Bien, c'est gagné et c'est déjà pas mal car il était temps de rompre le maléfice que nous avaient jeté les Irlandais il y a de ça 4 ans et demi et qui nous empêchait de les battre.
Mais rentrons tout de suite dans le vif du sujet.
J'avais indiqué la composition du XV dans mon dernier commentaire sur cet article d'édition et on peut y voir que Novès avait choisi de remplacer Ben Arous et Slimani en 1ère ligne par Poirot et Atonio afin d'alourdir son paquet d'avant ainsi que je jeune Jedrasiak par Flanquart en 2ème ligne afin de grandir également son alignement pour contrer le Géant Vert Irlandais Toner.
De même Flanquart est le prototype du 2ème ligne moderne, grand mais très mobile et rude combattant.
On aurait pu penser qu'alourdir le paquet d'avants allait rendre notre mêlée plus performante face à la mêlée irlandaise or ce ne fut pas vraiment le cas, du moins pas avant les rentrées de Ben Arous et Slimani en remplacement de Poirot et Atonio car la mêlée irlandaise nous causa de gros problèmes en 1ère période.
Et ce qu'il y a de marrant, c'est que ce fut le contraire face à l'Italie la semaine dernière, ntre mêlée ayant plutôt été dominée avant les rentres de Poirot et Atonio...
Etonnant non ?
En fait pas tant que ça, parce que maintenant, sans 4 piliers et 2 talonneurs de même niveau, vous ne passez plus la rampe au niveau international et Novès avait très bien vu que Healy et Ross, les piliers habituels du XV du Trèfle étaient absents donc il s'est dit avec justesse que leurs 2 remplaçants habituels seraient au niveau mais que les 2 remplaçants appelés afin de pallier les absences risquaient de souffrir un chouïa quand viendrait l'heure de jeu au moment des remplacements habituels en 1ère ligne (l'Ecosse en a aussi fait les frais le week-end dernier et hier également).
De plus nos 4 piliers ont des gabarits totalement différents, grands et massifs pour Poirot et Atonio, ce qui ne les empêche pas de se déplacer énormément pour des gabarits pareils, et petits et rablés pour Ben Arous et Slimani, surtout ce dernier qui est le même type de cube que Lee et Dell, ses homologues Gallois et Ecossais.
Jusqu'à environ la soixantière minute du match, les piliers irlandais ont donc pris la mesure de nos 2 gaillards de Poirot et Atonio et ont adapté leur stratégie de poussée en mêlée à l'imposant gabarit de leurs adversaires.
Et tout à coup, voilà que les 2 géants quittent le terrain et sont remplaçés par 2 cubes avec des segments et des appuis très courts et des torses longs.
2 morphotypes très différents, de type longiligne pour Poirot et Atonio (le gabarit n'a rien à voir, c'est la longueur des membres et du torse qui détermine le morphotype) et bréviligne pour Ben Arous et Slimani.
Je ne vous explique pas le choc mais j'ai vécu ça quand je jouais pilier et je peux vous dire que, lorsqu'il m'arrivait ce genre de mauvaise surprise sur le terrain, ça ne se passait pas sans mal surtout que je préférais me payer des géants massifs que des rablés qui ne ressemblaient à rien mais face auxquels j'en chiais comme un Russe.
Dès que j'en voyais arriver un, je savais que mes ennuis allaient commencer surtout quand je jouais à droite de la mêlée mais bon, souvenirs, souvenirs...
Et là, nos 2 piliers irlandais, ils ne s'en sont pas remis et les pénalités ont commençé à pleuvoir contre eux alors qu'elles tombaient plutôt contre nous avant.
J'estime d'ailleurs que l'arbitre a bien arbitré la mêlée puisqu'il a bien vu quelle mêlée dominait l'autre au cours du match et a arbitré en fonction des dominations successives des 2 équipes sans jamais rester sur sa première impression, contrairement à d'autres arbitres (M. Owens ?) qui restent sur leur première impression et arbitrent toujours en faveur de la même équipe (de préférence anglo-saxonne), que cette dernière domine ou parte sur le cul mais bon, c'est un autre débat et là chapeau à M. Peyper arbitre Sud Africain de ce match, ceci expliquant alors cela car les Sud Africains ont également une vraie culture de la mêlée, rendez-vous des hommes forts qu'ils affectionnent particulièrement.
