Billet de blog 11 décembre 2012

Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

Abonné·e de Mediapart

L'IRSN répond aux Enfants de Tchernobyl

Interpellé par le président de l'association Les enfants de Tchernobyl, dans une lettre reproduite dans cette édition, le directeur de l'Institut de la radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN), Jacques Repussard, répond aux questions concenant le programme «Evaluation des pathologies induites par le césium» (Epice), mené actuellement par l'institut en Russie.

Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Interpellé par le président de l'association Les enfants de Tchernobyl, dans une lettre reproduite dans cette édition, le directeur de l'Institut de la radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN), Jacques Repussard, répond aux questions concenant le programme «Evaluation des pathologies induites par le césium» (Epice), mené actuellement par l'institut en Russie.


Monsieur Thierry Meyer, président de l'association Les enfants de Tchernobyl,

Vous m’interrogez au sujet du programme Evaluation des pathologies induites par le césium (Epice) que l'IRSN conduit depuis plusieurs années, dans l’oblast de Bryansk (Russie), en partenariat avec les équipes médicales du centre de diagnostic clinique et biologique de Bryansk. Avant de répondre à vos questions (...), permettez-moi de vous rappeler en quelques lignes le contexte et les objectifs de ce programme de recherche.

Le programme Epice a pour principal objectif d'évaluer, en collectant de nouvelles données de terrain, dans quelle mesure la fréquence de pathologies non cancéreuses (en particulier les arythmies cardiaques) observées chez les enfants vivant dans le sud-­ouest de la Russie présente un lien avec le niveau de contamination interne par du césium 137 constaté chez cette population, du fait des retombées de l’accident de Tchernobyl pouvant notamment entraîner la contamination de certains aliments.

Cette étude porte sur 18 000 enfants de l’oblast de Bryansk (9 000 vivant sur des territoires contaminés, 9 000 vivant sur des territoires non contaminés) et se déroule jusqu’à la fin du mois de mai 2013. Les 18 000 enfants concernés par ce programme bénéficient à titre systématique d’un électrocardiogramme, d’une échographie cardiaque et d’une mesure de leur concentration corporelle en césium 137. De plus, un enregistrement sur vingt-quatre heures des paramètres électriques du cœur ainsi qu’un dosage de certains paramètres biologiques sont réalisés sur une partie d’entre eux. La taille importante de cette cohorte d’enfants, le soin apporté à une définition partagée et très détaillée des protocoles d’analyse par les équipes scientifiques russes et françaises, et la qualité de la collaboration scientifique entre les chercheurs de l'IRSN et leurs collègues chercheurs et médecins russes font que le programme Epice constitue aujourd’hui une opportunité remarquable de progresser sur cette question importante.

Vous trouverez ci-dessous les réponses à chacune de vos questions, dont je reprends préalablement pour plus de clarté les termes dans lesquels elles sont formulées dans votre courrier du 2 novembre 2012.

« Le maire de Novozybkov et le directeur de l'hôpital de Novozybkov m’ont affirmé lors de nos récentes rencontres en Russie ne pas être informés des résultats du programme Epice des Français de l'lRSN dans leur ville. Comment expliquez-vous cela? »

Le programme Epice s’inscrit dans le cadre d’un accord de collaboration conclu entre l'IRSN et le centre de diagnostic clinique et biologique de la ville de Bryansk. Comme je vous l’indiquais dans mon courrier du 15 septembre 2008, la mise en œuvre des campagnes de mesures dans les hôpitaux locaux a fait l’objet d’un examen préalable et d’un accord des services de santé publique de l’oblast de Bryansk, dont dépend entre autres l’hôpital de Novozybkov. Par ailleurs, lors de ses déplacements en Russie pour la supervision du projet, le responsable du programme Epice pour l’IRSN, le docteur Jean-René Jourdain, a eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises le directeur de l’hôpital de Novozybkov et d’évoquer avec lui ce programme scientifique.  L’IRSN n’a à cet égard pas de raison de douter de l’adhésion de ce responsable aux objectifs du programme Epice.

S’agissant du maire de Novozybkov, comme des autres maires des localités concernées par le projet, l'IRSN n’a pas eu à entretenir de rapports directs avec eux compte tenu de l’organisation mise en place par les partenaires russes de l’Institut. Cependant, les élus locaux disposent bien évidemment de la possibilité de s’adresser directement à l'IRSN s’ils souhaitent disposer de renseignements complémentaires sur le programme Epice.

S’agissant de la communication des résultats lorsqu’ils seront disponibles, elle sera assurée d’une part par des publications scientifiques, d’autre part par des présentations aux familles et aux responsables locaux, y compris naturellement le maire et le directeur de l'hôpital de Novozybkov.

