Dans son livre « The half has never been told , slavery and the making of American capitalism » (2), l’historien Edward Baptist décrit la réalité du système esclavagiste aprèsl’abolition de la traite, entre 1808 et 1864. Les « camps de travaux forcés » où sont envoyés les noirs pratiquent une torture systémique et institutionnalisée afin d’augmenter la productivité des esclaves. Le système, décrit par ses instigateurs dans des notes d’époque comme un « pushing system » consistait à imposer des quotas de production dont le non-respect valait un nombre de coups de fouet proportionnel à l’écart entre la production et le quota. Des coups de fouet si douloureux que leurs victimes entraient souvent en transe (ou crise d’épilepsie) sous l’effet de la douleur. Ces quotas étaient ajustés quotidiennement pour placer l’esclave à la limite, et intentionnellement conçus pour être parfois manqués, afin d’entretenir une atmosphère de terreur. Les conditions de « travail » similaire au travail à la chaine devaient permettre de déshumaniser les esclaves en les contraignant à opérer mécaniquement, et de façon ambidextre pour le ramassage de coton. Les survivants décrivent des expériences de sortie de corps, où l’individu perd souvent la raison, ce qui n’est pas sans rappeler les témoignages des survivants des camps de concentration nazis.
En 1930, après soixante ans de progrès technique et d’ingénierie biologique visant à augmenter la rentabilité des champs de coton et la facilité du ramassage, les travailleurs libres qui les exploitaient restaient 50 % moins productifs que les esclaves de 1860, malgré l’incitation financière.
Le commerce des esclaves noirs était également marqué par des abus sexuels (les femmes étant souvent violées) alors qu'on arrachait systématiquement les enfants à leurs familles pour les vendre et ainsi éviter la solidarité intergénérationnelle et l'humanisation. Certaines femmes étaient contraintes de tomber enceintes pour « produire » de nouveaux bras. Une femme de Louisiane se vit ainsi arracher 16 enfants. L’espérance de vie des esclaves des plantations de coton était moitié moins élevée que celles des fermiers blancs.
1,5 million de noirs américains ont subi une migration forcée sur des milliers de kilomètres vers le sud-ouest des USA, enchainé les uns aux autres pendant des mois, au point de révulser les habitants des villes que traversaient ces sinistres cortèges (et de jeter les bases du courant abolitionniste). De nombreux esclaves se sont mutilés ou suicidés pour éviter d’atterrir dans les camps.
Dans les plantations de sucre, l’espérance de vie d’un adulte ne dépassait pas douze ans. Il était plus rentable d’épuiser un esclave productif que de le maintenir en bonne santé, contrairement à ce que semble penser Christine Angot. Tout cela était systémique, et non pas le fruit d’atrocités ponctuelles."
A suivre.
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Chacune de ces pages noires s'inscrivent dans la scène internationale, ou au moins, européenne (l'antisémitisme est un vice européen).
Je mentionne ici l'excellente synthèse sur les 15 dernières années du Moyen-Orient, donnée par Denis SIEFFERT dans l'édito de POLITIS n° 1462 du 13 juillet 2017. Voir le site Politis.fr
Populations massivement soumises à la radioactivité. https://www.mediapart.fr/studio/documentaires/culture-idees/la-colere-est-dans-le-vent-aupres-des-malades-d-areva-au-niger
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Resistances
Thomas Sankara a été président du Burkina Faso de 1983 au 15 octobre 1987, date de son assassinat dont les commanditaires courent toujours.
Il conduisait une révolution en rupture totale avec le néocolonialisme. Il refusait les logiques libérales et visait la souveraineté économique et alimentaire, en s’engageant notamment le premier dans la lutte contre la désertification.
Il a été un précurseur sur le droit à la santé et l’éducation pour toutes et tous.
Convaincu que l’émancipation des femmes était un enjeu essentiel pour elles et pour le Burkina Faso, il promut le respect de leur dignité et facilita leur accès à la vie publique.
Opposant à la dette qui accable l’Afrique il fut un fervent panafricain.
30 ans après, cette ambition et ses idées restent d’actualité et sont aujourd’hui reprises sur le continent africain.
Colloque Résistances en Afrique Grenoble. 14 octobre 2017 Centre œcuménique Saint-Marc
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Ouvrages et textes de référence :
Les Temps Modernes avril-juillet 2017 Les guerres africaines de la France 1830/2017. L'empire des armées.