Alors on pourrait se dire que Ben Arous et Slimani sont meilleurs que Poirot et Atonio mais ça serait faire une erreur car, pour le prochain match, il faudra encore adapter notre stratégie à l'adversaire gallois et c'est ce que Novès et son staff s'efforceront de faire.
Quoiqu'il en soit, j'en reviens au match d'hier et à cette première mi-temps très difficile où nous n'avons pratiquement jamais quitté notre camp car nous étions dominés dans tous les compartiments du jeu et notamment en conquête directe.
Les Irlandais nous imposaient dès lors de très longues séquences de rentre-dedans et un modèle de jeu en alternance grâce à leur talentueuse paire de demis Murray et Sexton qui géraient le jeu avec tout le talent qu'on leur connait.
Les vagues irlandaises se succédaient et dès qu'il y avait un peu de mou, pan, Murray ou Sexton variait soit par du jeu au pied long d'occupation soit par du jeu au pied court de récupération avec Kearney "le maître des airs", jeu au pied qui nous maintenait dans notre camp et sous pression sans discontinuer.
Sous une telle pression, je me disais que l'édifice en phase de construction de Novès risquait fort de craquer surtout que la défense n'avait pas été son fort lors du dernier match contre l'Italie et cela même si je me doutais bien (voir mon article précédent) que ce secteur avait dû être fortement travaillé à l'entraînement durant toute cette semaine.
Je m'inquiétais donc mais j'avais tort car les Français ont défendu comme des morts de faim, découpant à la tronçonneuse tout ce qui passait à portée, notamment sous l'impulsion de leur capitaine Guirado qui me rappelle de plus en plus Dintrans et c'est un compliment.
Parce que Guirado, excusez du peu, mais il a fait mal à tous ceux qu'il a plaqué, une vraie guillotine volante, découpant les Irlandais les uns après les autres, séchant Sexton, leur maître à jouer qu'on sait fragile et dont on commence d'ailleurs à s'inquiéter pour la santé tant il est sujet aux commotions cérébrales et le reste de l'équipe se mettait également au diapason notamment les 3èmes lignes Camara et notamment Lauret qui en plus, arrivait à mettre ses mains et sa tête ou d'autres ne mettrait pas un pied.
Bref, c'était grosse défense à tous les étages et je notais que les Irlandais commençaient à souffrir du défi physique notamment le terrible 3ème ligne O'Brien obligé de quitter le terrain avec le genou dans la boite à gants, sans parler de Sexton sonné où encore de Mac Carthy avec l'arcade sourcillière ouverte.
Là, les Bleus, ils s'y sont filés sans rechigner ce qui fait que les Irlandais menaient à la mi-temps, certes mais seulement sur le score de 9 à 3, ce qui n'est pas vraiment cher payé pour une telle domination et je dirais même mieux, sur un de rares ballons de contre, si Médard n'avait pas fait son pêché de gourmandise habituel à ce moment là en gardant le ballon et en se faisant coincer au milieu du terrain plutôt que de le passer à ses partenaires sur sa gauche où Vakatawa agitait désepérément les bras car il avait un boulevard devant lui, ça aurait bien pu faire essai mais bon, Médard, c'est Médard et c'est pas à son age qu'on le changera quoique Novès a dû lui en toucher 2 mots parce que les coffres à ballons, Novès, il aime pas trop, surtout à ce niveau...
Donc, la domination irlandaise de la 1ère mi-temps s'est vu récompensée par 3 pénalités concédées par notre défense, ce qui est peu lorsqu'on est dominés de la sorte, pénalités bien entendu converties en points par le métronome Sexton.
A noter que les Irlandais se sont quand même vu beaux en début de match lorsqu'ils ont négligé de tenter une pénalité largement dans les cordes de Sexton et préféré taper en touche afin d'essayer de marquer un essai sur pénaltouche...