Cependant, le projet en est encore à la collecte des informations décrites plus haut dans ce courrier, qui se poursuivra jusqu’à la fin du mois de mai 2013 pour ce qui concerne la phase «Arythmies cardiaques» du programme. Une période de plusieurs mois sera encore nécessaire pour analyser finement l’ensemble de ces informations et tirer les premiers enseignements et conclusions du programme Epice. Les résultats communicables ne seront donc pas disponibles avant le début de l’année 2014.

« Serait-il envisageable que vous nous transmettiez l'identité des enfants de Novozybkov faisant partie intégrante de votre étude? »

La participation au programme Epice repose sur un recueil préalable du consentement éclairé des enfants et de leurs parents à qui ont été clairement expliqués le contexte et les enjeux de l’étude. Par ailleurs, le programme Epice a été présenté et a reçu l’approbation du comité d’éthique de l’oblast de Bryansk avant son démarrage.

Dans le cadre de cette étude, sont recueillies des informations à caractère médical individuel et strictement confidentiel. Aussi, afin de respecter la règle du secret médical, et de préserver l’anonymat des personnes concernées, vous comprendrez aisément qu’il n’est absolument pas envisageable que vous soit transmise l’identité des enfants de Novozybkov qui participent à cette étude, comme je vous l’avais d’ailleurs déjà indiqué dans mon courrier du 15 septembre 2008.

« Le maire de Novozybkov et le Directeur de l’hôpital de Novozybkov paraissent surpris de constater que l’IRSN ne semblerait pas intégrer les très nombreuses publications scientifiques diffusées depuis vingt-six années en langue russe dans le programme Epice. Est-il possible de confirmer ou d’infirmer la prise en compte dans le projet Epice des publications existantes en langue russe dans la thématique en question? »

Comme je vous l’indiquais dans mon courrier du 15 septembre 2008 en réponse à votre lettre du 4 août 2008, comme pour tout projet de recherche lancé à l’IRSN, la conception du programme Epice a été éclairée par une analyse détaillée de la littérature existante, y compris celle publiée en langue russe. Cette analyse avait confirmé le besoin d’une étude de plus grande ampleur que celles menées jusque là dans l’oblast de Bryansk, bénéficiant de protocoles très complets et détaillés de manière à réduire autant que possible les incertitudes d’interprétation des résultats.

Comme il est d’usage dans la communauté scientifique, les résultats découlant du programme Epice pourront naturellement faire l’objet d’une discussion scientifique au regard d’autres résultats publiés par le passé.

« Serait­-il possible que vous nous transmettiez les rapports partiels ou intermédiaires et les conclusions entérinées au stade actuel du projet Epice? »

Comme je vous l’indiquais dans mon courrier du 15 septembre 2008, tous les documents de travail intermédiaires du programme Epice n’ont pas vocation à être rendus publics. Comme indiqué plus haut, les conclusions du projet Epice ne seront élaborées qu’une fois terminée l’analyse de l’ensemble des informations recueillies dans le cadre de ce programme, soit pas avant l’année 2014. Les rapports d’avancement rédigés depuis le démarrage du projet ne permettent pas d’anticiper les conclusions définitives. Ces rapports seront cependant versés au rapport final qui sera communiqué le moment venu.

« Suite à un échange de correspondances, vous m'aviez transmis une analyse des premiers résultats du dit programme synthétisés dans la thèse présentée et soutenue publiquement par Madame Géraldine Landon le 9 juillet 2008 dont l'intitulé est «Pathologies non cancéreuses potentiellement consécutives à une contamination interne chronique par le césium: cataractes et arythmies cardiaques». Au niveau des programmes de recherche, existe-t-il actuellement des thèses ou post­docs menés spécifiquement dans le cadre d’Epice comme c'est le cas pour le programme plus large Envirhom, et si oui lesquels et par qui? »

Il n’y a ce jour pas de doctorants ou post-­doctorants à l'IRSN dont les travaux s’inscrivent dans le cadre du programme Epice qui est porté par des chercheurs statutaires de l’Institut.


« Sauf erreur de ma part, pour l'lRSN, le projet Epice est intégré au niveau budgétaire dans la "sous-action recherche et missions de service public". Pourriez-vous nous communiquer le détail du budget (actuel ou prévisionnel) du projet Epice, en particulier les lignes comptables relatives à la présence de l'organisme de radioprotection français à Novozybkov? »

Comme je vous l’indiquais dans mon courrier du 15 septembre 2008, le programme Epice est effectivement un des programmes de recherche financés sur les fonds propres de l’lRSN. Je vous précisais également qu’il n’y a pas de «lignes comptables» relatives à la présence de l’IRSN à Novozybkov en particulier, car l'IRSN n'entretient pas de présence permanente en Russie pour ce programme, dont le budget annuel est de 235 000 euros.

Souhaitant avoir répondu à vos questions, je vous prie, Monsieur le président, d’agréer l’expression de mes salutations distinguées.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.