Billet de blog 23 décembre 2023

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cathy LIMINANA-DEMBELE

psychosociologue, spécialiste de la colonialité

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Le Siècle de nos Décolonisations: Le Groupe d'Initiative de Baku (2)

Le Groupe d`Initiative de Bakou contre le Colonialisme français réunit des représentants de mouvements anti-colonialistes des DOM et TOM français, dont les statuts masquent les réalités de colonialité qu’ils connaissent. Le 21.11.2023, ils se sont exprimés dans la Conférence du Mouvement des Non Alignés au sujet de la décolonisation de la femme.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Représentants des DOM-TOM

Le 6 juillet 2023, le Mouvement des Pays Non-Alignés dont la République d’Azerbaïdjan assure la présidence a encadré la fondation du Groupe d`Initiative de Bakou contre le Colonialisme français qui s’attache à élargir les perspectives de lutte contre la domination coloniale, ajustées aux principes du droit international, pour les territoires français qui se considèrent pertinemment comme étant toujours colonisés. Toutes les organisations internationales jusqu’à l’ONU sont appelées par ce groupe à se sensibiliser aux intérêts des peuples qui demeurent à ce jour sous une gouvernance coloniale. Nous rappelons ici la pertinence du concept de colonialité précédemment exposé pour mieux saisir ce que gouvernance coloniale veut dire, concernant autant une souveraineté des peuples biffée que les diverses négligences de leurs droits humains fondamentaux.

Le Groupe d`Initiative de Bakou contre le Colonialisme français a réuni des représentants de mouvements anti-colonialistes des territoires toujours maintenus sous domination coloniale, dont pour la France les statuts respectifs de DOM ou de TOM masquent les réalités de l’occupation qu’ils connaissent. Ils se sont entendus pour créer le Groupe d`Initiative de Bakou contre le colonialisme français, qui s’est récemment exprimé lors de leurs interventions respectives du 22 septembre 2023 à l ́occasion de la 78ème session de l’Assemblée Générale de l ́ONU, en assurant leur attachement aux principes fondamentaux du Mouvement des Non-Alignés et de la Charte des Nations Unies comme aux résolutions pertinentes de celle-ci sur la décolonisation jusqu'à l’émancipation totale de tous les peuples sous domination coloniale.

Les 20 et 21 novembre 2023, a suivi la Conférence ministérielle du Mouvement des Non Alignés intitulée Décolonisation des femmes : Autonomisation et développement, ayant associé l’Algérie, Comores, Corse, États-Unis, Éthiopie, France continentale, Guadeloupe, Guyane, Inde, Kenya, Martinique, Nigeria, Nouvelle Calédonie, Ouganda, Polynésie, Russie, Sénégal, Tanzanie, Turquie, Vanuatu, au sein duquel le Groupe d`Initiative de Bakou contre le colonialisme français a pris place 4. Cette thématique concernant la femme place à travers elle la moitié de la population au centre du constat de la colonisation française et interroge subséquemment la colonialité du genre.

Nous résumerons ici les principales déclarations des intervenants des DOM-TOM, de la Corse et de la France continentale. La plupart ont convergé vers un constat de la colonisation toujours actuelle de la femme, qui s’enracine dans l’histoire de l’esclavage français des Noirs et dans l’histoire de la colonisation. Ce constat est également ressorti dans son inéluctabilité en Afrique avec les intervenants africains. Comme l’eut déclaré Claudette Duhamel pour la Martinique, l’abolition de l’esclavage ne concerna que les hommes et ne concerna pas les femmes dont l’excentration des possibilités d’affranchissement se révèle toujours dans ses actualités sociales et politiques. La femme est révélée comme étant encore plus victime des impacts de la colonialité, qui additionne ses impacts à ceux de la colonialité du genre.

