Malika, Saïd, Saïdi et les autres membres du collectif "Hirak 42" (42, comme le numéro du département : la Loire) sont présents ce dimanche 12 juillet 2020, place du Peuple à "Sainté", comme tous les dimanches depuis des mois. "En soutien à la Révolution algérienne du 22 février* affirme sans ambages Saïdi Khellaf.
Comme tous les autres membres du collectif, "il milite en faveur du changement de système politique... Pour la libération du peuple algérien... Pour de véritables institutions... légitimes, choisies par le peuple".
Le Hirak (le "Mouvement" en arabe) se définit comme pacifique et favorable à des négociations. C'est "la révolution du sourire", pour reprendre l'expression du blogueur militant aux vidéos très populaires, Wafi Tigrine. Une révolution pacifique qui veut en finir "avec l'oppression... militaire, religieuse ou autre". Une révolution qui recherche l'établissement d'un consensus par "le dialogue, la négociation, pour évoluer vers une Algérie nouvelle, qui accorde la prépondérance aux droits humains, à la séparation des pouvoirs, à l'État de droit".
Vers une nouvelle République algérienne ?
À Sainté, Saïdi Khellaf s'affirme partisan d'une "nouvelle Algérie".
La "transition" souhaitée par le Hirak est "une phase de négociations avec les responsables de l'État algérien". Elle permettrait de "définir de manière consensuelle des institutions dignes d'un État de droit avec, notamment, une justice indépendante... Et la rédaction d'un projet de constitution qui serait soumis par référendum au peuple algérien."
Saïdi Khellaf met en opposition "la décision sage du peuple algérien de stopper les marches de protestation en cette période de pandémie" et "l'acharnement du pouvoir à arrêter et jeter en prison les gens du Hirak".
Des prisonniers politiques... depuis plus de 25 ans dans les prisons algériennes !
Bien sûr, "il se réjouit de la récente remise en liberté de détenus du Mouvement du 22 février, mais il en reste encore dans les prisons à croupir avec les opposants des années 90... des prisonniers politiques depuis plus de 25 ans !
Le Hirak exige la libération de tous les prisonniers politiques et réclame une constitution démocratique pour le peuple algérien".
Saïdi Khellaf dit s'être rendu à Strasbourg en 2019 avec beaucoup d'autres membres du Hirak. Ils ont manifesté devant le Parlement Européen. Sur le moment, "beaucoup ont été déçu par l'absence d'écho, tant de la part des journalistes que des élus. Personne ne semblait s'intéresser à notre mouvement dans la capitale alsacienne."
Le Parlement Européen (PE), qui rassemble les représentants élus d'un demi milliard de citoyens, n'est pourtant pas resté insensible au combat mené par le Hirak pour la libération des prisonniers politiques.
Fin 2019, à la veille des élections présidentielles algériennes, par un vote à main levée, les députés du PE ont " condamné vivement l'arrestation arbitraire et illégale, la détention, les intimidations et les attaques de journalistes, de syndicalistes, d'avocats, d'étudiants, de défenseurs des droits de l'homme et de la société civile ainsi que de tous les manifestants pacifiques qui participent aux manifestations pacifiques du Hirak " [2019/2927(RSP)].
En réponse, l'Assemblée populaire nationale de la République Algérienne a "déploré " la résolution du Parlement européen sur la situation des libertés en Algérie. Elle constitue selon elle, une " ingérence flagrante dans les affaires intérieures " et une " provocation du peuple algérien ".
Le chef de l'État par intérim a fait chorus.
Après l'élection présidentielle, changement de ton. Le nouveau président, Abdelmadjid Tebboune a tendu la main à le Hirak pour, dit-il, "fonder une nouvelle République" . En signe de bonne volonté, 15 jours après son arrivée au pouvoir, il a fait libérer 76 détenus d’opinion** (certains arrêtés au printemps pour avoir défilé avec un drapeau amazigh - Lien : journal Libération). C’était une revendication majeure du mouvement populaire algérien qui entrait alors dans son onzième mois de mobilisation.
Dimanche 12 juillet, le collectif Hirak 42 s'est réjoui, place du Peuple à Saint-Étienne, d'une nouvelle décision de justice libérant la veille de l'indépendance algérienne (5 juillet) : Karim Tabbou, Amira Bouraoui - ex-animatrice du mouvement Barakat (" ça suffit ! "), Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, figures de la contestation. Arrêté le 7 mars, le journaliste Khaled Drareni reste encore en détention.
Ainsi, pour la première fois, des militants du Hirak sont sortis de prison. Un signal encourageant mais pas encore suffisant à écouter les réactions de membres du collectif qui se méfient toujours du régime (vidéos sur Youtube).
On peut retrouver sur Youtube les messages poignants de proches (souvent des mères) de détenus d'opinion en Algérie***.
"Liberté - Transparence - Démocratie"
À Sainté, le Hirak se présente comme un mouvement révolutionnaire, pacifique, qui recherche le changement en accordant ses violons avec le pouvoir. Il transcende toutes les générations. Son but : construire une Algérie affranchie de toute oppression, notamment militaire et religieuse. "Pas de religion d'État ! Chacun doit être libre de croire ou de ne pas croire".
Le Hirak veut édifier par le dialogue une Algérie libre, transparente et démocratique. Et laïque.
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* Le 29 février 2019, le peuple algérien s'est soulevé massivement contre ses dirigeants.
Lien Franceinfo : Afrique/Algérie : "22 février 2019 : il y a six mois, l’Algérie se soulevait contre ses dirigeants."
** Ils restent sous le coup d’une procédure judiciaire et leur droit à manifester est limité.
*** Messages des familles de détenus d'opinion en Algérie
Numéro Zéro - Actualité et mémoire des luttes à Saint-Étienne et ailleurs
Journal Le Monde (26 juin 2020) : "En Algérie, la répression « implacable » du Hirak entrave la réforme constitutionnelle, selon Amnesty"