Raté et à la sortie, vu qu'ils n'ont été battu que d'un point même si les Français n'ont pas tenté la dernière pénalité accordé au coup de sifflet final, je crois que leur entraîneur, Schmidt, n'a pas dû vraiment apprécier la plaisanterie surtout que les Néo-Zélandais (Schmidt l'est) n'aiment pas qu'on fasse injure au jeu en refusant d'essayer de prendre des points tout à fait tentables mais bon, c'est leurs oignons...
Du coup, je n'étais pas si soucieux que ça à la mi-temps car les Irlandais commençaient à montrer quelques petits signes de fatigue, le déroulement du match semblait confirmer la stratégie que je subodorais mise en place par Novès et son staff et ça allait se confirmer dès l'entame de la 2nde période.
Nous étions encore dominés, certes, mais les Irlandais souffraient de plus en plus et commençaient à subir dès que nous arrivions à mettre la main sur le ballon car on voyait alors la stratégie d'animation offensive déjà mise en place contre l'Italie se remettre en place avec ces groupes de 3 joueurs alternant pénétration et contournement.
Et c'est là qu'Atonio et dans une moindre mesure Poirot exprimaient toute leur puissance et leur efficacite car quand des monstres de ce gabarit soutenus par 2 coéquipiers percutent la ligne de défense et notamment les arrières, ça fait mal et les Irlandais ayant beau être des courageux et des rudes plaqueurs, chaque impact finit quand même par les éprouver physiquement ce qui fait, qu'imperceptiblement, ils ont commençé par perdre quelques centimètres et comme on sait, en rugby, le terrain, il ne faut pas le perdre mais le gagner.
De même, Vakatawa, suite à des consignes stratégiques, est sorti de son rôle habituel d'ailier pour venir s'employer aux 4 coins du terrain et notamment là où on n'a pas l'habitude d'attendre un ailier, c'est à dire au soutien de ses avants à relever des ballons de rucks et à jouer au ras, mobilisant ainsi les défenseurs proches par la qualité de ses appuis et sa puissance physique, ce qui a permis de jouer en avançant sur des ballons propres.
Du coup, en ce début de 2nde mi-temps, les Irlandais dominent encore mais bien moins nettement, les Français commencent donc à pouvoir mettre leur jeu en place et là, au bon moment, remplacement des 2 piliers et début des ennuis irlandais pour les raisons que j'ai données plus haut dans l'article.
De même, en rafale, Jedrasiak est rentré en remplacement de Maestri ce quie est logique car ces 2 joueurs sont dans le même registre, combat au près et puissance alors que Flanquart va s'employer plus au large.
De même Machenaud remplace Bézy, encore un peu tendre à ce niveau mais c'est sûr qu'on tient là un sujet d'exception qu'il faudra laisser mûrir encore un peu.
Du coup Machenaud a apporté sa vitesse et sa puissance derrière un paquet d'avants qui se mettait à avancer et ça a commençé à faire de plus en plus mal car ça mobilisait des défenseurs irlandais et notamment la 3ème ligne, ce qui allait avoir de sacrées conséquences comme on le verra plus tard.
La mêlée irlandaise commence à souffrir vraiment et la rentrée de ses piliers remplaçants ne change rien au problème car ils ne sont pas au même niveau que le quatuor habituel.
Goujon effectuait également une entrée efficace en remplacement de Camara (crédité d'une bonne partie notamment en défense) ce qui poussait Chouly au poste de 3ème ligne aile.
De même Bonneval remplaçait Thomas qui n'avait pas pu trop exprimer son talent dans un match aussi fermé.
Et là, advint la 70ème minute avec une mêlée à jouer aux 5 mètres sous les poteaux irlandais pour la France suite à un essai justement refusé par l'arbitre.
La punition commence, la mêlée irlandaise mise au supplice concède la faute et je me dis que le choix est cornélien, soit on prend la pénalité et on revient à 9 à 6 sachant qu'il reste 10 minutes à jouer soit on reprend mêlée vu qu'on domine maintenant ce secteur du jeu.