Convergences du constat

Nous retrouvons bien les quatre strates de la colonialité dans les convergences du constat, soit la colonialité du pouvoir, du savoir, de l’Être et du genre. De façon transversale à ces strates, la colonialité ressort bien comme étant aussi construite par sa corrélation au capitalisme, tel que nous l’avons vu précédemment dans l’exposé du concept. Pour planter la situation de colonialité qui concerne singulièrement la femme, les interventions ont mis en évidence :

◘ Le pillage des matières premières enrichit la France et appauvrit les DOM ou les TOM sans leur faire profiter d’aucuns bénéfices. Ils sont toujours situés dans un régime de néocolonialisme par lequel la France y puise des gains financiers et stratégiques immenses sans que cette manne ne soit aucunement investie dans leur développement, et cela tout en maintenant leurs populations dans l’inéquité des droits sociaux avec le continent.

Les rapports d’exploitation propres au capitalisme y sont sur-déterminés par les rapports d’exploitation propres à la colonialité, ce que les violences au travail prépondérantes dans les DOM-TOM ne sont pas sans traduire. Ils alourdissent la position subalterne de la femme, l’enferment dans des obligations fort éloignées des accès à son autonomisation, et augmentent la précarité de ses conditions de vie.

◘ Les impacts de l’esclavage et de la colonisation touchent en particulier la femme au niveau de sa centralité dans la cellule familiale. Ces impacts se repèrent d’abord dans la récurrence de la liquidation du modèle familial parental  qui installe comme modèle de fait celui de la famille monoparentale, et dans la perdurance d’une place du père liquidée dans la famille. Ils se produisent comme autant de fixations de l’héritage colonial qui d’une part détruisit la famille en sa qualité de cellule sociale de base, et qui d’autre part déséquilibra les rapports familiaux au fondement du lien social.

À cela, s’annexent les exigences de l’assimilation sociale au modèle français qui entretiennent l’acculturation. La famille en est perturbée dans sa cohésion par la perte des valeurs et du lien propres au modèle de la famille traditionnelle.

◘ Il en résulte une surcharge des contraintes sur la femme à qui il incombe d’assumer la totalité des charges familiales, et qui se voit fixée sur sa fonction économique dans la famille. La femme est si bien assignée de la sorte à la sphère domestique qu’elle est en difficulté de s’investir en dehors de ce dedans qu’est la famille. Étant coupée des autres sphères sociales, elle est distanciée du lien social dans une coupure au monde qui sait favoriser les violences intra-familiales dont elle est pesamment affectée.

◘ L’enracinement historique de la condition de la femme dans les DOM-TOM veut que l’abolition de l’esclavage n’a pas permis l’affranchissement de la femme vu que celle-ci a continué de subir la domination masculine additionnée à la suprématie raciale. Or, la domination masculine n’a pas toujours été un déterminant des cultures africaines d’origine sachant que dans certaines la femme jouissait de droits sociaux. Dans cet enracinement historique, la femme est réduite à son rôle de reproduction dont le principe contrarie l’endossement de toutes autres fonctions sociales. Elle s’en trouve aussi exposée aux pratiques sexistes de tous ordres, qui puisent dans des rapports hiérarchiques anciens.

La femme est particulièrement exclue de toutes les sphères où se jouent les processus de décision, réservés à l’homme. Étant invisibilisée, la femme est emmurée dans la colonialité de genre qui constitue la quatrième strate de la colonialité et qui clôture sa colonisation non seulement par le système mais aussi par l’homme.

◘ Le développement socio-économique dans son ensemble souffre des carences de l’autonomie de la femme en ce que celle-ci peut difficilement investir son potentiel ailleurs que dans la famille et dans ses viatiques de base. Car la promotion sociale de la femme est non seulement empêchée par la domination masculine et le patriarcat, mais aussi par ses charges familiales qui l’accaparent. Les capacités d’agentivité de la femme sont ainsi étouffées alors qu’elle se montre particulièrement douée pour investir ses capacités professionnelles dans le développement social, économique, politique.

