Billet de blog 20 octobre 2015

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Rugby EDF : 4 ans de purge pour voir ça, avec la complicité du milieu du rugby

Bonjour à tous, Après le désastre, le temps de l'analyse a sonné. Je ne résiste pas à la tentation d'émettre une modeste contribution qui viendra en complèment de celle du concombre masqué et de celle de Didier Blanc. Rugby français année zéro !!!

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Bonjour à tous, Après le désastre, le temps de l'analyse a sonné. Je ne résiste pas à la tentation d'émettre une modeste contribution qui viendra en complèment de celle du concombre masqué et de celle de Didier Blanc. Rugby français année zéro !!!

Gagner ou perdre, au fond, là n’est pas l’essentiel, car après tout ce n’est de la guerre dont il est ici question, mais de sport. Et il faut accepter d’avoir des jours tristes et d’autres plus glorieux, c’est là un raccourci de la vie.

Mais voilà, il y a perdre et perdre !!! Après une défaite face aux irlandais pourtant fragilisés par tant de blessures (O'Connell, Sexton, O'Mahony), face aux All blacks, ce n’est pas une défaite, c’est un désastre, une déroute et j’en passe. C’est  la Bérézina et  Azincourt à la fois pour l’échec de la stratégie et Verdun pour le carnage. Pourquoi utiliser une image guerrière au juste en cette période de centenaire (ô combien navrant et triste tant il n’est guère heureux de commémorer une guerre qui a creusée le tombeau de la domination de l’Europe sur le monde et a engloutie des millions d’hommes et toute une génération) de le Der des ders ? Parce que j’y vois un parallèle désespérant. Celui de la stratégie des chefs. Celui de l’incapacité à innover et à penser la modernité. En 1415 devant la forteresse d’Azincourt les archers britanniques et leurs longbow ont taillé en pièces notre chevalerie pourtant certaine de sa supériorité. C’était déjà en octobre, il y a 600 ans. En 1812, lors de la retraite de Russie dans la Bérézina les grognards napoléoniens sont morts noyés et gelés par l’hiver russe. La rudesse de l’hiver russe n’était pourtant pas exceptionnelle. A Verdun, la boucherie des tranchées a vu mourir toute une génération de vaillants soldats….Que d’erreurs de stratégie !!!

Notre Equipe de France de rugby à 15 (de la fédé dirigée par de vieilles branches au manager Philippe Saint-André nommé par cette dernière) nous offre depuis 4 années un spectacle navrant nourri de méthode Coué qui ne leurrait pas les plus lucides. Mais au fond, le mal est bien plus ancien, tant la finale de 2011 n’a été qu’un mirage.

Notre rugby, son projet de jeu s’apparente à une « guerre de position, de tranchées » obsolète et old-schoool, alors que le rugby d’aujourd’hui s’apparente à un « jeu de mouvement ». PSA a préféré faire du rugby auto-tampons, bulldozer, rentre dedans à la sud-africaine et a donc choisi les profils de joueurs en conséquence…. C’est ainsi qu’il aligne des « poilus » version mammouths, golgoths, aux pieds plombés, aux carrures d’athlètes body-buldés, gonflés à la K2000, aux heures de musculation (et au reste…), mais parfaitement incapables de se déplacer rapidement, de mettre du rythme, de la vitesse et de la justesse dans les passes ou dans les coups de pieds.

Quand le rugby moderne demande aux 2° lignes (vaillants combattants, rudes au mal) de savoir courir et sauter à l’image de Whitelock et Retallick, Henderson, Toner, O’Connel, Lavanini, Douglas, Simmons, Gray et consorts, PSA aligne 2 joueurs de devoirs, 2 joueurs lourds, très lourds de la vieille école Maestri-Papé, leurs 120 kg, plus habiles dans le rentre dedans et le corps à corps (parfois les bourres-pifs) qu’aptes à sauter en touche et sur les renvois, à se déplacer vite et longtemps et arriver rapidement sur les points de rencontre si importants que sont devenus les rucks… Car c’est là que se jouent les rencontres. Et les pieds plombés, la masse physique n’y sert pas à grand-chose lorsqu’on arrive en retard. Les rucks sont plus nombreux que les mauls-touches-mêlée de l’antique rugby.

