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L'Hebdo du Club

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Billet de blog 16 juin 2017

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Journaliste, éditrice et responsable éditoriale aux questions raciales

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L'Hebdo du Club: les législatives et nous

Synthèse du tchat autour des législatives, entre la rédaction de Mediapart et ses abonnés, qui s'est tenu à 48 heures du second tour, le vendredi 16 juin de 11 à 13h. Les échanges ont porté sur le paysage politique qui se dessine, le risque d'abus de pouvoir de la République en marche, le poids de l'abstention et le traitement éditorial de Mediapart. Florilège.

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Voici une synthèse des questions-réponses très nombreuses qui ont alimenté le fil de cet échange en direct, regroupée en 5 thèmes :

  1. L'abstention et la crise démocratique
  2. 5 ans sans gauche ?
  3. La domination de la République en marche et les risques d’abus de pouvoir
  4. Quelle(s) opposition(s) demain ?
  5. Les choix éditoriaux de Mediapart et son indépendance. 

Avec Edwy Plenel, directeur de la publication, François Bonnet, directeur éditorial, Stéphane Alliès, Ellen Salvi et Fabien Escalona du service politique. Et bien sûr, avec nos abonnés, toujours aussi curieux et vigilants.

Sur l’abstention et la crise démocratique

Commentaire de la part de Pierre

Pensez-vous qu'il peut y avoir une mobilisation au second tour pour contrer le raz-de-marée En Marche ?

Stéphane Alliès:

Ce devrait être la logique, ainsi que cela s'était exprimé lors des seconds tours des législatives de 2007 et 2012. Mais deux obstacles de taille s'oppose à ce pronostic. La vague LREM a bien plus profondément fait implosé les autres partis traditionnels (PS, LR) et surtout, l'absence de triangulaire et donc de choix permettant un tel rééquilibrage. Face à un duel LREM-LR ou LREM-PS, il y a peu à parier que les électorats, de gauche ou de droite, exclu du second tour se mobilise pour de telles offres électorales, et il y a fort à parier que l'abstention déjà énorme du premier tour, s'accentue encore…

Commentaire de la part de Khrys

Bonjour Mediapart, votre avis sur ce taux d'abstention record ? Ne serait-il pas temps de changer quelque chose au vote ? (Vote blanc reconnu, éligibilité des candidats...). Merci !

Edwy Plenel:

Oui, surtout passer à la proportionnelle ou en introduire une forte dose ! Nous en parlons ici, sous la plume de Hubert Huertas : https://www.mediapart.fr/journal/france/160617/croquis-proportionnelle-l-illumination-des-degages 

Commentaire de la part de Emma Humbert

L'abstention "record" n'est pas un refus d'En Marche, bien au contraire, c'est un attentisme, en témoignent toutes les enquêtes qui montrent une appréciation positive globalement du Président de la République (dont 50% d'électeurs des Insoumis par exemple). S'abstenir, c'est aussi ne pas faire obstruction, laisser sa chance. Qui ne dit mot consent, ou laisse faire, cela montre qu'il n'y a pas de rejet non plus de Macron même s'il n'y a pas d'adhésion aveugle. Mais quand on voit ces candidats inexpérimentés, les affaires et tout cela, je dirais quand même qu'il y a bien une sorte d'état de grâce et les Français, en majorité, veulent voir de quoi il est capable, dans un environnement pacifié où l'acharnement et l'invective constante exaspèrent les gens tout autant que l'adulation. 

Stéphane Alliès:

Vous avez peut-être raison. Mais nous persistons à croire qu'un scrutin législatif où l'abstention dépasse les 50% n'est pas un bon signe de santé démocratique d'un régime…

Commentaire de la part de Gérard

Sensible à de nombreux aspects des idées de J.L. Mélenchon, notamment concernant le risque démocratique de notre "monarchie parlementaire", en cas de ballottage En Marche - LR, favorable à En Marche, l'abstention, en tant que moyen d'expression, n'est-elle pas préférable à un supposé vote de blocage" LR? Merci, et grand respect pour Mediapart !

François Bonnet:

A chacun de faire ses choix, nous n'allons certainement pas donner des consignes! De plus, les situations peuvent être très diverses selon les circonscriptions. Dans certaines, un candidat En Marche venu de la droite est en duel avec un candidat de droite se disant «Macron-compatible». Dans d'autres, un candidat En Marche venu du PS est en duel avec un candidat de la droite que peu de choses distinguent du FN. 

Commentaire de la part de Yannis

Bonjour Mediapart ! Je vois beaucoup d'articles convaincus du fait que LREM va obtenir une vaste majorité parlementaire. Tout est encore possible au deuxième tour, non ? Au regard, du taux d'abstention, des éventuelles alliances ... Ne crée-t-on pas une vérité en affirmant une hypothèse ? Merci !

Stéphane Alliès:

Cela peut souvent être le cas, et cela s'appelle les sondages… Mais en l'occurrence, une vérité objective rend beaucoup plus compliqué le bouleversement du résultat: l'absence de triangulaires et donc la réduction de l'offre électorale au second tour. Un électeur de gauche va-t-il se déplacer pour un duel LR-LREM? Et un électeur de droite va-t-il se déplacer pour départager un duel PS ou FI-LREM? Si c'est le cas, il y a fort à penser que ce sera pour voter… LREM…

Commentaire de la part de Alicard

Beaucoup de responsables politiques parlent de l'abstention comme de quelque chose de très inquiétant! Pourtant aucuns des partis n'a réussi à faire pencher la balance et à déplacer les foules, je pense notamment à France Insoumise qui parle beaucoup sur le sujet mais qui ne remue pas non plus les foules! Comment expliquer une telle distance entre les Français et cet état de fait?

