Ursula von der Leyen ou la renaissance du projet européen ?
Beaucoup s'interrogent sur la personnalité et la politique que mènera la présidente Ursula von der Leyen. On annonce un retard à l'allumage pour l'entrée en fonction de sa commission, après l'envoi dans les choux de la candidature jugée "trop techno" de Sylvie Goulard. Le parlement a refusé son investiture...
L'entrée en fonction de la Commission devrait normalement s'effectuer le 1er novembre 2019 (1). Lors de son intronisation en juillet dernier par le parlement européen, elle nous est apparue comme une femme souriante, d'une grande intelligence, intuitive et avec des nerfs d'acier. Pour la deuxième fois dans notre histoire commune, une personnalité allemande préside la commission européenne. Dans les années 60, le président de la commission, Walter Hallstein(2), un très grand Européen, ami de Jean Monnet, s'était opposé à un nationaliste français de taille... le général de Gaulle. Le président fondateur de la Ve République avait affaibli l'Europe en l'amenant au compromis de Luxembourg (1966), qui a autorisé le vote à l'unanimité. Ouvrant ainsi toute grande la boite de Pandore... À la même époque, prétextant "l'indépendance et la grandeur de la France", "le général" avait renforcé le secteur de l'armement et des marchands de canons qui a pris, année après année, une place prépondérante dans l'industrie française. Et dans nos exportations. Sa grande ambition de redonner à la France "sa place dans le monde" et son "honneur" (mis à mal par la défaite de 40, suivie de la complicité de l'État français avec le IIIe Reich nazi) , a été reprise par tous ses successeurs, au nombre desquels les socialistes Mitterrand et Hollande.
L'objectif initial et fondateur de l'Europe n'est pas de hurler avec les loups et de contribuer aux massacres de populations civiles... mais de participer aux "œuvres de la paix" !
À l'opposé de la conception du général de Gaulle, l'objectif initial (et fondateur) de l'Europe est de participer aux "œuvres de la paix". Non de hurler avec les loups et de faire des Européens des cobelligérants, complices de crimes et de massacres de masse pour lesquels il faudra un jour rendre des comptes. "Les armes fabriquées dans l'Union européenne sont très largement exportées, notamment vers des pays impliqués dans des conflits qui menacent la sécurité de l'Europe. Le Parlement européen appelle les Etats membres à renforcer les règles sur les exportations d'armes." Il s'agit notamment "d'imposer un embargo sur les armes à l'Arabie Saoudite, qui fournit des armes à Al Qaeda, au Front al-Nosra, à l'Etat islamique... Ils ont accès à ces armes et ce sont des groupes terroristes. C'est quelque chose que nous ne pourrons jamais accepter", a déclaré la députée Boldil Valero lors de la séance plénière du 12 septembre." (Sources : Actualités Parlement européen 20/09/2017).
Sylvie Goulard blackboulée : un signal fort du Parlement qui aspire à jouer un rôle plus important
À plus d'un titre, Sylvie Goulard, ancienne ministre des Armées dans le premier gouvernement Édouard Philippe, proposée par Emmanuel Macron pour devenir commissaire européenne au sein de la commission Von der Leyen, était prédisposée pour s'attirer les foudres de la nouvelle assemblée des eurodéputés. Sylvie Goulard était proposée au poste de commissaire au Marché intérieur, de l'industrie, du numérique, de la défense, du spatial... N'en jetez plus ! Les députés ont jugé sa candidature "trop techno". Sylvie Goulard aurait-t-elle fait les frais de la volonté de membres du Parlement de redéfinir la politique européennes sur les armes de guerre, un moteur de l'industrie européenne... pour renouer avec l'objectif fondateur : "contribuer aux œuvres de la paix" ? Et placer sous son contrôle une future et authentique armée européenne, encore à l'état de souhait, rattachée aux institutions politiques de l'UE, avec un budget militaire commun ? Le ministère européen "trop techno" répond à une logique de développement à la française. Cette conception est-elle partagée par tous les Européens ? L'affaire des emplois fictifs d'attachés parlementaires du Modem, toujours ouverte, dans laquelle Sylvie Goulard n'a pas été mise en examen (pas encore ?) serait donc un prétexte, sinon la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. En la sélectionnant parmi les 3 candidats proposés par la France, Ursula