De plus, les réseaux de la solidarité qui reposent sur les implications de la femme souffrent des ces carences et ne peuvent donc pas travailler à l’élan social comme ils le pourraient si la femme était en situation d’empuissancement. Encore, la femme qui s’est historiquement montrée au centre des résistances et des luttes coloniales, est toujours retenue dans son rôle de transmission d’une culture de la résilience.

◘ La colonialité de genre qui l’handicape n’ouvre qu’un faible accès à l’emploi, qui redouble d’iniquité avec l’inégalité salariale dont elle est victime. Dans le monde du travail, la femme est surtout cantonnée aux postes de travail subalternes ou mineurs comme encore sa mise sous tutelle masculine est effective. Cette situation la prédispose aux violences au travail comme aux violences sociétales particulièrement nombreuses dans les DOM-TOM.

Nonobstant ce constat, la femme sait aussi s’extraire de la condition dont elle est dotée en misant sur sa professionnalisation. Elle occupe alors des postes sur-gradés hautement qualifiés, contrairement à l’occupation massive des postes sous-gradés. Toutefois, elle est engagée alors à renoncer aux préoccupations spécifiquement féminines.

◘ Les impacts sont majeurs sur l’accès à la santé de la femme, sur l’accès à son éducation et sur l’accès à sa professionnalisation. Ces trois fermetures altèrent ses capacités d’autonomie et de promotion.

La condition de la femme est liées à toutes les causes de la précarité et la situe au centre des situations précaires ; cette extrême fragilité est aux antipodes d’un début d’autonomisation et d’empuissancement.

◘ Les impacts sont encore majeurs sur les enfants chez qui la condition de la femme détermine en partie l’augmentation de la prostitution des jeunes- filles et garçons-, l’augmentation de la délinquance et cela de plus en plus jeunes. La délinquance très majoritairement masculine participe d’autant plus à la domination masculine.

◘ Des fonds spécifiques devraient abonder pour la promotion de la femme. Les demandes de réparations de l’esclavage et de reconnaissance de la colonisation comme crime contre l’humanité vont dans le sens de la création de ces fonds.

Constat détaillé

Kanaky - Nouvelle-Calédonie

Rock Hoacas, Représentant du Parti travailliste de Kanaky

- le rôle des femmes était régie par la coutume ce que la colonisation a banni en produisant l’acculturation des femmes

- la femme a toujours endossé un rôle actif dans les mouvements et actions de lutte

- la colonialité actuelle a transféré sur la femme Kanak toutes les discriminations qu’elle subit en société occidentale : représentations sociales, inégalités dans les prises de décision, emploi, salaire, situations de violence

Marie-Line SAKILA, Vice-Présidente de la Commission du Droit de la famille et de la femme au congrès de Nouvelle-Calédonie

- la femme est menacée par la colonisation qui impose un « modèle de penser et d’organisation très opposé aux principes du modèle de la société kanak » défini notamment par l’Article 60 de la charte du peuple Kanak.

- Plusieurs mouvements de femmes apparentés à la société civile et à l’église, ont fait valoir le rôle des femmes dans la décolonisation à partir des années 1960. Leurs actions furent à visée sanitaire et sociale et ciblaient la « réhabilitation des lieux de vie communs et la lutte contre les fléaux de l’alcoolisme, de la délinquance, du non-emploi ».

- Depuis plus de 50 ans du délitement des unités familiales et tribales, elles agissent pour réhabiliter l’ordre social traditionnel .

- La colonisation ayant miné les repères culturels de la société KanAk, la lutte des femmes en matière de décolonisation se tourne vers des actions de sauvegarde de la langue et de ses pratiques.

- Ce n’est qu’à partir des années 1990 que la formation des femmes à des métiers réservés aux hommes a pu s’entreprendre, notamment dans le domaine des mines, des sciences et de la politique.

- La société kanak se fonde sur la solidarité communautaire pour se décoloniser « face une économie occidentale où s’imposent rentabilité et individualisme »

- Plusieurs mesures ont été prises au niveau législatif par le Congrès, le Gouvernement, la Province et le Conseil économique et sociale pour obliger la société à émanciper la femme, et paraissent comme étant « la démonstration de l’échec du processus de décolonisation objectif de l’accord politique de Nouméa signé en 1998 ».