Idem pour la 3° ligne. Qu’il s’agisse de flankers ou de 3° ligne centre, voilà les postes les plus exigeants et importants du rugby d’aujourd’hui. Ce sont les rouages essentiels pour donner de la vitesse au jeu ou  le ralentir. Et quand les O’Brien, MacCaw et plus encore Hooper, Fardy et Pocock ou Read font des merveilles et sont les premiers au soutien ou sur les phases de rucks pour plaquer, récupérer ou gratter les gonfles, où sont nos 3° lignes ????? Picamoles joue aux autos-tampons et sonne les charges de cavalerie lourde certes fièrement, mais pour quel résultat. Dusautoir paraît de plus en plus avoir besoin d’un déambulateur pour déplacer son corps meurtri par ses formidables matchs d’antan et n’apporte plus rien du tout ballon en mains. Puisque Lauret et Burban sont restés en France et que Jean-Pierre Rives a arrêté depuis longtemps, le seul flanker ayant les qualités pour se déplacer vite, à mettre du rythme, à avoir du jump, du punch dans ce groupe était Nyanga. Où était-il pendant 4 ans ? Sur le banc de touche ou en tribune, comme d’ailleurs au Stade Toulousain (j’y reviendrai). Bilan des opérations ? Un naufrage dans les rucks et un apport offensif proche du néant pour des 3° lignes à la ramasse et asphyxiés. Torse nu Read est sans doute moins gaillard que Louis Picamoles (porté aux nues par les commentaires chauvins et partiaux du duo Jean-Pierre – Laporte aux micros sur Tf1) mais tellement moins prévisible, plus efficace, plus intelligent, et doué ballon en mains….. Hooper ou Pocock sont sans aucun doute moins prestigieux que Dusautoir, mais tellement plus efficaces par la vitesse de leurs déplacements et le nombre de ballons grattés….Les anglais ont oublié cet aspect là du rugby en laissant le formidable Armitage dans le Var au profil rare de gratteur, pour le résultat que l’on sait…

A la mêlée, Pourquoi continuer à penser que le ½ de mêlée doit d’abord et avant tout être un « chef de meute » comme l’étaient Fouroux ou Berbizier quand les nations majeures font le choix de ½ de mêlée vifs, rapides, instinctifs et redoutables animateurs comme savait l’être le grand Jérôme Galion jadis et comme le sont aujourd’hui Aaron Smith ou Genia. PSA et avant lui Lièvremont préfèrent aligner Parra. Et tant pis si la passe est d’une lenteur qui n’a d’égale que la vitesse des déplacements.  Demain les Pelissié et autres Bézy feront bien mieux l’affaire et buttent aussi.

A l’ouverture. On cherche encore un ouvreur de très niveau en France. C’est l’Arlésienne et cela depuis plus de 10 ans. Après 12 années d’aveuglement cette coupe du monde a enfin (et c’est triste car le mec est un bon gars) a démontré que Michalak n’a jamais été un ouvreur de classe mondiale, encore moins un buteur fiable. Ses trop rares exploits l’ont été contre des nations de 2° rang et ne leurrent personne d’autres que les gogos et son faible jeu au pied d’occupation de cadet, comme son mental bien fragile dans les grands matchs se voient comme le nez au milieu de la figure. Mais on a préféré laissé Trinh Duc à Montpellier. Trop talentueux sans doute. Il termine bien tristement une carrière au cours de laquelle il aura été constamment sur-côté, jamais indiscutable, mais il fallait  à ce sport une belle gueule et une icône pour « vendre » avant et après l’épisode Chabal. Sans tête de gondole, le gogo se barre….