Fabien Escalona:

Il y a un phénomène structurel de montée de l'abstention dans les démocraties européennes, dû à un changement générationnel, avec l'arrivée de cohortes d'électeurs plus diplômés, moins encadrés socialement, qui ont un rapport plus distancié à l'acte de vote, d'où un abstention intermittente en progrès. Il y a néanmoins des causes plus politiques, lorsqu'une élection paraît jouée d'avance, ou lorsque les différences entre les forces les plus significatives apparaissent faibles. Dans le cas de ces législatives, on est face à un scrutin dont le statut s'est particulièrement dégradé depuis 2002, les citoyens le considérant comme secondaire, ou devant confirmer le "vrai" choix opéré à la présidentielle. Ceux qui se démobilisent le plus sont les électeurs des candidats perdants, d'où les difficultés de la FI, mais encore plus du FN. Ces deux forces ont par ailleurs un électorat plus populaire que d'autres, qui est le premier à se démobiliser lorsque l'abstention progresse. Concernant la gauche en particulier, la multiplicité des candidatures a aussi pu décourager.

Commentaire de la part de Issou

Selon vous, pensez-vous que le manque de pluralisme dans les médias et la "propagande" Macron a joué un rôle sur l'investiture d'EM et le "Raz-de-Marée" (je déteste ce mot) de LREM ? Et vous insistez sur l'abstention. Le vote obligatoire permettrait peut être d'y palier et d'avoir un peuple mieux représenté ?!

Stéphane Alliès:

Oui, cela joue forcément un rôle, même si le mécanisme de l'état de grâce médiatique est un grand classique de la Ve république pour un président nouvellement élu, et ce avant même que les grands titres et chaînes ne soient la propriété de quelques oligarques. Cela peut influer sur la durée de cet état de grâce (il avait été plus long pour Sarkozy que pour Hollande, par exemple). Sur le vote obligatoire, j'ai à titre personnel un vrai problème moral avec cette option, car l'abstention devient un luxe que seul les plus riches pourront se payer. Or, on voit bien depuis quelques temps et la crise du politique en France que l'abstention est aussi un choix éminemment politique. Egalement, l'idée que le personnel politique renvoie la responsabilité de la désaffection des urnes à l'électeur pour mieux s'exonérer de sa propre médiocrité, me dérange…

Commentaire de la part de JLM

Avant cette phase électorale, on disait le pays majoritairement à droite. La gauche allait jusqu'au centre gauche. Avec une majorité qui sera au centre, n'assiste-t-on pas simplement à une recomposition où une gauche et une droite clairement marquées se trouvent de fait réduites? En définitive, n'est-ce pas là le sentiment majoritaire. Une France sans excès qui ne veut pas que cela bouge trop.

Edwy Plenel:

Votre analyse serait vraie si ces résultats électoraux exprimaient "la France" comme vous dites. Ce n'est aucunement le cas. A cause de l'abstention d'abord, qui n'a jamais été aussi importante à des législatives sous la Ve République : plus de la moitié des inscrits n'ont pas voté, lesquels inscrits ne représentent que 90% des citoyen-ne-s en âge de voter. Cette abstention atteint des records dans les quartiers et circonscriptions populaires, jusqu'à dépasser 60 %. S'y ajoute l'effet pervers, antidémocratique, du mode de scrutin majoritaire à deux tours : avec à peine 15% des inscrits ayant voté pour ses candidats, En Marche! est en passe de se retrouver avec 80% des députés. C'est une injustice totale qui blesse profondément notre démocratie.

Commentaire de la part de Issou

Le nouveau gouvernement envoie de nombreux signes d'autoritarisme, que vous et vos confrères relevés bien. Pensez-vous que le conseil constitutionnel ou tout autre organe de surveillance pourra autoriser l'état d'urgence à entrer dans le droit commun et bafouer toutes les libertés de base dont celui de la presse ? 

Edwy Plenel:

Oui, bien sûr : revenir à une stricte séparation des pouvoir qui redonne à l'Assemblée nationale ses pleins pouvoirs législatifs (faire les lois, les élaborer, discuter et voter, contrôler leur application et, par conséquent, contrôler le pouvoir exécutif). Avant même de rêver d'une VIe République, il serait possible de revenir à une interprétation et une application démocratique de la Constitution actuelle, au lieu de son monarchisme renforcé sous nos yeux. C'est ce qu'ont expliqué lors d'un de nos Live hebdomadaires, consacré à ce thème "Changer de République ?", deux constitutionnalistes, Paul Alliès et Dominique Rousseau. C'est à revoir ici.

Commentaire de la part de Alicard

Nos institutions ne protègent elles pas contre une majorité trop grande et des pouvoirs qu'elles peut avoir?

Edwy Plenel:

Non, nos institutions, plus monarchiques que démocratiques, donnent déjà l'avantage au pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif. C'est évidemment le poids de cet appel récurrent à une "majorité présidentielle" alors que, selon la Constitution, le vote des députés est libre et ne saurait être soumis à la volonté de l'Elysée, le Parlement étant en théorie chargé de contrôler l'exécutif en plus de son rôle d'élaboration et de vote des lois (fonction qui, de plus, peut être éclipsée par le recours au 49-3 ou aux ordonnances). Le mode de scrutin, dont les effets dévastateurs sont accrus depuis l'inversion du calendrier qui a accompagné le quinquennat en 2002, est en lui-même un scandale démocratique : avec à peine 15% des inscrits au premier tour, En Marche! est en passe d'avoir 80% des députés ! Si le scrutin était proportionnel, le paysage serait totalement différent. Et, surtout, s'il avait eu lieu avant la présidentielle, nous ne serions pas devant ce paysage caricatural. De plus, les députés En Marche! se sont engagés formellement, c'est même leur seul programme, à approuver et appliquer ce que voudra le président de la République. Bref, nous risquons fort d'avoir, plus que jamais, un parlementarisme soumis au bon vouloir présidentiel. 

5 ans sans gauche ?

