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A l'heure suisse

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Billet de blog 4 janvier 2010

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Les vœux présidentiels. Une Comparaison Suisse-France

Chaque début d'an, le commun des mortels n'est pas le seul à se livrer, avec plus ou moins bonne grâce, à l'acrobatique et hypothétique occupation qui consiste, de façon fort civile et faussement enjouée, à souhaiter une belle et bonne année à son entourage.

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Chaque début d'an, le commun des mortels n'est pas le seul à se livrer, avec plus ou moins bonne grâce, à l'acrobatique et hypothétique occupation qui consiste, de façon fort civile et faussement enjouée, à souhaiter une belle et bonne année à son entourage. Les Anglais taxeraient sans doute cette étrange coutume, dont la persistance peut surprendre dans nos sociétés dites rationnelles, de ‘wishful thinking'. Et ils n'auraient pas tort. Mais la coutume apaise la conscience et crée -si peu- du lien social. Aussi s'y plient-ils de bonne grâce.

Les puissants de ce monde y recourent de même volontiers. En bons puissants qui pensent que le peuple est pendu à leurs lèvres, ils ne se contentent pas d'un banal et laconique ‘bonne année' comme tout le monde, mais s'entichent d'un vrai discours à la nation, comme une bénédiction 'urbi et orbi' séculaire et télévisée. Et plutôt dix fois qu'une. Ainsi, Nicolas Sarkozy, après s'être adressé aux Français, va faire plein usage du délai qu'il lui est imparti pour répéter l'exercice à l'envi. Jusqu'au 30 janvier s'il le faut. Les vœux de Nicolas n'épargneront personne.

Les vœux du président français relèvent de l'exercice politique, comparés à ceux, assez brefs et décontractés -presque désinvoltes- de Barack Obama. Sur presque huit minutes, Sarkozy livre un discours construit : une introduction assez générale portant sur l'année -difficile bien sûr- écoulée, puis une première partie en forme de bilan politique et une deuxième, prospective et programmatique. Enfin, une conclusion exhortant à l'unité de la nation et annonçant, à la manière d'un Obama, une embellie.

Evidemment, l'exercice est convenu. Son contenu fraye souvent avec la banalité et le bon sentiment. Ainsi, on peut noter de nombreuses similarités entre le discours du président français et celui de Doris Leuthard, la présidente de la Confédération suisse. Toutefois, en mettant de côté une élocution difficile -Leuthard est Suisse alémanique- il est évident que son discours est rhétoriquement moins bien construit que celui de son homologue français.

Au lieu de différer l'annonce de ses vœux à la fin du discours en leur conférant ainsi un poids dramatique, Leuthard les formule d'emblée. Nul besoin d'écouter le reste, la chute est dite... Ensuite, elle annonce une année 2010 difficile. Sarkozy, quant à lui, constate les difficultés mais les cantonne intelligemment à 2009, faisant de 2010 l'année d'un renouveau potentiel. La présidente de la Confédération enchaîne avec la litanie des personnes à ne pas oublier. Sarkozy les place opportunément en un post-scriptum rassembleur laissant poindre en filigrane le débat sur l'identité nationale.

La deuxième partie de l'exposé de Doris Leuthard est tout aussi maladroite. Elle prend la forme d'énumérations pénibles dans lesquelles Leuthard se réfère, comme le président français, au « tissu social » et au modèle économique sensé différencier la Suisse -ou la France- des autres pays. C'est la rengaine ‘on a souffert mais moins que les autres et c'est un peu grâce à vous alors continuez à vous serrer la ceinture merci'.

« Bref » -ne jamais mettre ‘bref' dans un discours tel que celui-ci, c'est accepter qu'il est d'un abyssal ennui- poursuit Doris Leuthard, avant de se lancer dans un petit exercice programmatique, comme Nicolas Sarkozy. Enfin, le discours de la Suissesse se termine sur un appel à la cohésion de ses concityens, sur fond de minarets, (Sarkozy le fait sur fond d'identité nationale, ce qui revient au même.) avec tout de même un candide aveu de faiblesse : « il n'y a pas de réponse toute faite à chaque problème, pas même pour le Conseil fédéral.» Le « Que Dieu vous bénisse » vient en sus, en un probable écho du début de la Constitution suisse.

Ce petit exercice informel nous a donc appris que le Conseil fédéral a encore des efforts à faire pour améliorer une communication qui lui a déjà tant fait défaut en 2009. Nous nous sommes aussi rendu compte que les thèmes abordés par les présidents suisse et français sont finalement très proches. Difficile d'échapper aux poncifs. L'exercice est toutefois beaucoup mieux maîtrisé par le président français -et ses communicants- qui ne tombent pas dans le piège de certaines formules maladroites. Mais un bon communicant fait-il un bon dirigeant ?

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