von der Leyen aurait donc fait preuve de beaucoup d'habilité... D'où la colère du président français à son égard. De gros intérêts industriels et financiers sont en jeu. En France, le complexe militaro-industriel impulse, voire décide de la politique industrielle de la France. "Investir dans la défense est devenu un axe central de la politique industrielle et technologique française », relève Claude Serfati, économiste, universitaire et chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires)... D’après la ministre Florence Parly, l’armement pèse 13 % des emplois industriels et fait travailler chaque jour 200 000 personnes, de manière directe et indirecte. Outre les grands groupes (Dassault, Safran, Thales…), le secteur revendique4 000 PME sur le territoire.... Pour Yannick Quéau, directeur-adjoint du Grip (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité), à Bruxelles, les chiffres sont surévalués : lui parle plutôt de 120 000 emplois directs et indirects. Loin de gêner Ursula von der Leyen, l'élimination de Sylvie Goulard par le parlement lui laisserait au final, beaucoup plus de liberté. "Macron n'a-t-il pas donner le bâton au parlement pour battre Sylvie Goulard", s'interroge François-Xavier Bellamy, député européen appartenant au parti Les Républicains, membre du PPE . "Commentant l'issue du vote, il a déclaré que "beaucoup de (ses) collègues ont trouvé très surprenant qu'une enquête qui disqualifiait Mme Goulard pour être ministre à Paris, ne la disqualifie pas pour devenir commissaire à Bruxelles'". (Pour BFMTV, propos relevé sur une dépêche de l'AFP par Clarisse Martin) Les initiatives d'Emmanuel Macron ne sont pas en odeur de sainteté auprès de nos partenaires allemands ; ils se moquent de lui et souvent le tournent en ridicule.
Toute décision positive prise par une Europe qui ferait de nouveau sienne la déclaration Schuman du 9 mai 1950, aura des répercutions sur les ventes de tous les marchands d'armes européens.
Aujourd'hui les Allemands contournent l'interdiction prise par le gouvernement Merkel d'exporter vers des pays en guerre grâce à leurs filiales, notamment italiennes. Les Français ont vendu des armes á l'Arabie Saoudite, le bourreau du Yemen, grâce à un tour de passe-passe avec le Liban.
De fait, les Européens sont engagés dans une lutte d'hégémonie entre l'Iran et l'Arabie Saoudite, dans tout le Moyen Orient et au-delà...
Manifestement le traité de Lisbonne n'est pas adapté pour résoudre ce genre de problème ! L'ancienne ministre de la Défense de l'Allemagne (Ursula von der Layen a été nommée en 2013 et reconduite en 2018 à ce poste avant de prendre récemment la tête de la Commission ) n'a sans doute pas oublié cet aspect de la question quand son pays en 2018 a suspendu ses ventes d'armes à l'Arabie Saoudite (3). Faute d'un accord entre tous les États de l'Union, les marchands d'armes traitent l'Europe comme une passoire. "Suspendre" ne suffit pas ! Il faut revoir toute notre politique en matière de ventes d'armes... une politique très sensible, pas seulement à cause de nos systèmes d'alliances. Les ventes d'armes occupent une place très importante dans les exportations.
"Un dollar investi dans le militaire crée moins d’emplois qu’un dollar dans l’éducation, la santé ou l’environnement"
Selon l'économiste Claude Serfati, « deux économistes américains ont montré dans une étude qu’un dollar investi dans le militaire crée moins d’emplois qu’un dollar dans l’éducation, la santé ou l’environnement ». Propos relevés par Marie Dancer (journal La Croix - 10/07/2019). Il serait grand temps de "contribuer au développement du continent africain", comme le souhaitaient le président Hallstein et les "pères fondateurs" de l'Europe. Si cette voie avait été suivie dans les années 60, on ne serait pas submergé aujourd'hui par des problèmes posés par des guerres et des migrations massives... pour le moins ! Autre donnée à prendre en compte : depuis l'élection de Donald Trump, les Européens doutent de la pérennité de l'engagement américain au sein de l'organisation. Le temps n'est-il pas venu de s'émanciper de l'Otan ? De développer une structure de sécurité collective autonome et plus indépendante des États-Unis ? Avec Ursula von der Leyen, comme présidente de la commission, tenons-nous une digne héritière de la politique du président Walter Hallstein ? Beaucoup s'interrogent. Beaucoup l'espèrent.