Commentaire de la part de Lulu

Bonjour, merci pour ce tchat. Pensez-vous que la France est condamnée à être amputée de sa gauche pendant 5 ans?

François Bonnet:

Cinq ans, nous n'avons pas de boule de cristal. Durablement, oui. La ou plutôt «les gauches» ne sont même pas assurées de pouvoir constituer un ou des groupes parlementaires dans l'Assemblée qui sera élue dimanche. Pour constituer un groupe, il faut quinze députés. Les socialistes en avait obtenu plus de 270 en 2012... C'est dire. Au-delà, les divisions profondes, révélées, accentuées, mises en scène durant cette longue campagne électorale ne laissent guère espérer un sursaut rapide. 

Commentaire de la part de ALAIN AYRAL

Au regard de ce "dégagisme" volontaire ou involontaire, les partis traditionnel qui n'ont pas su se réformer et plus particulièrement le PS ne pourront à mon sens être suffisament représentatif d'un électorat pour prétendre à gouverner à nouveau. L'idée d'une recomposition des forces politiques autour d'un "mouvement" façon Macron peut-elle être envisageable ?

Stéphane Alliès:

Un mouvement “façon Macron”, ce pourrait être la France insoumise (le programme clair en plus), c'est-à-dire une organisation de type “mouvement” prônant l'horizontalité tout en conservant une direction très “verticale” et centrée autour d'une personnalité charismatique. Ce qu'il reste de la gauche non ralliée à la France insoumise voudra-t-elle se fondre dans un tel “mouvement”? Les prochains mois le diront…

Commentaire de la part de Léna

Bonjour Mediapart, est ce que vous pensez que des points positifs sont à espérer du mandat d'Emmanuel Macron ? Notamment en matière de justice sociale et d'écologie ? Merci d'avance

Stéphane Alliès:

Plutôt que de se perdre en paris pascaliens, nous préférons juger sur pièces, comme nous l'avons fait avec les deux présidences précédentes. Mais sur les deux points que vous avancez, l'espoir est maigre en matière de justice sociale, et dépendra sans doute de Nicolas Hulot en matière d'écologie.

Commentaire de la part de Nathan

Bonjour. La reconstruction de la gauche va sans doute devoir se faire sur le moyen terme. Mais stratégiquement, que vont viser d'après vous les forces de gauche dans les prochaines années? Quelles sont les prochaines échéances qui vont servir de test?

Fabien Escalona:

Au niveau du pôle de radicalité voire de la gauche toute entière, la France insoumise va chercher à affirmer sa prééminence. Malgré des scores décevants par rapport à la présidentielle, la FI a déjà prouvé qu'elle restait la première force de cet espace politique. Son défi va consister à élargir son audience tout en préservant sa cohérence. Du côté PS "tendance Hamon" et EELV, le défi sera celui de la survie politique. Beaucoup de figures de ce pôle plus modéré ont d'ores et déjà été éliminées des législatives. Le 1er juillet, elles se retrouveront à l'occasion d'un rassemblement initié par Benoît Hamon, qui pourrait préfigurer une nouvelle formation politique, surtout si le PS explose. En tout état de cause, les élections européennes de 2019 seront un premier test des stratégies des uns et des autres. Traditionnellement, ces élections à la proportionnelle sont un bon moyen de tester des formules. En 2009, elles avaient été importantes pour crédibiliser le Front de gauche, notamment par rapport au NPA de Besancenot dont les listes avaient été dépassées. 

Commentaire de la part de Marie

Quand bien même quelques députés de gauche parviendraient jusqu'à l'hémicycle que pourraient-ils faire contre des méthodes type ordonnances ou 49.3, en plus d'une majorité aux ordres ?

Edwy Plenel:

Bonjour, dans tous les cas, la gauche sera minoritaire comme jamais. Mais l'ampleur de cette minorité n'est pas sans importance. Par exemple, le fait d'être assez nombreux pour constituer une groupe donne des droits particuliers (temps de parole, saisine du Conseil constitutionnel, etc.). L'enjeu, c'est que les oppositions ou les revendications qui s'exprimeront dans la société trouvent des relais dans l'hémicycle. J'ai écrit, avant le premier tour, deux partis pris à ce sujet. Ils sont ici :

https://www.mediapart.fr/journal/france/290517/pour-une-assemblee-plurielle-contre-le-fait-presidentiel

https://www.mediapart.fr/journal/france/090617/le-besoin-d-une-gauche

Commentaire de la part de Pierre

Pensez-vous qu'il peut y avoir une mobilisation au second tour pour contrer le raz-de-marée En Marche ?

 Stéphane Alliès:

Ce devrait être la logique, ainsi que cela s'était exprimé lors des seconds tours des législatives de 2007 et 2012. Mais deux obstacles de taille s'opposent à ce pronostic. La vague LREM a bien plus profondément fait imploser les autres partis traditionnels (PS, LR) et surtout, l'absence de triangulaire et donc de choix permettant un tel rééquilibrage. Face à un duel LREM-LR ou LREM-PS, il y a peu à parier que les électorats, de gauche ou de droite, exclus du second tour se mobilisent pour de telles offres électorales, et il y a fort à parier que l'abstention déjà énorme du premier tour, s'accentue encore…

Sur la domination de la République en marche et les risques d’abus de pouvoir

Commentaire de la part de Sol

A vous lire, je constate que vous considérez cette éventuelle majorité écrasante d'En Marche (encore faut il qu'elle soit confirmée) comme catastrophique et unique dans l'histoire. Or en 1993, UDR-RPR avait 444 députés, en 1981, le PS avait aussi la majorité absolue avec 333 élus. D'autre part, et le PS et RPR/UMP chacun dans son histoire a joui de période où ils avaient tous les pouvoirs, Assemblée, Sénat et Régions, ce qui ne sera pas le cas d'En Marche en 2017. Alors, on se fait peur pour rien et l'audience ?

