Poème de la vieille femme grincheuse
Que vois-tu, toi qui me soignes, que vois-tu ?
Quand tu me regardes, que penses-tu ?
Une vieille femme grincheuse, un peu folle,
le regard perdu, qui bave quand elle mange et ne répond jamais
quand tu dis d'une voix forte "essayez" et qui
semble ne prêter aucune attention à ce qu'elle fait...
Qui docile ou non, te laisse faire à ta guise,
le bain et les repas pour occuper la longue journée.
C'est ça que tu penses, c'est ça que tu vois ?
Alors ouvre les yeux, ce n'est pas moi.
Je vais te dire qui je suis, assise là, tranquille,
me déplaçant à ton ordre, mangeant quand tu veux...
je suis la dernière des dix, avec un père, une mère;
des frères, des soeurs qui s'aiment entre eux...
Une jeune fille de seize ans, des ailes aux pieds,
rêvant que bientôt elle rencontrera un fiancé...
Déjà vingt ans, mon coeur bondit de joie
au souvenir des voeux que j'ai fait ce jour-là.
J'ai vingt-cinq ans maintenant et un enfant à moi,
qui a besoin de moi, pour lui construire une maison...
Une femme de trente ans, mon enfant grandit vite;
nous sommes liés l'un à l'autre par des liens qui dureront...
Quarante ans, bientôt il ne sera plus là,
mais mon homme est à mes cotés et veille sur moi.
Cinquante ans, à nouveau jouent autour de moi des bébés.
Nous revoilà avec des enfants, moi et mon bien-aimé.
Voici les jours noirs, mon mari meurt.
Je regarde vers le futur en frémissant de peur
car mes enfants sont très occupés pour élever les leurs
et je pense aux années et à l'amour que j'ai connus.
Je suis vieille maintenant et la vie est cruelle et
elle s'amuse à faire passer la vieille pour folle.
Mon corps s'en va.
Grâce et forme m'abandonnent.
Et il y a une pierre là où jadis il y avait un coeur.
Mais dans cette vieille carcasse, la jeune fille demeure.
Le vieux coeur se gonfle sans relâche.
Je me souviens des joies et des peines.
Et à nouveau je revis ma vie et j'aime ..
Je repense aux années trop courtes et trop vite passées
et accepte cette réalité implacable.
Alors, ouvre les yeux, toi qui me regarde et qui me soigne.
Ce n'est pas la vieille femme grincheuse que tu vois...
Regarde mieux et tu verras...
On dit que ce très beau poème a été trouvé sous l’oreiller de la vieille femme le soir de sa mort.
http://www.forumfr.com/sujet468169-lettre-emouvante-d-une-dame-agee-avant-sa-mort.html
Quel message j'adresse ainsi aux philosophes ?
Non pas que le monde serait en train de mourir !
Mais que le monde est radicalement différent de ce qu'il fut aux 19° et 20° siècle. Radicalement différent de la fiction que le monde politique et intellectuel veut faire croire. pour continuer à accaparer l'initiative.
Derrière la vieille carcasse à bout de souffle, tous les âages sont présents, qu'il faut laisser s'exprimer, et la force de vie s'affirme et renaît
Ce n'est qu'en affrontant la réalité du monde tel qu'il est devenu, en l'affronrtant par une profusion de r6ésistances, de combats de proximité reliés entre eux, que pourront être inventés une nouvelle démocratie, une nouvelle philosophie, de nouveaux modes vie, de nouveaux rapports entre les humains. Inventés par les acteurs de ces combats eux-mêmes. cela seul permet de s'arracher aux préjugés qui se substituent au réel.
Ne plus admettre de déléguer ni l'initiative de nos combats, ni la philosophie qui les soustend et qu'il faut clarifier.
De quoi souffres-tu ?
De l'irréel intact dans le réel dévasté ».
René Char