(1) Report possible en décembre pour lui laisser du temps de constituer son équipe (2) Président de la commission européenne de 1958 à 1967. (3) "Vingt jours après la disparition du journaliste Jamal Khashoggi, plus question de vendre des armes, des radars, ou le moindre équipement militaire à l'Arabie saoudite. C'est la décision de l'Allemagne, premier pays à prendre une telle sanction. Berlin pourrait même suspendre des contrats déjà signés. Ils suivront le même sort que celui relatif à des camions de reconnaissance pour l'artillerie à deux doigts d'être livrés à Riyad. Depuis le début de l'année, l'Allemagne avait autorisé 416 millions d'euros d'exportation d'armes à l'Arabie saoudite." (France Info : Arabie saoudite : l'Allemagne suspend ses ventes d'armes)
Vidéo : "Les députés européens sensibilisent le public aux exportations d'armes provenant de l'UE" -
Et si la gauche devenait la première force d’opposition au Palais-Bourbon en juin prochain ? Un scénario plausible qui pourrait, dans une certaine mesure, transformer le paysage politique, explique Olivier Rozenberg, spécialiste de la vie parlementaire.
Alors que le spectre d’un conflit long se précise, faut-il continuer, et jusqu’à quand, à livrer des armes à Kyiv ? Est-il encore possible de ménager une « porte de sortie » à Vladimir Poutine pour faciliter de futures négociations de paix ? Aux États-Unis comme en Europe, des dissensions commencent à affleurer sur ces sujets clés.
Les enfants représentent, avec les femmes, la majeure partie des déplacés internes et des réfugiés ukrainiens. Dans l’ouest de l’Ukraine, des orphelins de la guerre et des enfants placés tentent de se reconstruire une vie, loin de leur maison et de leurs habitudes.
Contrairement à 2017, où la plupart des candidats macronistes avaient accolé la photo du président de la République à côté de la leur, nombre d’entre eux ont décidé cette année de mener campagne sur leur propre nom. Face à la gauche et à l’extrême droite, certains veulent éviter d’agiter « le chiffon rouge ».
Nous sommes un collectif d'une petite dizaine de personnes, qui avons décidé, à la fin de nos études en politiques locales, de prendre à bras le corps les questions climatiques, énergétiques, sociales de demain, pour y trouver des réponses radicales. Voilà l'histoire de notre parcours, depuis notre rencontre en 2018, sur les bancs de l'université.
À la suite du retentissant appel des jeunes diplômés d’AgroParisTech à déserter les postes dans l’agro-industrie, nous avons recueilli de nombreux témoignages d’anciens étudiants « en agro » devenus paysans, chercheurs, formateurs, etc. Ils racontent leur parcours, les embûches et leur espoir de changer le système. Bifurquer, c’est possible. Mais il faut s’organiser !
Je suis diplômée ingénieure agronome depuis décembre 2019. On m'a envoyé mille fois la vidéo du discours des diplômés d’AgroParisTech qui appellent à bifurquer et refusent de travailler pour l’agro-industrie. Fantastique, et maintenant ? Deux ans après le diplôme, je me permets d'emprunter à Benoîte Groulte pour répondre : ça dure toute la vie, une bifurcation. C'est tout le temps à refaire.
La prise de parole des étudiant·es de Agro Paris Tech a été l’occasion pour la presse de remettre en avant l’hypothèse d’une sécession de l’élite scolaire face à la crise écologique. Qu’en disent les sciences sociales ?