Edwy Plenel:

Non, tout au contraire : vos rappels, tout à fait pertinents, vont dans notre sens. Si, en une année à peine, le mouvement créé par Emmanuel Macron sur son seul nom a réussi à chambouler tout le vieux système partisan, c'est justement parce que ce confort offert par nos institutions monarchiques au camp du président élu est désastreux. Et qu'il n'a cessé, depuis 1981, lors de la première alternance de la Ve République, de nourrir la crise et la désaffection démocratiques. Vous l'avez sous les yeux avec le niveau record d'abstention qui souligne l'injustice totale du mode de scrutin : avec à peine 15% des inscrits, En Marche! risque fort de truster 80% des députés. Pour un mouvement qui se réclame de la rénovation et de la revitalisation démocratique, ce devrait être un sujet car cette situation n'est pas signé d'une démocratie moderne.

Commentaire de la part de Johanna

Si En Marche obtient, comme prévu, une majorité écrasante à l'Assemblée nationale, pourra t-il vraiment mettre en place une loi antiterroriste alors que le Conseil constitutionnel a récemment censuré la disposition qui permettait aux autorités de nous priver du droit de manifester ? Peut-on vraiment craindre que le droit constitutionnel de manifester soit remis en question par une nouvelle loi ou pas ?

François Bonnet:

Non, peu importe la majorité parlementaire et son ampleur. Les censures du Conseil constitutionnel s'imposent aux législateurs (et à l'exécutif). Si le pouvoir souhaitait passer outre, il lui faudrait alors réviser la constitution pour «rendre constitutionnelles» des dispositions qui ne l'étaient pas. 

Commentaire de la part de Jean-Yves de Chais...

La séparation des pouvoirs, depuis Montesquieu en 1748, impose des barrières franches entre pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. Autant pour François Bayrou avec son intervention comme "simple citoyen" auprès du parquet. Mais surtout je vous demande pourquoi personne n'a soulevé le problème fondamental que pose la présence de la photo d'Emmanuel Macron sur toutes les affiches des candidats LREM, comme dans les circulaires, jusqu'à en signer l'Edito ? Y-a-t-il, selon vous, un mélange des genres dangereux pour la Démocratie ? Il me semble que le Président de la République est Président de tous les français, avant d'être "candidat" aux législatives !...

Edwy Plenel:

Bien sûr, le présidentialisme français, dont Emmanuel Macron incarne aujourd'hui une forme d'apogée, a toujours violé la séparation des pouvoirs, donnant la priorité à l'exécutif sur le législatif et le judiciaire. Pour mémoire ce rappel ironique, extrait de la chute de ce mien article avant le premier tour des législatives (https://www.mediapart.fr/journal/france/290517/pour-une-assemblee-plurielle-contre-le-fait-presidentiel?page_article=1 :

« On ne peut ni ne doit tout attendre d’un homme » et l’élection présidentielle « n’apportera pas plus qu’auparavant le démiurge »… Refonder l’action politique, sa légitimité et son efficacité, suppose donc de la penser au-delà du « spasme présidentiel », « loin du pouvoir charismatique et de la crispation césariste de la rencontre entre un homme et son peuple ». Autrement dit d’échapper à ce temps court de l’élection, où « la vie politique s’écrase » sous le poids du « présidentialisme », pour mieux retrouver le temps long de la « délibération permanente », cette « double vertu du parlementarisme et de la démocratie sociale que notre République a encore trop souvent tendance à négliger ».

L’auteur de ces lignes, parues en 2011 dans la revue Esprit, n’est autre qu’Emmanuel Macron, désormais bénéficiaire de ce présidentialisme qu’il critiquait hier. 

Commentaire de la part de MER

@Edwy Plenel, tout à fait, mais la conception de la souveraineté nationale est différente de celle de souveraineté populaire. D'ailleurs, l'article 3 de la Constitution dispose que "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum". La souveraineté nationale implique que les représentants constituent l'organe d'expression de la Nation, qui est une entité qui n'a pas d'existence physique, à l'inverse du peuple. La Nation ne peut s'exprimer que par la voie de ses représentants OU par le peuple, par référendum. Du coup, il ne peut y avoir de contrôle sur les députés. Ca c'est pour la théorie, et force est de constater qu'elle est dépassée, au regard du saut qualitatif de notre façon actuelle d'envisager la démocratie. Sur le cas Macron, soit il s'accommode de ce canon, théorique, soit l'inexpérience des nouveaux élus jouera en sa défaveur, en favorisant l'expression des indignations qu'ils ne manqueront pas d'avoir face à la réalpolitique. Dans tous les cas, il est inefficace d'invoquer la Constitution pour renouveler notre façon d'exercer le pouvoir. Voir l'ouvrage de D. Rousseau, que vous semblez apprécier "Radicaliser la démocratie".

Edwy Plenel:

Merci de prolonger avec subtilité ce débat qui ne fait que commencer. Il y a là une sorte de pari pascalien : est-ce que ce nouveau monarque sera, par la force des choses ou des événements, un démocratiseur ? C'est ce que n'exclut pas Paul Alliès, qui avait débattu chez nous avec Dominique Rousseau, ici sur son blog : https://www.mediapart.fr/journal/france/090317/presidentielle-changer-de-republique

Pour ma part, à force d'être témoin de renoncements, de chagrins et de déceptions depuis 1981, j'ai renoncé au pari pascalien (et les décisions prises la semaine passée sur les migrants et réfugiés à Calais, sur la pérennisation de l'état d'urgence ou vis-à-vis des révélations de la presse me confortent dans ce choix). Le meilleur service qu'un journal comme le nôtre peut rendre aux bonnes volontés qui, sans doute, existent aussi dans ce nouveau pouvoir et cette nouvelle majorité, c'est d'être un aiguillon critique, sans concession, en toute indépendance.

