Un clic sur ce lien http://info.tsr.ch/votations/index.php?voteID=1998 permet de prendre la mesure du raz de marée de ce dimanche en Suisse. La participation à la votation fut conséquente : 54,38%. Elle assoit la décision du peuple suisse. L’opposition aux minarets atteint plus de 70% dans certains cantons. Un plébiscite.
Seuls trois cantons romands se distinguent par leur refus. Bâle-Ville, outre Sarine, fait figure de résistante. Le «non» le plus fort est venu de Genève : 59,7%. Il s'agit, comme le rappelle le site de la TSR, du seul endroit en Suisse romande où une mosquée est flanquée d'un minaret. Bâle-Ville, quant à elle, était l’une des rares villes à avoir interdit l’affiche insultante des partisans du «oui». Genève, qui a également approuvé le projet de train transfrontalier CEVA, se pose en îlot d’ouverture et de tolérance. Malgré la récente victoire du MCG, qui semble n’être plus qu’un mauvais souvenir. Malgré le blanc-seing accordé au commerce des armes au nom du réalisme économique.
Après de nombreuses tentatives avortées, une initiative de l’UDC –avec ici l’aide de l’UDF- triomphe. Un triomphe qui est celui de la peur et du repli. De la désinformation aussi. Et de la passivité des partis traditionnels. L’UDC devra en assumer les conséquences politiques et économiques. Ce qu’elle fait avec bonne grâce aujourd’hui. «Nous assumons sans difficulté ce résultat», affirme, serein, le vice-président de l'UDC Yvan Perrin. Et demain ?
Le «minaret de la discorde» n’a jamais été qu’un écran de fumée. Son rôle et sa présence anecdotique en Suisse le prouvent facilement. L’UDC, en l’instrumentalisant, s’est pris les pieds dans le tapis. "Le plus douloureux pour nous n'est pas l'interdiction des minarets, mais le symbole renvoyé par cette votation" souligne Farhad Afshar, le président de la Coordination des organisations islamiques en Suisse (COIS). «Un coup de poing en pleine figure» pour les musulmans de Suisse, lance Ueli Leuenberger, le président des Verts.
Un symbole fort et négatif qui ne manquera pas d’ébranler la position de la Suisse, déjà fragile, sur le plan international. Les Verts veulent en appeler à la Cour européenne des droits de l'homme pour violation de la liberté religieuse. Mais il est trop tard. Le mal est fait. Si la Suisse est citée en exemple aujourd’hui, c’est par le Bloc identitaire : « Pour toute l’Europe, ce vote suisse résonne comme un coup d’arrêt et un espoir. Un coup d’arrêt à l’islamisation de l’Europe, et l’espoir du réveil des peuples européens pour la défense de leur civilisation. »
Par ce vote, les Suisses ont rappelé aux musulmans quelle devait être leur position. Silencieuse. Invisible. Un mauvais point pour l’intégration et la concorde. Comme un coming out politique et populaire grâce auquel une nébuleuse d’idées approximatives et étriquées -qui n’avaient jamais été encore formulées- fait surface. Elles couvaient depuis plusieurs décennies.
La Suisse traîne bien d’autres casseroles. Qui ont toujours été étouffées par le sceau du secret. Bancaire par exemple. Ce vote lève pour la première fois le voile sur une Suisse qui ne veut plus se cacher. Une Suisse loin des clichés idylliques qu’elle vendait, bienveillante. Ce soir, Heidi a la morve au nez.
Edit, lundi 30 novembre:
Ajouté en lien dans le Prolonger, cette statistique relayée par Romandie news:
"Près de deux tiers ont dit "oui" dans les communes rurales (...) l'interdiction des minarets a en revanche été clairement rejetée dans les grandes villes: le "oui" y a atteint à peine 39% en moyenne, selon les données de l'Office fédéral de la statistique"
Commentaire: Des campagnes reculées on voté pour interdire, tenaillées par la peur et l'ignorance d'un danger qu'elles n'avaient jamais contemplé.