Le grand marché international de l’art contemporain est actuellement soumis à de terribles tremblements et bouleversements tectoniques, provoquant glissements de terrains, pertubations diverses dans les voies de circulation, brouillages des repères et des codes signalétiques, effondrement des places fortes, etc…Bref c’est la grande débandade dans l’art financier planétaire : un grand sauve-qui-peut que ses acteurs eux–mêmes ne peuvent ni comprendre ni maîtriser et dont ils sont - par quelque divine justice– les premières victimes.
· Lambert
Il y a d’abord, pour illustrer cette pagaille, ces deux infos concomitantes que vous avez eues comme moi:
- qu’à l’ex-prison d’ Avignon, l’ art des ultra-riches de la collection Lambert avait trouvé pour l’été l’ écrin d’ultra - misère sociale qui le mettait bien en valeur. ( voir plus loin)
- Que le même Lambert, suite à grosses difficultés financières, avait mis la clef sous la porte de ses trois galeries de Paris, Londres et New York, pour ne se consacrer qu’à sa collection Avignonnaise et à l’éditions de beaux livres d’art…. « Ce n'est pas une décision politique, mais l'effet du temps, le constat que le monde de l'art est différent de celui que j'ai aimé. Je veux faire autre chose de plus humaniste, moins axé sur l'argent et l'obsession des prix», Ben voyons !...dit l’humaniste Lambert qui, bien sûr, considère qu’il n’y est pour rien dans cette débandaison…
La cessation d’activité de l’énorme, prestigieux et international Lambert, une de nos rares fiertés françaises avec ses amis Buren et Toroni, sonne donc « comme un coup de tonnerre » dans les milieux des affairistes de l’art contemporain français et chez la valetaille des critiques d’art à leur solde.
On peut voir dans l’ écroulement de cette éminence privée de l’art public français, comme le signe précurseur du chaos en question, mais on peut voir aussi dans le séjour en prison de la collection Lambert, (cadeau à la ville d’Avignon estimé à 100 millions d’euros, mais qui ne vaudra plus un clou dans quelques années, lorsque les bulles artistico-financières qui la composent auront éclaté) comme la preuve de cette déliquescence tant éthique qu’esthétique… sans même parler de la révocation pour présomption d’harcèlement moral et sexuel, du directeur de l’école des beaux Arts d’Avignon, qui était pourtant l’un des plus forcenés chantres des vertus pédagogiques de cette « fabuleuse » collection .
· Templon
Autre info significative : celle de l’exposition Yan Fabre (l’artiste comportemental belge qui jette des chats en l’air ) organisée opportunément par Templon, à Kiev, pour mieux parachever le foutoir ukrainien sans doute, au bénéfice des victimes civiles des affrontements et des oligarques mafieux des alentours… Sans parler de cette invraisemblable séquence vidéo-télé, où l’on voit Templon avec ses poulains Pierre & Gilles parler de et avec leur égérie, la belle Zaïa, mondialement connue pour les soins sexuels qu’elle à fournis à quelques footballeurs français de haut niveau … Sainte alliance du football, du sexe, du pognon et de l’art contemporain… Ne manque plus que le goupillon de l’ecclésiastique qui a béni et préfacé la nouvelle édition du best seller « La vie sexuelle de Catherine M. » …
· Filippetti
On apprend qu’ Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, a nommé KathrynWeir directrice du département du développement culturel du Centre
national d’art et de culture-Georges Pompidou, en remplacement de
Bernard Blistène, nommé directeur du département du musée national d’art
moderne-Centre de création industrielle . Kathryn Weir était directrice du département d'art international de la Queensland Art Gallery/Gallery of Modern Art de Brisbane. Elle entend bien renforcer l’ouverture des programmations du Centre Pompidou aux scènes artistiques internationales… Autrement dit l’Etat français persiste et signe dans la stratégie qu’il même depuis trente ans de mise à disposition du dispositif public pour la valorisation de produits artistico-financiers internationaux… « contemporains » bien évidemment.