Gwadloup - Guadeloupe

Ketty Couriol-Lombion – Union des femmes Guadeloupéennes

- La départementalisation de 1946 n’a promulgué qu’un « statut d’assimilation » qui contrevient au droit inaliénable des peuples à l’autodétermination

- les femmes grandissent plus sur un terreau « de la misère et de la violence » dont les effets sont moins imputables au genre masculin qu’à un « système institutionnel inégalitaire » qui produit des permanences des stéréotypes et pratiques sexistes.

- Comme les impacts majeurs de la colonialité diminuent la femme dans le domaine professionnel, la décolonisation doit prioritairement promouvoir la femme dans les secteurs de l’entreprise.

Laurence Maquiaba -Alyans Nasyonal Gwadloup- Alliance Nationale de Guadeloupe

- Les femmes ont endossé un rôle majeur dans les luttes contre l’esclavage, dans l’organisation du marronnage et dans les luttes contre le colonialisme.

- Elles ont ensuite poursuivi leurs implications dans la revendication des droits sociaux, droits à la santé et droits à l’éducation, alors qu’elles sont cantonnées à la sphère domestique. Leur rôle dans le milieu associatif et militant a été une constante . Avec leur accès progressif à l’éducation scolaire et universitaire depuis la mi-XXème, elles se sont continuellement démarquées par leurs qualifications qu’elles ont mis au service des classes populaires pour leur défense comme pour leur émancipation, et encore qu’elles ont utilisé dans l’entreprise et autres structures tournées vers le développement économique.

- Il reste la réalité de la colonialité de la Guadeloupe qui produit une misère dont les femmes sont les premières victimes.

- insertion plus difficile que les hommes sur le marché de l’emploi – En 2019, l’étude Virage de l’INED a mis en évidence qu’une femme sur trois avait connu une forme de violence au travail.

- 60 % des enfants grandissent en famille monoparentale, ce qui explique la plus grande précarité des femmes par rapport aux hommes. Cette précarité qui double le poids de la responsabilité de la famille (femme poto-mitan) empêche leur autonomisation.

Les femmes doivent bénéficier de ressources pour que leur leadership soit valorisé. Les réparations de l’esclavage, indispensables à l’autonomie des DOM, devraient abonder dans le financement de ces ressources.

Maohi Nui - Polynésie

Ella TOKORAGI – Collaboratrice du Parti indépendantiste Tavini Huiraatira de Polynésie française

- Comme aucun processus entre l’État et le territoire n’est arbitré par les Nations Unies , les actions décoloniales s’en trouvent arrêtées.

- L’implantation du CEP - Centre d’Expérimentation du Pacifique en 1964 a provoqué un un exil massif sur les atoll de Moruroa et Fangataufa où l’argent coulait à flot ! Plus de 30 années d’expérimentation nucléaire ont fait et font toujours des polynésiens les « Cobayes de l’Atome. ».

- la Polynésie Française stagne au plus bas du classement universitaire en étant 64 ème sur 68 (Magazine « L’étudiant , en 2022) ; 17 % ne décroche qu’une licence.

- L’éloignement des femmes du système scolaire les pousse à se prostituer de plus en plus tôt pour subvenir aux besoins de leur famille.

- Très grandes inégalités de services publics touchant notamment toutes les structures de la santé, alors que les polynésiens souffrent de fortes atteintes à la santé suite aux 193 tirs nucléaires.

- la discrimination sociale, les responsabilités familiales, le poids des traditions, freinent l’autonomisation de la femme. Il faut promouvoir l’entreprenariat des femmes grâce à des solutions de proximités : promotion d’une école de la seconde chance, soutien des associations, promotion des initiatives économiques, dispositifs d’aides à l’entreprenariat.

- La promotion du rôle de la mère doit aussi se faire et s’accompagner de politiques de soutien familial.

