
C’est en grappillant les centimes jetés par la vie
que la mère suit son chemin
Les autres restent étrangers à sa muette déroute
Ils la saluent Elle sourit
Alors qu’à sa table seule une assiette est vide
Elle calcule le peu de lait qui permettra de tenir
De retour du travail les poches fendues d’espérance
Une honte lui monte au cœur
Elle détourne les yeux devant ses enfants
Elle regarde son porte-monnaie
Peu à peu elle arrache le peu de dignité qui lui reste
Dix, vingt, cinquante – un litre de lait
Dix, vingt, quarante – une demi-baguette de pain
Le vendeur la regarde
Les yeux de la femme prennent une couleur de verre
(Je regrette
C’est tout ce que j’ai)
Les yeux étrangers tombent sur elle
En l’examinant
Elle soutient le regard
Le vendeur sourit
Ça me manquait pour donner la monnaie !
Le porte-monnaie est resté vide
Sur la table un verre de lait et une bouchée de pain
On peut montrer de la dignité
La mère se mord les lèvres
Elle retient sa peine
Elle sourit et bénit les centimes que la vie laisse traîner.
Marlene Feeley traduite par Stéphanie-Alice Sepstchatski
Perséphone captive d’Hadès, FEUX, 2015
ABC’éditions Ah Bienvenus Clandestins !
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