La piètre émission du 28 février dernier de la chaîne M6, consacrée à « l'autre visage » de la Suisse pourrait être analysée à travers le prisme du « soft power » évoqué par la psychologue Judith Barben. Cette dernière décrit ainsi dans le quotidien suisse L'AGEFI du 22 février dernier le travail de sape de certains « spin doctors » et de nombreux medias à l'encontre de la Suisse : « Outre la diffamation crue, la pression de groupe est une méthode usuelle : les pays qui ne se rallieraient pas à un « consensus » fabriqué sont typiquement menacés d'isolement ou de sanctions.
Car, pour la Suisse, c'est bien d'une « mise en jeu de réputation » qu'il est question, poussant ses responsables politiques à céder aux pressions internationales afin de sauver les apparences.
En deçà de cette stratégie médiatique et surtout politique, qui mériterait une étude approfondie, la fumeuse enquête « exclusive » d'M6 s'accommodera plus modestement de l'analyse de Kurt Imhof, professeur de sociologie à Zurich. Ce dernier démonte-en s'appuyant sur un sujet d'actualité récente- journal Le Temps du 17 février 2010- le mécanisme précis du populisme médiatique. Contagieux.
Le professeur Imhof utilise, pour décrire une information à haute retombée d'audience, l'expression « fonds de commerce ». Et la Suisse, depuis la votation sur les minarets, et avec la pression internationale sur le secret bancaire et autres petits événements mineurs, est devenue une rutilante machine à fantasmes. Yann Moix l'a prouvé récemment. Elle fait tourner la pompe à audience. Il s'agit donc, pour une certaine presse guidée par l'audimat, d'exploiter le filon jusqu'au bout.
« Le thème est par nature propice aux reprises » avertit le professeur Imhof. Celle d'M6 condense toutes les caractéristiques d'un journalisme « d'une teneur en information particulièrement faible ». Abondance de thèmes considérés sous leur seul aspect sensationnel, clichés visuels et tics de langage, absence de contextualisation, mises en scène douteuses, déformation géographique (Genève et Gstaad = La Suisse) et j'en passe. Pis, si la teneur informative est faible, voire nulle, elle est aussi fausse -contrairement à ce que dit la voix off, le secret bancaire n'est pas inscrit dans la constitution suisse- nécessairement déformante -le traitement des junkies du Quai 9, ou caricaturale -Gstaad ou les frontaliers.
On conseillera donc à Bernard de La Villardière, qui jadis publia dans la collection « À l'épreuve des faits », de relire ceci : « un journaliste, digne de ce nom, tient la calomnie, les accusations sans preuves, l'altération des documents, la déformation des faits, le mensonge pour les plus graves fautes professionnelles. »