Billet de blog 21 septembre 2023

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Pierre Carpentier

MÉMOIRES DE L'EAU. "Les songes de nos vivants prennent à l'eau, la source et le sel ! À la terre, le sang et la force ! Au vent, nos sacrifices livrés en confiance. Assez de ces supplices ! Les poèmes ne sont pas fait pour les chiens ! Ils portent nos libertés souveraines ! lls sont le parfum de nos royaumes ! Sois vaillant à la tâche attaquante que nous te confions ! Les dominations nous mitraillent encore mais tu répondras à ce juste tourment du devoir ou détourne toi à jamais de notre appel ! En toutes directions que tu choisisses tu nous reviendras et nos comptes te seront remis ! Pour notre générosité, tiens en partage le calme des eaux !". (Extrait "d'IRACOUBO. L'Épicentre des Eaux", 2014). " MAIS ALORS, LA GUYANE ? Une infinité que nous imaginons gorgée d'eaux et de bois. Les Guyanais demandent que les Martiniquais et les Guadeloupéens les laissent en paix. Nous avons pas mal colonisé de ce côté. C'est pourtant comme une attache secrète que nous avons avec le Continent. Une attache poétique, d'autant plus chère que nous y renonçons. D'autant plus forte que fort sera le poids des Guyanais dans leur pays. Des chants comme des rapides à remonter, des poèmes comme autant de bois sans fond." ÉDOUARD GLISSANT in LE DISCOURS ANTILLAIS (P 775).

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Les peuples autochtones de Guyane tirent l’oreille du président Macron

Dans une tribune au « Monde », Alexis TIOUKA, juriste Kalina, négociateur de la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones des Nations Unies ancre sa défense du droit foncier dans la responsabilité environnementale et le respect de « l’égalité constitutionnelle ».

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MÉMOIRES DE L'EAU. "Les songes de nos vivants prennent à l'eau, la source et le sel ! À la terre, le sang et la force ! Au vent, nos sacrifices livrés en confiance. Assez de ces supplices ! Les poèmes ne sont pas fait pour les chiens ! Ils portent nos libertés souveraines ! lls sont le parfum de nos royaumes ! Sois vaillant à la tâche attaquante que nous te confions ! Les dominations nous mitraillent encore mais tu répondras à ce juste tourment du devoir ou détourne toi à jamais de notre appel ! En toutes directions que tu choisisses tu nous reviendras et nos comptes te seront remis ! Pour notre générosité, tiens en partage le calme des eaux !". (Extrait "d'IRACOUBO. L'Épicentre des Eaux", 2014). " MAIS ALORS, LA GUYANE ? Une infinité que nous imaginons gorgée d'eaux et de bois. Les Guyanais demandent que les Martiniquais et les Guadeloupéens les laissent en paix. Nous avons pas mal colonisé de ce côté. C'est pourtant comme une attache secrète que nous avons avec le Continent. Une attache poétique, d'autant plus chère que nous y renonçons. D'autant plus forte que fort sera le poids des Guyanais dans leur pays. Des chants comme des rapides à remonter, des poèmes comme autant de bois sans fond." ÉDOUARD GLISSANT in LE DISCOURS ANTILLAIS (P 775).

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Alexis Tiouka 09.08.2022


Alors qu’un mouchoir médiatique français était posé sur le Sommet de l’Organisation du Traité de Coopération Amazonienne (OTCA), qui compte huit pays contre la déforestation organisé au Brésil par le président Lula, un second était également posé sur l’annulation de son voyage à Belem. Le président français annonçait tout aussi discrètement qu’il entendait toutefois candidater pour adhérer à ce groupe par le biais de la Guyane. La France étant le seul état détenant une possession de l’Union Européenne sur le Plateau des Guyanes, et de ce fait seul pays à pouvoir solliciter une adhésion, rappelle monsieur Tiouka.

L’avocat international de la cause autochtone guyanaise s’interroge alors sur l’éventualité d’une manœuvre dilatoire de la part du chef de l’état car « imaginons quelques instants qu’il se soit rendu sur place : aurait-il tenu ses promesses de soutien faites au peuples autochtones, dont les droits sont attaqués partout en Amazonie ? Début juin, à la suite d’une rencontre à Paris, le président Macron se déclarait aussi « à l’écoute du Cacique Raoni »…

Le juriste Kalina insiste sur le rôle historiquement primordial des peuples autochtones dans la préservation de la richesse des écosystèmes forestiers pluviaux. Il déplore pourtant qu’aucun traité signé au cours de la décennie, y compris l’accord de Paris sur le climat, n’inclut des mesures concrètes permettant de mettre fin aux violations des droits de ces communautés… Il pointe également l’absence de cette question essentielle qui n’a pas du tout été évoquée dans la feuille de route publiée en juillet et dont la mise en œuvre est censée, selon Macron, définitivement transformer un système économique qui a ravagé la planète…