Commentaire de la part de filatre

Est-ce que vous croyez au risque d'une tentation autoritaire de Macron en cas d'agitation sociale ou politique ? Signature de l'engagement de ses députés, loi du travail par ordonnance, état d'urgence banalisé, et quoi demain ?

Stéphane Alliès:

Dans tout exercice bonapartiste du pouvoir, il y a un risque de tentation autoritaire. Et effectivement, le traitement policier des migrants, comme les réflexions sur l'état d'urgence et son passage dans le droit commun, ou le sort réservé à la presse depuis l'élection de Macron, ont de quoi inquiéter…

Commentaire de la part de Zak

J'ai pu apprendre que le nouveau gouvernement avait un traitement particulier à l'égard des médias. Dépôt de plainte, Monsieur Bayrou qui appelle un journaliste "en tant que citoyen". Avez-vous des nouvelles concernant le souhait de EM de choisir les journalistes des rédactions pour les déplacements internationaux ? Et si cette pratique (implicitement ou explicitement) est toujours en vigueur ? 

Edwy Plenel:

Oui il y a eu ces pressions, révélées par Mediapart, de Bayrou sur Radio France à propos de l'enquête visant le Modem et cette plainte, visant les sources de Mediapart, Libération et Le Parisien, après les révélations conjointes de ces trois médias sur les véritables intentions du pouvoir s'agissant de la loi travail. Mais, pour les voyages internationaux, après une première protestation des médias, la situation semble redevenue normale. Lénaïg Bredoux de Mediapart a suivi le déplacement au Maroc, c'est ici : https://www.mediapart.fr/journal/international/150617/macron-apporte-son-soutien-un-roi-du-maroc-affaibli

Quant à la récente mise en garde des sociétés de journalistes dont celle de Mediapart, elle est en accès libre là : https://blogs.mediapart.fr/la-sdj-de-mediapart/blog/130617/le-nouvel-executif-t-il-un-probleme-avec-la-liberte-de-la-presse

Commentaire de la part de Christian Lamarche

N'y a-t-il pas quelque chose de très choquant et finalement de non conforme à l'esprit initial de la Vème République à considérer que des députés doivent s'engager à voter tout ce que leur présente le Président de la République. Dans la mandature précédente, j'aurais trouvé plus sain que Manuel Valls engage sa responsabilité sur la loi El-Khomry par exemple, qu'il soit battu et que François Hollande fasse le choix d'un autre premier ministre.

François Bonnet:

C'est une maladie typiquement française: la faiblesse des contre-pouvoirs institutionnels. Le Conseil constitutionnel ne s'est jamais distingué en tant que défenseur farouche de nos libertés. Il vient néanmoins de censurer quelques dispositions liées à l'état d'urgence: lire cet article https://www.mediapart.fr/journal/france/110617/neuf-associations-demandent-le-retrait-du-projet-de-loi-antiterroriste?onglet=full

Le conseil d'Etat est également tout aussi conservateur.

Les choses changeront-elles face au risque d'un pouvoir tout puissant? Il est à noter, dans un autre dossier -celui des migrants-, cette critique inhabituelle par sa vivacité du Défenseur des droits qui dénonce les conditions de vie « inhumaines » subies par les migrants, accuse l’État de les « traquer ». A lire ici:

https://www.mediapart.fr/journal/france/140617/calais-le-defenseur-des-droits-reproche-l-etat-un-deni-d-existence-des-exiles 

Commentaire de la part de François

Ne pensez-vous pas qu'il aurait fallu faire beaucoup plus de bruit sur cet engagement des candidats à l'investiture d'En Marche qui devaient s'engager à tout voter ce que souhaiterait l'exécutif, ce en totale contradiction avec leur mandat de représentation du peuple. Cette simple demande délirante n'était-elle pas simplement le moyen de filtrer et d'écarter tous les candidats un peu courageux ou simplement au fait de leur rôle.

Edwy Plenel:

Vous avez raison, nous n'avons sans doute pas suffisamment fait cette pédagogique élémentaire, à l'endroit aussi bien d'En Marche! que de La France Insoumise (puisque la charte signée ses candidats leur impose de voter ce que décide le mouvement). Cette entrave à la liberté des députés de la nation qui n'ont de compte à rendre qu'à ceux qui les ont élus est contraire à la Constitution : son article 27 énonce que « tout mandat impératif est nul » et que « le droit de vote des membres du Parlement est personnel ». Vous trouverez ce rappel dans une excellente tribune de la député socialiste frondeuse sortante Barbara Romagnan, en ballotage difficile dans le Doubs (où elle est soutenue par toutes les gauches), en accès libre sur le Club de Mediapart. C'est ici : https://blogs.mediapart.fr/barbara-romagnan/blog/150617/non-une-republique-qui-marche-au-pas

Commentaire de la part de Sébastien

Il semblerait que LREM puisse obtenir suffisamment de députés pour changer la constitution sans même faire de compromis avec les autres partis. Avez-vous des informations ou des idées sur ce qu'il pourrait en découler ? 

Stéphane Alliès:

Pour pouvoir modifier la constitution via le Parlement réuni en congrès, il faut en détenir une majorité des 3/5e des suffrages exprimés des 925 parlementaires (députés / sénateurs). En cas de probable écrasante majorité à l'Assemblée (plus de 400), il est envisageable pour le pouvoir, vu la porosité d'une partie du PS et de la droite envers En Marche, de pouvoir s'appuyer sur une telle majorité. Certaines dispositions de la loi de moralisation annoncée par François Bayrou devraient d'ailleurs comporter des mesures nécessitant l'usage de l'article 89 de la constitution. Pour le reste, Macron pourrait profiter de cet avantage pour faire évoluer les institutions françaises, il s'était ainsi engagé sur l'introduction d'une dose de proportionnelle, même si cette promesse a déjà été remise à plus tard…

Quelle(s) opposition(s) demain ?

