J’ai emprunté avec son accord, le texte synthétique qui suit, au site de la Librairie Terre des Livres, à Lyon (86, rue de Marseille). Il traduit l’apparition récente d’un bon nombre de librairies indépendantes de quartier, qui offrent des choix très différents sur leurs tables, et permettent de faire de précieuses trouvailles. Et même, jouer un rôle actif dans la vie culturelle du quartier.
Il permet de comprendre le combat qui se joue dans l’espace peu connu des lecteurs, qui existe dans l’arrière-cour du Livre. Livre, Edition, Librairie : non pas combat papier contre numérique, mais citoyens contre standards de la finance.
Michel-Lyon.
Dans les années 2000, un petit nombre d’acteurs se partageaient le marché. Plusieurs devaient rapidement disparaître. En 2008, ils n’étaient plus que deux, se menant une guerre sans merci. Deux ans plus tard, Hachette absorbait finalement Interforum pour fonder Hachetorum, et profitait de sa situation quasi hégémonique sur le marché pour racheter un grand nombre de librairies fragilisées par les politiques commerciales agressives des précédentes années. Les conséquences en terme de diversité culturelle furent immédiates, la mise en avant exclusive de la production d’Hachetorum dans ses propres points de vente s’accompagnant d’une réduction du nombre de titres. La survie des petits éditeurs restés indépendants s’en trouvait rapidement menacée.
C’en était trop pour les amoureux du livre ! Robin des bois, Luky Luke, Che Guevara, le Vaillant Petit Tailleur, Rosa Luxembourg, le sous-commandant Marcos, Warda et Mehmed le Mince tinrent conseil. La guerre économique ne se ferait pas au détriment de la diversité culturelle ! Un premier mouvement de boycott visant à dénoncer le mauvais traitement des personnels dans l’industrie du livre remporta un grand succès. Cette contestation ambitieuse permit d’attaquer de manière frontale la question de la “ politique culturelle ”.
Dès 2009, les grands groupes ne vendaient plus aucun livre d’Attac ni de critiques de la mondialisation. Non qu’ils ne le voulaient pas ! Mais il ne se trouvait plus personne pour les leur acheter. L’apparition des “ nouveaux citoyens conscients ” qui, ayant reconnu leurs intérêts, agissaient en conséquence en désertant les rayons des grandes chaînes culturelles, bouleversa la donne. Ces dernières durent procéder à de massives réductions de personnels, et plusieurs Canf fermèrent. Cette mobilisation n’eut pas seulement pour effet de mettre à mal quelques enseignes emblématiques : c’est le modèle économique de la concentration et de l’économie d’échelle lui-même qui s’en trouva battu en brèche.
Jusqu’ici, la portée idéologique des politiques culturelles avait été largement sous-estimée. La prise de conscience citoyenne dans le champ de la culture permit de soutenir des points de vente considérés comme éthiques et responsables. Nombre de librairies de petites tailles purent embaucher et développer leurs rayons. Une nouvelle géographie de l’accès à la culture était en train de naître !