ESTALL Heimata

- La Polynésie française a vu souffrir ses mouvements de résistance anticoloniale comme quand Pouvana’a a Oopa Tetuaapua le leader du Rassemblement Démocratique des Populations Tahitiennes (RDPT), élu député en 1951 et en 1956, fut déchu en 1958 de son mandat de député puis condamné à 8 ans de prison et 15 ans d’interdiction de séjour en Polynésie, au moment où De Gaulle voulait implanter le Centre d’Expérimentation du Pacifique des essais nucléaires au moment où la guerre d’Algérie fait craindre à De Gaulle la perte du terrain saharien.

- En 1962, l’installation du CEP entraîna une crise des productions traditionnelles (phosphate, vanille, Coprah, café vert, nacre) ce qui accrut la dépendance polynésienne à l’égard de la France. Les conséquences sanitaires et écologiques des 193 essais nucléaires jusqu’en 1996 sont désastreuses, entraînant l’effondrement d’atolls et la contamination durable des sols par les déchets radioactifs . Aux milliers d’habitants et travailleurs irradiés pendant les essais, il faut ajouter les déficits de naissance, malformations congénitales et infirmités que subissent toujours les enfants polynésiens. Ce crime contre l’humanité a été porté en août 2016 devant la cour internationale de la Haye, tandis que de 1987 à 1995 furent réprimées des manifestations dénonçant cette situation coloniale.

- Dotée d’un statut d’autonomie interne en 1984, la Polynésie a vu son modèle de société bouleversé par la gigantesque manne financière provenant de France durant la période des essais nucléaires, et s’est accompagné d’un immense bonds immobilier et démographique. La Polynésie détient des ressources économiques de grande importance avec un domaine maritime représentant près de 40% de l’ensemble de la Zone Économique Exclusive française dans le monde, avec des gisements de cobalt, platine et terres rares soit des métaux nécessaires à la production des produits de haute technologie. Elle ne peut donc pas redouter d’accéder à l’indépendance.

- Maohi Nui est réinscrite sur la liste des territoires non autonomes de l’Organisation des Nations Unis depuis le 17 mai 2013, mais l’État français dénie la résolution adoptée par l’Assemblée Générale le 17 mai 2013 qui affirme le droit inaliénable des population à l’autodétermination et à l’indépendance, tel qu’il est consacré au Chapitre X1 de la Chartes des Nations Unis et par sa résolution 1514 (XV). Malgré notre présence à la Quatrième commission de décolonisation à l’ONU depuis 10 ans cette année, nous en sommes toujours à demander la mise en place rapide d’un processus d’autodétermination équitable et effectif, dans le cadre duquel seront arrêtés le calendrier et les modalités de l’adoption d’un acte d’autodétermination.

- La femme est empêchée par « son enfermement dans la sphère domestique, par la confiscation des droits patrimoniaux et civiques, la ségrégation dans l’espace public, la persistance des écarts de salaires, la précarité économique, la difficulté d’accès aux responsabilités professionnelles et politiques, l’invisibilité dans tous les domaines de la société ».

- Les femmes doivent bénéficier d’avantages financiers pour améliorer l’éducation et la santé de leurs enfants, pour améliorer leur propre santé qui conditionne celle de leurs enfants, qui encourage des choix soucieux de l’environnement, qui stimule l’émergence de leurs entreprises. Car « L’autonomisation économique des femmes est un préalable à une croissance économique inclusive et équitable ».

- « Le renforcement des capacités est défini comme un « processus de développement et de renforcement des compétences, des instincts, des capacités, processus et ressources dont les organisations et communautés ont besoin pour survivre, s’adapter et prospérer dans un monde en évolution permanente » ». Il faut « permettre aux femmes de devenir les agents de leur propre valorisation ».

