La graine et le mulet …
Tu es la poutre avec laquelle les équipes bâtissent leurs succès à venir. Comme le disait si bien l'ami Jacques Fouroux, avec son accent inimitable et en Gascon dans le texte :
« No scrum, no win ! »
Pilier, tu es condamné aux travaux forcés, aux taches obscures qui te privent plus sûrement de ballons qui ne te désignent pour les lauriers à glaner. Pilier, obscur des tâches ingrates, laborieux des efforts collectifs, étayeurs des envolées aériennes, balayeurs des arrêts buffets, enclume et marteau des coups des folies …
Le cuir ne te revient pas souvent, la gonfle se paie ta tronche, elle se veut la maîtresse exclusive de de ce menu fretin, ces cabotins, qui se prennent pour les ¾ de l'équipe alors qu'ils en sont tout juste la moitié. Ces être frêles et rapides s'accommodent sans vergogne de bénéficier du fruit de tes sacrifices pour briller aux soleils médiatiques.
Ton nom ne figure jamais aux tableaux d'honneur de notre sport, ces étonnants « talent d'Or », carottes médiatiques qui n'ont aucun sens dans ce sport intrinsèquement collectif. Tu participes bien peu à ces quelques lignes qui décrivent l'évolution chiffré du score en oubliant le travail de sape que tu menas sans compter.
Ta seule récompense officielle et fort fréquente hélas est cette petite palme jaune que te décernes avec délectation un arbitre excédé des soubresauts incessants de la mêlée. Il lui faut bien un bouc émissaire et sa méconnaissance de la zoologie lui fait passer une mule pour une 'chieuvre !'
Tu passes tes matches et tes entraînements à pousser sous le joug dictatorial de ce petit homme qui passe son temps à aboyer, à ordonner, à réclamer. Plus il crie, plus tu le respectes, toi qui dans la vie, n'est pourtant pas homme à te faire marcher sur les pieds …
Étrangement, tu es prêt à tout pour ce demi homme, ton demi dieu. Tu désires lui offrir des ballons propres, libres de toute entrave pour qu'ils puisse faire briller les autres. Tu es à ses ordres, à son entière dévotion. Il te cornaque, te mène par le bout du museau, t'oriente, te pousse, t'impose des besognes qui peuvent mettre ton intégrité en jeu ! Tu vas plonger tête la première dans des brasiers incandescents, tu vas relever la tête ou les poings pour distribuer et prendre à sa place des soupes de phalanges …
C'est une certaine opulence naturelle qui t'a poussée vers ce poste d'académicien. Beaucoup se sont moqués et t'affublent de surnoms disgracieux et quelque peu grossiers. Si la métaphore animalière t'amuse, l'allusion morphologique t'exaspère à juste titre. On a dit « Pas le physique ! »
Mais de tout cela, tu n'as cure. Tu ne goûtes rien mieux que la compagnie de tes semblables, partenaires ou adversaires, qu'importe, tous appartiennent à cette confrérie secrètes des piliers de cœur. C'est au pied de la tireuse ou des terrines que l'on vous retrouve entre frères de cette lute souterraine. Vous y évoquez vos duels jusqu'au bout de l'envie !
Vous revivez chaque entrée, vous évoquez les filouteries, les coups de vice et les moins vertueux, vous recommencerez chaque mêlée, chaque combat dans cette passion dévorante si incompréhensible pour les autres, les moins du quintal !
La ferveur qui vous anime est discrète. L'exubérance vous la laissez à tous les autres. Vous jouissez calmement de ces conversations qui font de vous les piliers de la sagesse !
Stoïquement vôtre.