Et pour couronner le tout, les ¾. Là où jadis les nations majeures du rugby craignaient les Sella, Codorniou, Blanco, Boniface, Charvet, N’Tamack et consorts, que sont-ils devenus nos ¾ ? 4 années à jouer avec 2 coffres à ballons au centre qui pourraient jouer avec des moufles que ça ne changerait rien. L’un (Bastareaud) pète tout droit en lançant difficilement ses 120 kg (dont certains sont nettement en trop à l’heure de la diététique), l’autre (Fofana) malgré des crochets aux fulgurances rares  oublie quasi systématiquement que le ballon doit vivre et qu’à l’aile la vie est belle comme disait l’autre. Des placards à ballons vaillants et ô combien courageux, mais après ? Et le pli est pris depuis des lustres, des lunes à ce poste. Je me souviens du fantastique et géant Didier Codorniou sans égal pour faire une offrande et  passer sur un pas, pour faire jouer les partenaires après lui, si élégant et si efficace. Sacrifié au profit du solide nîmois Marc Andrieu et ses déjà 90-95 kg. C’était il y a 25 ans… Plus tard on y a vu Dourthe, Liebenberg et tant d’autres dans un registre similaire car il fallait mettre les barbelés au centre du terrain.                                                                                                                                                                    Je ne m’étendrai pas sur le choix de Dulin à l’aile ou  de Speeding aux relances tellement stéréotypées et que TF1 s’évertue à  « vendre » comme un cador du poste à chaque match.                                                                                                                        Il existe pour demain des Ben Arous (au profil de pilier moderne), des Maurouard, des Jedrasiak, des Bézy, des Pelissié,  des Bonneval, des Plisson, des Trinh-Duc, des Grosso, des Belan, des Germain, des Vahaamahina, des Lauret, des Tichit, des Chavancy, des Baille,  des Camara, des Gourdon, des Burban, des Bonfils, des Lamerat,  et d’autres qu’on pourrait essayer ou revoir sans oublier des joueurs actuels qui pourraient mieux s’exprimer dans un vrai système de jeu moderne.

Notre rugby a perdu son âme. C’était un sport de combat dans lequel les ¾ cherchaient le plus souvent contournement et évitement, il n’est plus qu’un sport de collisions.  Et les responsables sont comme le dit Jacques Verdier dans le Midol à tous les étages, dans toutes la « famille » du rugby pour laquelle la soupe est bonne. Oui il faut parler de la complicité active du « milieu »,  de  lâcheté de l’entourage et de servilité de presque tous (ou presque). Or quand on ne paye pas l’addition, mais qu’on est invité, on ferme sa gueule y compris quand le repas est mauvais. On attend d’être en « off » et de retour en voiture tard le soir pour dézinguer la cuisinière… Attention aussi à l’endogamie dans le choix des techniciens qui limite la perception du rugby !!!

*  Jamais vu autant de joueurs étrangers en Top 14 et les « jokers » Coupe du monde (ou pas) par exemple au Stade toulousain (pourtant pas le plus à blâmer) ne font qu’accentuer la tendance de fond (Gray, Orlandi, Perez…). Plus un ailier qui ne soit fidjien, un pilier géorgien dans les effectifs. Et à ce jeu là, les jeunes rugbyman(s) français cirent le banc. A titre d’exemple, il m’étonnerait fort que le si prometteur ¾ centre toulonnais Belan joue beaucoup avec le retour de Giteau, Bastareaud et l’arrivée de Nonu. Pourtant que de promesses chez ce joueur !!!

* Jamais compris à quoi servait Serge Blanco déguisé en responsable du Haut niveau si ce n’est à vivre sur la bête comme un apparatchik qu’il est devenu. Triste parcours pour cet esthète du ballon ovale qui a tant servi jadis ce sport et qui s’en sert tant à présent…

* Jamais vu un sport avec autant de « consultants » et autres « spécialistes » sur les plateaux télés à multiplier les analyses aussi gentilles qu’une cousine et plates que les plages de la mer du Nord. Faut pas cracher dans la soupe, pardi. Mais arriver bien sapé, cravaté, poser les mains sur la table et parler quand le maître de séant vous donne la parole après avoir levé le doigt.  A croire qu’on veille un mourant.

* Jamais vu à propos de soupe autant d’argent en jeu dans ce sport dans lequel les joueurs, managers et autres entraîneurs (parfois encore en activité) faire des piges à la télé, les radios ou dans la presse pour donner leurs avis d’experts de la balle ovale. La « soupe » doit être bonne car la table est de plus en plus garnie et les couverts nombreux. Il y en a certes de très pertinents et très bons (tels Françis Deltéral ou Thomas Lombard), mais quand le nombre atteint ces proportions, ça frise l’overdose et pire encore, le conflit d’intérêts…. Car comment parler franchement et sans langue de bois de performances et de jeu  proposés par des gars qu’on fréquente (ou fréquentais hier) tous les jours ou presque ? L’Omerta a de beaux jours devant elle, l’endogamie  et la langue de bois aussi. Pas surprenant non plus en ces temps de médias training et de consultants en communication qui aseptisent les propos comme une tisane à la camomille une soirée entre amis. Jamais vu autant de joueurs semblant plus préoccupés à monnayer leurs nombreux contrats publicitaires avec des partenaires (vendant qui de l’eau gazeuse, qui des céréales, des matériaux et des assurances et de l’oseille….Sofinco par çi, Gédimat, Saint-Yorre, Fressynet et tartampion par là) que par les performances. L’argent coule à flots et c’est à se demander, à croire si les partenaires ne jouent pas indirectement un rôle clé pour la composition des listes et de la sélection….