- «Le  renforcement du pouvoir des femmes (...) implique “une modification radicale des processus et des structures qui perpétuent la position subordonnée des femmes dans leur ensemble”». Le renforcement du pouvoir des femmes dépends de plusieurs éléments interdépendants comme la prise de conscience collective qui permet de s’identifier à un groupe et d’agir collectivement, comme le renforcement des capacités et l’amélioration des compétences, comme une participation active dans les processus de décision au niveau du foyer, de la collectivité et de la société, comme l’exercice des responsabilités et la participation des femmes aux structures politiques,.

Guyane

Mouvement de Décolonisation et d’ Émancipation Sociale

- La famille a été brisée dès les commencements de la société esclavagiste, et le pouvoir du maître à faire et défaire les rapports hommes-femmes a été ensuite légalisé par le Code noir. Le maître utilisait la femme comme reproductrice d’autres esclaves et le plus souvent avec des pères différents.

- La Franm Dijok, ou Fanm Poto mitan aux Antilles et en Guyane, est cette figure de la femme qui assume toutes les charges familiales comme elle est une conséquence du système esclavagiste. La femme subit une charge mentale nouée à une obligation morale renforcée par le fait qu’elle doit accepter cette situation.

- La femme d’aujourd’hui élève seule ses enfants et subvient à la famille par son emploi. Le modèle familial est celui de la famille monoparentale.

- Depuis l’abolition de l’esclavage, la pauvreté des colonisés s’est maintenue et la Guyane s’enregistre comme le second département le plus pauvre de France. Depuis la départementalisation, les allocations familiales sont devenues la seule ressource des femmes qui en étant privées d’emplois, font des enfants pour percevoir un revenu. Le taux des grossesses des jeunes filles mineures est le plus élevé de France face à une exclusion économique qui favorise cette option pour trouver un viatique.

- La femme ne peut donc pas s’autonomiser quand elle dépend de l’assistanat. Cet assistanat maintient la tutelle coloniale comme il maintient la précarité. La société guyanaise n’offrent pas de perspectives aux jeunes qui alors, filles ou garçons, se prostituent ou travaillent comme « mule » dans le transport de la drogue.

- La lutte pour la décolonisation n’attire pas les femmes qui vivent des prestations sociales, tandis que la colonisation de la Guyane perdure avec le pillage des ressources minières, forestières et halieutiques.

- « Nous renouvelons à cette occasion notre ferme intention de faire réinscrire notre pays sur la liste des territoire non autonomes de l’ONU ».

France continentale

M’hamed Kaki, Compagnie les Oranges

La colonialité se montre par:

- un accès aux archives de la colonisation de l’Algérie toujours placé sous le secret, ce qui empêche de faire ressortir tout ce qui fut de l’ordre de la violence coloniale.

- le refus de la reconnaissance de la colonisation comme crime contre l’humanité.

(ce qui concerne tous les pays africains qui connurent une nouvelle domination coloniale dès la mi-XIXème au moment où l’abolition de l’esclavage allait se prononcer, concerne encore les quatre « vieilles colonies » Guyane, Guadeloupe, Martinique, Réunion, comme la Polynésie et la Nouvelle Calédonie, qui avant de devenir départements d’Outre-mer en 1946 furent régies par la colonisation et le code de l’indigénat- NDLR)

Jean-Michel Brun, journaliste, écrivain

- Pendant deux siècles, les pays occidentaux ont pillé et colonisé d’autres continents, tout en imposant leur culture érigée en modèle indépassable eu égard la construction de sa supériorité à cet effet.

- Les femmes en gardiennes des traditions furent ciblées par le colonialisme qui s’acharnait à détruire les us et coutumes.

- En 1958 en Algérie, une campagne d’affichage invita les femmes à se dévoiler sous cette légende : « Dévoilez-vous… N’êtes-vous pas plus jolie ?». La femme fut ainsi réduite à n’être qu’objet du désir.

- Alors que les femmes ont combattu le colonialisme par des actes de désobéissance civile, des mouvements de libération ou des formes de résistance culturelle, alors qu’elles se sont ensuite impliquées dans la reconstruction postcoloniale, les actes héroïques féminins disparaissent des récits mémoriaux et invisibilisent les femmes.

