À la recherche d'un regard...
Suite à nos différentes observations, le regard se révèle indispensable, nécessaire, incontournable pour exister, nous en sommes à sa recherche. Une de mes voisines me confiait par téléphone qu'elle s'était surprise lors de ses rares sorties dans la rue, à voir les yeux de la personne qu'elle croisait, elle n'y avait jamais prêté attention auparavant; leurs regards croisés ont été suivis d'un Bonjour ! inhabituel. « Nous existons à travers nos regards ». À l'inverse, dans les hypermarchés, tout le monde se fuit, on évite l'autre, on baisse la tête, on évite de croiser nos regards comme s'ils étaient potentiellement transmetteurs de virus. La peur est là, la terreur.
« D'autres yeux se ferment à jamais, dans la plus totale solitude. Dans la plus grande solitude la personne meurt, les yeux sont inertes, absents, une main gantée ferme les paupières sur le regard qui n'est plus. Les regards derrière les mains jointes la couleur des yeux sont voilés et se métamorphosent en larmes. Nos mains ne savent pas s'il est possible d'être réconfortantes dans un sentiment de bienveillance. Non, à ce jour dans le confinement, on ne peut plus parler silencieusement avec les mains, pour réconforter, prendre les mains de la personne en souffrance; le partage affectueux, d'une simple humanité désintéressée nous est interdit. ». Louis Korwin.
Les prisonniers de guerre. Des regards, une mémoire qui se souviendra de cette prise de conscience que la couleur des yeux ne peut plus être négligée. Sans aucun doute un autre monde en devenir, dans la mesure où nous pratiquerons inlassablement et le plus simplement, le Bonjour !, quelle est la couleur de nos yeux ?
Les gestes rituels pour faire le deuil de ses proches sont interdits.
C'est ici, un traumatisme qui ne pourra que très difficilement être restauré par la résilience, et peut-être jamais. Les traumatismes psychologiques sont, et vont être nombreux, face à cette crise. Au même titre que les carences d'accueil et de prises en charge dans les hôpitaux, le nombre de médecins psychiatres a été drastiquement diminué par nos derniers gouvernements, pour le sacro-saint de l'économie de marché multinational. Il y a là, un choix qui n'est pas celui de la vie, des choix sans éthique, une inhumanité orchestrée.
Suite aux décisions du Haut Conseil de la Santé Publique qui a rendu un avis le 28 février 2020 concernant la prise en charge des individus décédés du coronavirus. Ces décisions du gouvernement qui ont été nécessaires en l'absence de recul face à cette crise sanitaire mondiale inédite, n'ont pas anticipé les conséquences du confinement et de l'après-confinement. À ce jour, la distanciation et les comportements barrières y ont des conséquences dramatiques dans les relations sociales et familiales. Les troubles psychiques, les sentiments d'abandon, de désespoir pour les personnes hospitalisées ou accueillies dans les E.H.P.A.D ne font qu'empirer, l'impuissance des familles face à cette crise sanitaire provoque le désarroi et la colère.
Après la saturation des hôpitaux privilégiant la prise en charge des personnes atteintes du covid-19, et refusant la prise en charge des personnes âgées, une priorité avec la justification darwinienne de la théorie de la sélection naturelle, ce sont les services de prises en charge psychique qui vont être dépassés par les événements en cours. Le pouvoir politique, le pouvoir économique, et autres acteurs ayant pignon sur rue dans les médias, abolissent les Droits de l'Homme et passent outre sans complexe sur la loi de l'accès aux soins pour tous: « Aucune personne ne peut faire l'objet d'une discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins. Ce droit se traduit en pratique par plusieurs dispositifs. Le code de la Santé publique garantit l'égal accès aux soins pour tous, en particulier les personnes les plus démunies (articles L1110-1 et L1110-3) ». Une dérive qui s'accentue. Pour un certain nombre d'entre nous, ceci nous interroge avec stupéfaction. Une régression manifeste de l'éthique, ou plus précisément une absence totale d'éthique, nous fait pressentir le pire : le déni sur l'avenir de l'humanité au profit d'une politique économique virulente, d'un chef d'État et d'un gouvernement plus soucieux d'eux-mêmes, que celui de notre présent et avenir.
Patrick Croix