Commentaire de la part de loïc

Dans la 5ème circonscription du Finistère, la candidate EM, vraisemblablement députée prochaine est acquise au projet de centrale à Gaz de Landivisiau (dossier suivi par Jade Lindgaard). Son suppléant , Modem, y est opposé !. A côté dans la circonscription de Morlaix, la titulaire EM, agricultrice "bio" refuse de faire la moindre déclaration sur ce sujet. Ces refus de positionnement ou des écarts entre titulaires et prétendants EM se retrouvent-ils ailleurs en France sur des sujets sensibles ?

Stéphane Alliès:

Oui, il y a de fortes chances que de nombreux sujets divisent les députés LREM (libertés publiques, questions sociétales, écologie). Reste à voir si les désaccords s'exprimeront alors, ou si cette probable pléthorique majorité évoluera cinq ans durant le doigt sur la couture du pantalon…

Commentaire de la part de Méass

Ai rencontré en campagne un groupe de quatre militants EM, leur ai posé la question du nucléaire: il y avait subitement deux groupes de deux. La même chose peut-elle arriver avec les députés dans les mois à venir ?

François Bonnet:

Mais oui, mais oui! Et pas seulement sur le nucléaire. Patientons un peu et le mantra Macron «En même temps, en même temps...» va provoquer quelques spectaculaires courts-circuits. C'est ce qui va faire tout l'intérêt de cette mandature qui s'ouvre :-)

Commentaire de la part de Alicard

Suite à ma question sur nos institutions, si celle-ci ne garantissent pas de nous protéger contre une Assemblée ayant les pleins pouvoirs, quelle forme de système politique serait le plus à même de nous protéger contre une déviance du pouvoir? S'il en existe une?

François Bonnet:

Le mandat impératif n'existe pas. Donc avec un groupe de plus de 400 députés, il va être difficile au pouvoir de faire respecter une discipline de caserne. Les premiers mois passés, on peut imaginer que des députés aux positions si diverses, voire parfois contradictoires, s'émanciperont de la tutelle de l'exécutif.

Sur la loi El Khomry, souvenons-nous que les députés PS frondeurs avaient tenté de déposer une motion de censure mais n'avaient pas réuni le nombre de signatures suffisant pour cela.

Commentaire de la part de Zruek

Des députés LR à l'Assemblée nationale, est-ce avoir une "opposition Macron compatible" ?

Ellen Salvi:

Plusieurs candidats estampillés LR-UDI ont d’ores et déjà annoncé qu’ils voteraient la confiance au gouvernement et qu’il souhaitaient répondre à “la main tendue” de Macron. S’ils sont élus, ces députés autoproclamés “constructifs” n’excluent pas de créer un groupe à part entière. Resteront, à côté, des parlementaires tenants d’une ligne plus dure et d'une opposition plus ferme au gouvernement, comme Eric Ciotti ou Christian Jacob.

Commentaire de la part de Sénèque

Comment pensez-vous que le fonctionnement du contre-pouvoir va se mettre en place après ces élections, que cela soit au niveau national, ou plus particulièrement au sein de votre rédaction?

Edwy Plenel:

Journal numérique indépendant et participatif, Mediapart est par définition un contre-pouvoir. Nous sommes là pour "porter la plume dans la plaie", mettre sur la table des informations d'intérêt public, faire écho aux attentes de la société dans sa diversité sociale, culturelle et politique. Le meilleur exemple récent, qui nous vaut ainsi qu'à Libération et au Parisien une plainte de la ministre du travail pour trouver nos sources, en violation du droit de la presse, c'est notre rôle d'information sur les véritables intentions du pouvoir s'agissant de la loi travail. Par ailleurs, notre Club participatif, qui accueille librement les contributions de nos abonnés, permet d'alerter, de relayer et de partager tout ce qui bouillonne.

Sur les choix éditoriaux de Mediapart et son indépendance

Commentaire de la part de Mark Baugé

Bonjour, merci pour ce petit espace démocratique. Ma question porte sur la division de la gauche, qui s'est tristement révélée dans la 18eme circonscription de Paris où France Insoumise et la candidature citoyenne de Caroline de Haas soutenue par ce qui reste du Front de Gauche et EELV se sont neutralisés pour laisser passer M. El Khomri. Edwy Plenel a répondu à l'invitation de C. de Haas avant le 1er tour des législatives lors d'une réunion publique. Difficile de ne pas qualifier cette intervention de "partisane", en tant que soutien à un camp spécifique de la gauche. 1) Partagez-vous avec moi le qualificatif "partisan", en l'occurence ? 2) Edwy Plenel s'y est-il exprimé en tant que citoyen? 3) Est-il possible pour un éminent éditorialiste tel que M. Plenel de s'exprimer en tant que citoyen, sans engager sa rédaction? 4) Cette question ne se veut pas polémique, mais souligne plus généralement la difficulté pour un journaliste de décorréler engagement et prise de parti (ce que certains journalistes de Mediapart ont l'air de trouver si simple).

François Bonnet:

Ce sont des débats que nous avons régulièrement au sein de notre rédaction. Qu'Edwy Plenel, en tant que citoyen, fasse un certain nombre de choix ne me dérange pas. De nombreux journalistes de Mediapart participent -comme citoyens- à de multiples initiatives, forums, etc.

La seule question qui m'importe, cette fois en tant que directeur éditorial de Mediapart, est que ces divers engagements ne viennent pas peser sur nos choix éditoriaux et les positions que nous défendons. Encore une fois, Mediapart est un journal pluraliste, constitué d'une rédaction plurielle et avec un lectorat divers: lisez les opinions qui s'expriment dans Le Club de Mediapart et dans les commentaires des articles et vous en prendrez la mesure. C'est cette diversité qui fait la richesse et l'intérêt de ce journal et que nous tenons tous à encourager

Edwy Plenel:

Ce n'est pas seule fois où j'ai répondu présent à des invitations trans-partisanes pour parler de ce qui nous occupe à Mediapart (dans le cas d'espèce, il s'agissait d'un exposé sur la liberté de la presse et sa nécessité). Nous ne sommes pas un journal hors de la société et nous l'accompagnons dans sa diversité, sans sectarisme et sans alignement sur tel ou tel parti, candidat, mouvement.