- Le néo-colonialisme s’exprime aujourd’hui avec un occident qui pille continûment ses anciennes colonies au prétexte d’une coopération économique.

-L’Azerbaïdjan est un modèle pour l’égalité des sexes, avec le droit de vote accordé aux femmes 14 ans avant la France, comme avec le grand poète philosophe azéri du XIIème siècle Nizami Ganjavi, qui défendit la participation des femmes à toutes les activités sociales et politiques en toute parité. En France à l’époque des Lumières, les femmes étaient non seulement dépourvues de droits mais elles étaient aussi exclues de tous les espaces où le savoir se dispensait.

- La décolonisation passe par la reconnaissance des droits de la femme, par leur participation politique et par les garanties de leur autonomie économique. La décolonisation des savoirs passe par la reconnaissance et l’encouragement des contributions des femmes dans les domaines de la science, de la littérature, de l’art et de la philosophie.

Corsica - Corse

Jean-Guy Talamoni -ancien Président de l’Assemblee de Corse (2015-2021), Avocat, Enseignant-chercheur HDR à l’Université de Corse

- Les déclarations des droits humains de l’époque des Lumières ont produit envers la femme une situation inégalitaire qui ne les a pas extrait du système colonial … ce système fait actuellement « d’une part ressurgir des discours de justification ou de déni, et d’autre part apparaître des exigences de repentance toujours plus pressantes, adressées aux générations actuelles qui ne peuvent se sentir responsables de fautes – fussent-elles singulièrement graves – commises il y a un si grand nombre de décennies ». Nous laissons à Jean-Guy Talamoni la responsabilité de ces propos qui sont opposés aux demandes des réparations de l’esclavage émanant des autres DOM.

- En sus de la révolution industrielle qui motiva le développement des projets coloniaux, les Lumières ont de leur côté dispensé un savoir justificateur du suprémacisme Blanc en érigeant le devoir des races supérieures de civiliser les races inférieures . La construction de l’image du « Maure bourreau » a prévalu dans l’engagement des Corses d

- Non seulement la fabrique du colonisé l’a essentialisé dans sa racialisation après l’avoir représenté selon tous les indicateurs de l’infériorité humaine, mais aussi elle a travaillé à l’intégration par le colonisé de l’idée de sa propre infériorité, et ce jusqu’à « la haine de soi » (Albert Memmi).

- Les figures françaises de l’abolition de l’esclavage sont contradictoires dans cet engagement, et l’on observe notamment leurs discordances chez Victor Schoelcher, ou chez l’Abbé Raynal avec qui Napoléon, connu pour avoir rétabli l’esclavage, entretenait une étroite correspondance. La seconde abolition de l’esclavage est intervenue au moment où se fit la reddition de l’Algérie.

- « (…) le rapport des Corses à la colonisation et leur statut passé – et parfois encore discuté – de « colonisé colonisateur ». Un paradoxe, une contradiction indépassable, si ce n’est dans l’acceptation inéluctable de la complexité propre aux choses humaines ».ans les projets coloniaux français.

- Non seulement la fabrique du colonisé l’a essentialisé dans sa racialisation après l’avoir représenté selon tous les indicateurs de l’infériorité humaine, mais aussi elle a travaillé à l’intégration par le colonisé de l’idée de sa propre infériorité, et ce jusqu’à « la haine de soi » (Albert Memmi).

- Les figures françaises de l’abolition de l’esclavage sont contradictoires dans cet engagement, et l’on observe notamment leurs discordances chez Victor Schoelcher, ou chez l’Abbé Raynal avec qui Napoléon, connu pour avoir rétabli l’esclavage, entretenait une étroite correspondance. La seconde abolition de l’esclavage est intervenue au moment où se fit la reddition de l’Algérie.

- « (…) le rapport des Corses à la colonisation et leur statut passé – et parfois encore discuté – de « colonisé colonisateur ». Un paradoxe, une contradiction indépassable, si ce n’est dans l’acceptation inéluctable de la complexité propre aux choses humaines ».

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