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Billet de blog 14 mai 2011

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Education populaire (science et techniques), luttes diverses et variées (celles ci qui imposent de "commencer à penser contre soi même") et musiques bruitistes de toutes origines

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Eloge de la taupe pour temps obscurs

De deux sortes de taupe :Edwy Plenel dans ce journal a refusé avec dégout le qualificatif de "taupe" qu'on attribuait à de supposés informateurs de Médiapart. La taupe a mauvaise presse et mauvaise littérature

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De deux sortes de taupe :

Edwy Plenel dans ce journal a refusé avec dégout le qualificatif de "taupe" qu'on attribuait à de supposés informateurs de Médiapart. La taupe a mauvaise presse et mauvaise littérature : John Le Carré dans un de ses chefs d'oeuvres ("Spy" en anglais, "La taupe" en version française) conte l'aventure de Georges Smiley à la poursuite de la "taupe" qui infiltre les services secrets. Les ambiances à la James Bond sont remplacé par l'ambiance gris souris propre aux décors kafkaïens, et la "taupe" recherchée est vraiment un salopard... Mais il existe une autre sorte de taupe, celle dont parle Hegel ("bien travaillé, vieille taupe !") et celle que vante Karl Marx " reconnaissons notre vieille amie, notre vieille taupe qui sait si bien travailler sous terre pour apparaître brusquement...". Symbole de résistance obstinée et de surgissement inatendus, la taupe a bénéficié d'un ouvrage séminal de Daniel Bensaïd "Essais de taupologie générale" qui a fixé cette sympathique petite bête dans nos ménageries militantes... Alors, plutot que l'espion sournois, rappelons nous du militant obstiné, de ce "héros du quotidien", mais d'un héros sans décorations ni médailles, sans égo démesuré ni cynisme post moderne....

Résistance tétue de la taupe :

La taupe, nous dit Daniel, est l'image même de la résistance opiniâtre, du refus tétu d'un ordre injuste. Jour aprés jour,creusant ses galleries souterraines,elle effectue le travail de sape de l'ordre inique qui gouverne nos existences et ce de façon d'autant plus efficace qu'elle est invisible. Dans ses syndicats, ses associations, ses collectifs, elle tisse sa toile avec patience, relie entre elles misères et exploitations. Loin des matins glorieux et des levèes au drapeau commémoratives, elle est l'homme (et la femme) des arrières salles désolées, des petits et grands refus. Souvent elle est stigmatisé pour son manque "d'esprit positif" : non, elle ne rentrera jamais dans votre jeu, ne sera ni votre bouffon ni votre complice...

La taupe creuse :

C'est même ce qu'elle fait de mieux. Son obstination. Son obsession. C'est qu'elle a un rêve de soleil dans la tête... Cette lumière qui éclate quand une grève est victorieuse, que des sans papiers pourchassés, transis, désespérés, ont enfin acquis un destin d'humains pourvus de droits, quand on a enfin réussi à passer de la peur qu'on suscite au respect qu'on inspire. Mais avant d'être ébloui par le soleil, il faut se livrer à cete occupation frustrante, longue, périlleuse, pénible. Il faut étayer, sortir les gravats, organiser, coordonner...

La taupe est totalement myope :

Contrairement à tant de voyants, d'oiseaux de proie au regard acéré (et aux serres à jamais insatiables), la taupe est presque aveugle. Et dans ce "presque", se mobilise toute son ambiguité. Elle ne vois certe pas tous les détails ciselés d'une réalité qui se dérobe, mais elle est capable de déterminer (avec beaucoup de flou) des masses indistinctes et pourtant si prégnantes dans notre quotidien qu'on ne les voit plus...

Modestie de la taupe

Que dire de la taupe sinon qu'elle n'aprécie guère les honneurs, qu'elle aime être dans l'ombre, et qu'elle pense "nous" avant de penser au "je". Ce qui en fait une trés mauvaise affaire pour la téléréalité ou les pages "idées" de nos gazettes...

Effondrements et surgissements

Comment savoir si cette activité incessante, ces galleries fruit d'un soin attentif et d'un travail obstiné) va servir à quelque chose. On n'en sait rien, c'est à la fois la grandeur et la faiblesse de la chose. Il faut la patience du maranne pour conserver la foi salvatrice en un futur possible. Mais comme le dit si bien Frederic Jameson : "il est plus impossible d'envisager la fin du capitalisme que la fin de l'univers"

J'ai cru voir de la lumière

Mais le chemin est encore long. Alors, creusons...

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