Et c’est ainsi que l’institutionalité, l’Etat, le Ministére et Fillipetti , pris au piège des puissances financières qu’ils continuent de servir obstinément, vont livrer le Centre Pompidou à une exposition Jeff Koons, alors que celui-ci est de plus en plus artistiquement discrédité à mesure que sa cote chez les spéculateurs incultes et ivrognes augmente.
« …promotion prioritaire des produits culturels hégémoniques...Les multinationales sur le marché …et les artistes « locaux » au RSA. », telle est la devise d’Aurélie…
· Raysse (la Tatie Danielle de l’AC)
Avant cette expo Koons et selon cette même politique ministérielle de disqualification de la création française, il y aura eu la rétrospective Martial Raysse…Le plus consternant des peintres français…complétement délabré dans la facture et pourri dans l’esprit… Un « actif artistico-financier toxique » si affligeant que même les critiques les moins regardants et les plus inféodés au système ont honte de commenter positivement.
« En toute humilité, si la France veut un grand peintre en ce début du XXIe siècle, c'est moi, ce n'est pas Buren. Il n'y a personne d'autre », dit pourtant l’ex- flamboyant playboy des années 60, aujourd’hui manifestement gâteux, l’« anti Bernard Buffet » qui voulait « chanter le soleil et l’optimisme des bains de mer », champion du pop-art français niçois mâtiné nouveau réalisme, « Icône de la révolution sexuelle et artistique », « hygiéniste de la vision » et dont les œuvres de cette époque, « qui refusent le vieux, le dégradé, le périssable et l’obsolète. .. », se vendent aujourd’hui des millions de dollars… Touché cependant , en mai 1968, par une sorte de grâce ésotérico-écolo-mystique, qui lui fait « récuser les jeux biaisés du marché de l’art », renier son passé de pop-artiste flambeur pour devenir une sorte d’apôtre illuminé de la décroissance, de la lutte contre la société de consommation et chantre d’un un art équitable avec son ami Pinault.
Il achète alors, en 1979, une vieille bergerie dans les collines dans le Périgord noir, pour y mener une vie ascétique. Avec peu d’argent, sans télé, sans électricité ni eau courante, il jardine, médite, fait son pain, mange les œufs de ses poules et puis ses poules. « Solitaire et sauvage, il s’y emploie à réinventer une nouvelle vision du monde. » écrit quelque part un de ses hagiographes… mais surtout il entreprend d’apprendre à peindre avec la touchante application d’un peintre du dimanche (ou des jours fériés). Alors, bien sûr, ses picturalités maladroites, font-elles, comme le dit le même hagiographe « l’objet d’un rejet et d’une profonde incompréhension », de la part des critiques d’art qui l’avaient encensé et qui se sentent trahis… l’objet d’apitoiement et de consternation de la part de ses collectionneurs qui voient dans ce « ressourcement du côté du bouddhisme zen chinois des pères du désert et du soufisme périgourdin » un risque de forte dépréciation financière des œuvres qu’ils possèdent par devers eux.
N’empêche, le récent retour en grâce de notre Tatie Danielle de l’Art contemporain français, ne l’empêche pas de toujours dénigrer vigoureusement la quasi - totalité de la création plastique actuelle : « Ce n’est que de la rhétorique. » dit-il, et il n’y a guère que Lucian Freud qui échappe à son courroux anti-intello. Quant aux autres artistes de la galerie Kamel Mennour ( voir doc n° 3) où il expose en parallèle avec le Centre Pompidou (une heureuse coïncidence), il a bien prévenu le galeriste qu’il les considérait comme tous très mauvais et indignes de lui…
Une expo Raysse donc , qui comme celle de Koons, s’inscrit en parfaite cohérence dans le grand n’importe quoi ministériel et dans le grand sauve qui peut de l’art contemporain.
Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que sans Pinault , le produit Raysse n’existerait plus depuis longtemps… Le Centre Pompidou est donc réquisitionné et mis à la disposition du milliardaire pour sauver l’actif pourri Raysse et en prolonger un peu la fausse valeur, avant totale décomposition.