Pour finir, l’enthousiasme général qui a suivi la nomination de Guy Novès pour succéder à PSA me fait dire que la « révolution culturelle » nécessaire du rugby français que nous appelons tous de nos vœux est bien mal embarquée. Bien sûr Guy Novès est un manager reconnu au palmarès exceptionnel à faire pâlir d’envie n’importe quel entraîneur. Mais à y regarder de très près, le style de jeu et le profil des joueurs du Stade toulousain de ces dernières saisons et ceux de l’EDF sous l’ère PSA sont bien proches. Et si j’admirais et me régalais à voir jouer les « rouges et noirs » aux temps des Califano, Soula, Portolan, Miorin, Bélot, Cigagna, Janik, Maset, Lacroix, Dispagne, Deylaud, Charvet, Bonneval, Codorniou, Berty, N’Tamack et j’en oublie, les dernières années, quelle purge !!! Et si on remplace Papé par le samoan Tekori aux côtés de Maestri et Bastareaud par David, le projet de jeu est le même. Jouer aux autos-tampons autour de Picamoles et Bastareaud (David). Pour les combinaisons innovantes, les angles de courses recherchés, les passes au cordeau, la vitesse, le rythme et le dynamisme, on repassera. Vive le trop fameux triptyque du rugby français : Conquête (statique, soit touche et mêlée) – DéfenseDiscipline. Un CDD « chiant », « désespérant » et « douloureux » à regarder. Comme si le rugby ce n'était que ça et rien d'autre. Pour le reste et le spectacle (car c’est d’abord un spectacle), fermez y a rien à voir. Et c’est aussi là une des raisons  profondes de la colère et du désarroi des amateurs de rugby. Si le corps du rugby français est bon, c’est la tête qui va mal. Si le rugby français est aujourd’hui exsangue, comme nos poilus de 14, ses soldats  rentrent tête basse à la maison quand les poilus de 14 rentraient en héros.

Il faudra sans doute aussi  un jour poser la question des responsabilités du capitaine Thierry Dusautoir (déjà contesté avant la très improbable finale de 2011) dans ce fiasco et celles de tous les autres acteurs du monde du rugby à paillettes dans lesquelles ils se lovent. Car si responsable soit-il et sans doute en premier lieu pour le choix d’un projet de jeu désespérant et son entêtement à le conserver contre vents (contraires) et marées (noires), « fusiller » PSA en place publique ne résoudra rien sans une véritable et générale remis en question en profondeur.

Et les prochaines élections pour la présidence de la fédé vont donner le ton. Dans ce panier de crabes dans lequel les intérêts personnels et les égos sur dimensionnés n’ont d’égal que la rivalité entre les Armagnacs et le Bourguignons en pleine de guerre de Cent ans jadis, je ne suis pas certain que la lucidité sera le premier atout du prochain président. J’ai en effet entendu un candidat qui bat activement la campagne, ancien ministre des sports prendre bien  soin de protéger ses arrières (ses intérêts) en ne blâmant ni les joueurs, ni le staff de l’EDF dire en direct à la mi-temps du désastre contre les néo-zélandais : « Ils sont mi-figue mi-raisin ces blacks… ». Quelle lucidité M Laporte !!!  

Ah et puis si TF1 pouvait changer le trio Thierry Lacroix-Ch. Jean-PIerre - B. Laporte aux commentaires, parce que cette année, c'est l'overdose de chauvinisme, de partialité et de médiocrité....

                              Espérant malgré ce tableau peu reluisant des jours meilleurs.

Amitiés ovales à tous.

Christophe LASTERLE

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