Commentaire de la part de Visiteur

Après nous avoir vendu Hollande ce bourgeois provincial intrigant, Mediapart ferme un peu vite ses yeux sur les affaires et les réseaux du banquier Macron ?

Stéphane Alliès:

C'est quelque part rassurant de savoir qu'il y a encore des gens qui pensent que Mediapart a “vendu” Hollande (quand ils sont si nombreux à nous reprocher d'avoir “plombé” son quinquennat -cf. affaires Cahuzac, Arif, Morelle, Lamdaoui… ou parti-pris anti-Valls). Quant à fermer les yeux sur “les affaires” Macron, nous vous donnons rendez-vous dans les prochaines semaines, mois et années pour vous démentir, et vous offrons d'ores et déjà quelques lectures (parmi les plus récentes):

https://www.mediapart.fr/journal/france/300517/emmanuel-macron-face-au-defi-de-la-morale

https://www.mediapart.fr/journal/france/210517/macron-leaks-les-secrets-dune-levee-de-fonds-hors-norme

https://www.mediapart.fr/journal/france/120517/enquete-sur-les-montages-financiers-dune-deleguee-d-en-marche

https://www.mediapart.fr/journal/france/070617/lrem-des-candidats-loin-detre-exemplaires

Commentaire de la part de Inobsobot

Emmanuel Macron a commencé et terminé sa campagne présidentielle par des entretiens fleuves sur Mediapart. Peut-être reviendra-t-il comme promis rendre compte tous les ans de son action de Président. Cependant Rachida El Azzouzi, Mathieu Magnaudeix et même Edwy Plenel ont pu constater dans diverses circonstances, qu'il n'était pas facile d'apporter la contradiction à l'anguille Emmanuel Macron. Quelle attitude adoptera Médiapart vis-à-vis du pouvoir si cette relation presque privilégiée devait s'installer ? La reconnaissance tant attendue ne risque-t-elle pas de se transformer en piège, empêchant la dénonciation de la collusion du pouvoir et des médias si chère aux lecteurs de Médiapart et à sa rédaction ? Bien à vous, Christophe.

Edwy Plenel:

Vous avez raison de vous inquiéter car l'indépendance est toujours un combat, y compris contre nous mêmes. Je ne crois qu'il y ait de relation privilégiée. Sans doute y a-t-il eu un mélange de respect (pour notre travail et la place qu'occupe désormais Mediapart dans la vie publique) et d'intelligence (se livrer à l'interpellation libre d'un média jeune, numérique, participatif) dans l'acceptation par Macron de venir chez nous. D'autres candidats ont fait le choix inverse, notamment Mélenchon, et de ce point de vue (qui n'est que le nôtre bien sûr ;-)), je crois qu'ils ont eu tort. Mais je n'ai pas, par exemple, de lien particulier, de contact privilégié ou de lien personnel, avec la nouvelle présidence, d'aucune sorte et d'aucune manière. Nous faisons notre travail comme toujours, avec autant d'indépendance que de rigueur, sans préjugés non plus afin d'être capable de voir les nouveautés quand il y en a tout en soulignant les régression quand il y en a aussi. 

Commentaire de la part de Yasmine

Bonjour, je trouve vos articles très orientés et vraiment à charge de La République En Marche. Je n'ai pas vu assez d'articles sur Meyer Habib, Eric Ciotti et tous ces réactionnaires que LREM combat sans parler des candidats FN, mais surtout une stigmatisation continue des candidats En Marche car il n'y aurait pas assez d'ouvriers ou de chômeurs, alors qu'il n'y en a pas assez non plus à FI et PS. Vous extrapolez quelques erreurs de choix pour jeter le discrédit sur les 520 candidats et je ne vois pas du tout de papiers sur certains profils extrêmement intéressants. Je veux enfin vous dire que le socle de l'électorat d'Emmanuel Macron et d'En Marche reste majoritairement de gauche (de centre-gauche) et que, donc, nous continuons à lire Mediapart, Libération et le Nouvel Obs. Je déteste cependant ceux qui font dans la surenchère en proposant des programmes utopiques car ils sont là juste pour l'opposition et pour saboter le travail du gouvernement. Ce sont les Taubira-Mamère-Hue qui ont fait tomber Jospin, les frondeurs qui ont détruit Hollande... A chaque fois que la gauche essaye d'avancer, une partie -sans proposer de solutions réelles et sans même s'unir, lui fait du sabotage. C'est à regret donc que nous quittons cette "gauche" pour le centre. Au moins nous avons enfin cette liberté de penser à ce qui peut être efficace pour tout le pays et pas seulement pour les intérêts constitués. Mais que fait la gauche de la gauche? Pourquoi pas une alliance ?

Stéphane Alliès:

De la même façon que, contrairement aux accusations de certains lecteurs, Mediapart ne soutient pas a priori Emmanuel Macron, il ne s'enferme absolument pas dans un traitement à charge. Je vous renvoie à notre dossier “Macron, libéral de gauche à droite” (https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/emmanuel-macron-liberal-de-gauche-droite) où, me semble-t-il, l'on peut constater un traitement équilibré et honnête du phénomène. Sur les candidats aux législatives, il y a en effet des papiers critiques, mais parce que lesdits candidats sont critiquables. Mais il y a aussi des reportages sur des candidats LREM tout à fait estimables (par exemple: https://www.mediapart.fr/studio/portfolios/dans-le-loiret-un-patron-en-marche-et-en-campagne ou https://www.mediapart.fr/journal/france/300517/cedric-villani-la-constance-de-laraignee)

Il ne s'agit pas pour nous de soutenir ou dénoncer par principe, mais bien de défendre notre propre agenda, celui d'une radicalité démocratique, d'un souci écologique, d'une meilleure répartition des richesses, d'une politique d'immigration ouverte, d'une laïcité apaisée, etc, etc.