Poussé par l’urgence de la survie des « nations »  amérindiennes guyanaises dans la férocité du terrain colonial, Alexis Tiouka interpelle le chef de l’état français sur la responsabilité qui est la sienne. À savoir qu’il doit être capable de soutenir leur démarche et de protéger l’environnement de la forêt primaire, autrement dit, de leur équilibre vital. En effet, la dernière version de la directive sur le « devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité » est en passe d’être validée par les dirigeants politiques de l’Union Européenne.

Mais ce texte, qui est censé mettre en sécurité les risques environnementaux liés aux activités des entreprises par des procédures contraignantes, et « combattre les violations des droits de l’homme qu’engendrent leurs activités, a du plomb dans l’aile » s’indigne Monsieur Tiouka. Certes, le texte initial de la Commission Européenne était imparfait, mais celui qui a été modifié par le Conseil de l’UE et par ses états membres a complètement raturé la notion de droit foncier ainsi que la référence à la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples Autochtones adoptée par l’Assemblée Générale du 13 septembre 2007. 
L’expert en droit panaméricain des peuples autochtones s’inquiète que : « si le texte est adopté en l’état, non seulement cela supprimerait les droits des peuples autochtones, mais cela dédouanerait les entreprises dans le cas de préjudices causés aux communautés locales par les sous-traitants »

Après quoi, Monsieur Tiouka en appelle à la puissance politique du dirigeant européen français pour qu’il use de sa considérable influence afin que le texte de la directive européenne retrouve sa rédaction d’origine : énumérer explicitement les droits des peuples autochtones et faites référence aux instruments juridiques internationaux qui protègent ces droits.

Ce faisant, le juriste estime que le président Macron prouverait qu’il tient sa promesse : celle qu’il a faite à ses interlocuteurs autochtones reçus en juillet à l’Élysée. Rappelant qu’il devra aussi « surmonter une sérieuse contradiction : le gouvernement français a toujours refusé la reconnaissance des droits des peuples autochtones sur son propre territoire ». Arguant sur la base d’une interprétation de la Constitution qui s’oppose à tout privilège ou droit spécial pour des catégories distinctes de citoyens français, il ajoute que  « Cette interprétation est anachronique et colonialiste. Elle nie a beaucoup d’entre-nous, autochtones, un aspect fondamental de la Constitution : «  l’égalité de tous les citoyens ». 
Poursuivant qu’il est évident que la Constitution française ne retienne pas non plus que le respect de leurs droits fonciers pré-coloniaux est garant de la protection de l’environnement. À cet égard, Monsieur Tiouka cite à point nommé, le préambule de l’un des quatre textes constitutionnels français ci-après : « Un objectif à poursuivre au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ». Indiquant de plus, qu’une réflexion est à mener sur ce point pour dépasser cette contradiction et que les juristes et experts autochtones guyanais sont prêts à participer à cet effort. 

Enfin, il nous alerte sur les dommages qui seront causés si le président ne pèse pas de tout son poids pour que le texte de la directive adopte définitivement le droit des autochtones. Poursuivant sur la cohérence qui est en jeu, qu’il y aurait, in fine, d’une France qui sollicite ici les pays de l’Alliance pour l’Amazonie. Alliance qui doit décider de la destinée de la plus grande forêt pluviale du monde et de ses peuples, dont les droits sont indispensables à sa survie ?

Nous démontrant encore une contradiction typique de la colonialité du pouvoir :  Comment le président français pourra-t-il se sentir libre de défendre les droits fonciers de nos frères et sœur autochtones des pays amazoniens s’il ne peut imposer les mêmes droits en Guyane ?

Alexis Tiouka conclue sa plaidoirie sur une nouvelle contradiction due aux marges coloniales de la Constitution : «  il semble difficile, voire totalement étrange et irrémédiablement infondé d’affirmer que d’autres pays doivent respecter les droits des peuples autochtones, conformément aux règles internationales, si nous ne le faisons pas nous mêmes. Et si la France veut montrer qu’elle est bien la patrie des droits de l’homme, alors les autres pays de l’UE doivent savoir rapidement que son président est définitivement favorable à une intégration des droits des peuples autochtones dans la directive européenne » 

Défense des droits des peuples autochtones : « le soutien que pourrait apporter le président Macron est important et attendu ». in Le Monde du 18.09.2023

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