Les Français se sentent forts, choisissent la 2nde option et rebelote, faute irlandaise sous la pression...
On reprend donc justement mêlée, je me dis que ça va être le 10 de der car, en général, les arbitres, à la 3ème faute consécutive de l'équipe défendante sur mêlée aux 5 mètres (on a vu ça lors de la dernière Coupe du Monde),ne cherchent pas à savoir, filent sous les poteaux, accordent essai de pénalité et mette en prime un carton jaune au pilier qu'ils jugent fautif.
Ben là, même motif, mêlée irlandaise au supplice mais repénalité plutôt qu'essai et je pense que vous imaginez mon état de rage après l'arbitre dans mon fauteuil...
Hop, 4ème mêlée et je me dis que cette fois, l'arbitre ne pourra pas faire autrement que de l'accorder cet essai mais ça ne se passe pas comme prévu car le ballon sort directement en axial gauche de la mêlée sans avoir été canalisé, ce qui me fait penser à une simple erreur technique plutôt qu'à une tactique délibérée.
Machenaud ramasse le ballon à la volée, se lance dans l'espace vu que le 3ème ligne aile irlandais va être en retard car il est concentré sur sa poussée en mêlée en soutien de son pilier qui va souffrir une fois de plus, Médard accourt au soutien comme son poste d'arrière et son rôle dans ce cas de figure le demande, Machenaud le sert dans le temps juste, Médard pourrait à son tour à l'extèreieur donner pour un essai imparable mais préfère crocheter intérieur sur le 3ème ligne aile venu en retard et va marquer l'essai libérateur entre les poteaux.
Chapeau pour l'adaptation au jeu surtout qu'à mon avis, c'est en raison des circonstances de jeu que ça s'est joué car ce coup-là, normalement ça se joue avec départ du 3ème ligne-centre côté fermé qui cadre la 3ème ligne adverse, sert le demi de mêlée qui prend l'espace et sert ensuite dans le temps l'arrière intercalé, or là, le troisième ligne centre, on ne l'a pas vu ce qui me fait dire, surtout au vu de l'axe gauche et surtout de la rapidité de sortie du ballon de la mêlée que les joueurs se sont plutôt remarquablement adaptés à une superbe cagade sous la mêlée au départ !!!
Mais rien à dire et Novès a dû apprécier cette adaptation instantanée car ça relève on ne peut mieux de cette intelligence situationnelle chère à l'école toulousaine donc, bravo les gars...
9 à 8...
Plisson, qui s'affirme de plus en plus, même si je leui reprocherais de ne pas assez alterner son jeu, transforme l'essai et voilà qu'on mène 10 à 9 !!!
La pile électrique Chat remplace Guirado et Doussain remplace Danty sur blessure.
Mais ça ne change rien, l'équipe de France maîtrise parfaitement les 10 dernières minutes, obtenant même une énième pénalité au coup de sifflet de final, pénalité qu'elle ne tente pas préférant expédier directement le ballon en touche pour savourer au plus vite cette victoire tant attendue sur une nation majeure européenne et on ne saurait leur en vouloir.
En conclusion, je dirais que l'équipe de France a su faire preuve de valeurs qu'on ne lui avait pas forcément vues depuis pas mal de temps, que tout est encore loin d'être parfait, notamment dans l'alternance du jeu mais qu'on discerne très nettement les options d'animation offensive et défensive prises par Novès et son staff auxquelles les joueurs semblent adhérer...
Donc, il faut continuer à bosser, s'appuyer sur cette victoire probante pour continuer à travailler sereinement et s'apprêter à aller défier les Gallois dans 15 jours dans leur antre du Millenium qui a visiblement changé à nouveau de nom (sans doute encore un de ces nouveaux sponsors) alors qu'on commençait à peine à s'y faire suite à l'abandon du mythique Arms Park de Cardiff (Fait chier quand même)...
Au Pays de Galles, ça ne va pas être de la tarte et mais il faut y aller sans se poser de questions, en bossant dur dans le même état d'esprit et advienne que pourra...
En attendant :
ALLEGRIA !!!