Edwy Plenel:

Comme vous le savez, Emmanuel Macron a commencé (une semaine avant sa déclaration officielle de candidature) et terminé sa campagne (le vendredi soir 5 mai) à Mediapart, où il fut l'invité principal de deux longs MediapartLive en direct et en accès libre. Autrement dit nous ne sommes non seulement pas sectaires mais surtout pas aveugles face aux nouveautés politiques, à ce qu'elles signifient et à ce qu'elles recouvrent. Mais nous sommes un journal indépendant, dans la tradition de ce que fut le "Combat" de Camus au début de la IVe République ou "Le Monde" de Beuve-Méry au début de la Ve République : notre rôle face à un nouveau pouvoir, surtout s'il est puissant, dynamique et conquérant, c'est d'exercer notre devoir de critique, d'examen et d'enquête, voire d'irrespect. Le soir de l'élection d'Emmanuel Macron, j'ai cité cette phrase du reporter Albert Londres, dans les années 1920 : "Notre métier n'est pas de faire plaisir non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie". Cela ne va aucunement nous empêcher de chroniquement loyalement ce que fait le nouveau pouvoir et, quand nous pensons qu'il y en a, de saluer des avancées démocratiques, écologiques ou sociales. Regardez par exemple ce que nous avons écrit sur les propositions de moralisation de la vie publique : https://www.mediapart.fr/journal/france/150617/lois-de-moralisation-des-flous-et-des-angles-morts

Mais vous comprendrez aisément que nous ne pouvons pas nous taire si la nouvelle majorité, qui aura les pleins pouvoirs, dément en pratique (par des affaires concernant ses candidats ou ses ministres) ces engagements. De même que nos constants engagements démocratiques nous obligent à monter au créneau face au durcissement de la politique répressive face aux réfugiés et migrants et à l'idée vraiment liberticide de faire passer dans le droit commun les dispositions de l'état d'urgence. pour mémoire rien de tout cela n'était dans le programme du président élu. Bref, nous serons un lieu de vigilance critique, au service du droit de savoir des citoyens, comme nous l'avons toujours été sous les présidences de Sarkozy et de Hollande, vis-à-vis de tous les courants partisans.

Commentaire de la part de Luigi Pillosio

Bonjour, pour quelle raison Mediapart n'a pas organisé de débat contradictoire entre les différents partis pendant la campagne des législatives; en particulier entre les deux tours?

Edwy Plenel:

D'abord pour des raisons de charge de travail : nous faisons des MediapartLive en direct de nos locaux les deux dimanches soirs, du premier tour et du second. Du coup, en tenir un troisième le mercredi de la semaine qui les sépare, ça faisait beaucoup, au détriment du travail journalistique lui-même, de reportage, d'enquête et d'analyse. Par ailleurs, les législatives recouvrent, en dehors des tendances lourdes que nous mettons en évidence, des situations locales différentes et diverses qu'il aurait été difficile de toutes réunir lors d'un seul MediapartLive. Mais, mercredi prochain 21 juin, nous vous donnons rendez-vous, en plus du Live de dimanche (de 19h à 22h), pour un Live où nous allons essayer de faire venir quelques nouveaux députés, aussi bien de la majorité que de l'opposition.

Commentaire de la part de Visiteur

Suis-je le seul à considérer Mediapart comme partisan, sans savoir exactement de quoi ?

François Bonnet:

Nous ne sommes pas partisans. Les journaux partisans sont trop souvent inintéressants. En revanche, depuis 2008, nous portons des engagements. Deux en particulier: les batailles pour légalité, et elles restent l'enjeu central de ce pays ; les batailles pour la démocratie et le pluralisme qui ont alimenté nos critiques répétées de ces folles institutions et d'un système politique déconnecté des dynamiques de la société.

Commentaire de la part de Visiteur

Allons-y clairement : Mediapart soutient-il Macron a priori ?

Stéphane Alliès:

Répondons clairement: le seul soutien qu'a exprimé Mediapart vis-à-vis d'Emmanuel Macron s'est produit dans l'entre-deux tours, afin de battre clairement Marine Le Pen dans les urnes et ne pas prendre le moindre risque. Pour le reste, si vous nous jugez sur nos articles, je ne vois pas où vous pourriez étayer une telle hypothèse d'un “soutien a priori”.

Commentaire de la part de Lulu

@Bonnet. Ne pensez-vous pas que les medias, et Mediapart notamment, ont une part de responsabilité dans la débâcle des gauches, après avoir mis en scène de façon permanente ses divisions ? 

François Bonnet:

Casser le thermomètre ne va pas franchement soigner le malade... Nous ne sommes pas vraiment là pour cacher la poussière sous le tapis. Journal indépendant des partis et de leurs candidats, Mediapart s'est efforcé de raconter les débats internes aux diverses forces de gauches. Nous voulons justement être le journal où se rencontrent et où débattent ces différentes forces, dans leurs rivalités, leurs haines recuites parfois, leurs envies communes plus rarement. Quelques débats ci-dessous:

Comment reconstruire la gauche? https://www.mediapart.fr/journal/france/110617/notre-debat-comment-reconstruire-la-gauche

Face à Macron, des gauches atomisées https://www.mediapart.fr/journal/france/170517/face-macron-des-gauches-atomisees

Gauche(s) : une situation sans précédent ?

https://www.mediapart.fr/journal/france/170517/gauches-une-situation-sans-precedent