Article de Patrick Le Hyaric paru sur son blog le 31 juillet 2014.
En cette semaine de commémoration du centenaire de l’assassinat de Jean Jaurès – ce héros mort en avant des armées -, il est utile de s’arrêter sur une situation mondiale de plus en plus incertaine, confuse et à bien des égards dangereuse.
Des rives de L’Europe au Mali, de la Côte d’Ivoire à l’Irak, de La Lybie à la Syrie ou en Afghanistan, et depuis le Proche-Orient nous parviennent l’écho des tensions et conflits, les lourds bruits d’enfer de guerres. A Gaza, non content d’emmurer tout un peuple, le privant de tout ce qui est essentiel à la vie quotidienne, voilà que la cinquième armée du monde déverse sur lui un déluge de fer et de feu, expérimentant des armes de plus en plus sophistiquées, rasant maisons, écoles, hôpitaux et quartiers entiers sans que rien ne vienne arrêter le massacre. Des guerres de proies disait Jaurès, celles qui sont mues par l’appât des gains : gains financiers, gains de territoires, gains de ressources énergétiques et demain, recherche de gains hydrauliques.
Pendant longtemps, des populations entières, dans la souffrance, pouvaient compter sur la forte et originale voix de La France. Celle de la justice et de la paix qui a commencé à s’éteindre au fur et à mesure que notre pays s’inféodait à une Union Européenne se plaçant sous la coupe de L’OTAN. Une France dont la conception gaulliste a été foudroyée quand Mr Sarkozy l’a faite rejoindre le commandement intégré de cette OTAN, quand il a insulté les peuples africains et s’est allié en quelques heures avec Mr Cameron pour aller bombarder La Lybie aujourd’hui en lambeaux. Cette insupportable rupture avec l’orientation constante de la diplomatie française depuis la Libération se poursuit aujourd’hui avec Mr Hollande. Déjà de gros doutes existaient sur les objectifs réels des opérations militaires françaises.Voici que le président de la République se place ostensiblement en soutien de la droite Israélienne elle-même alliée à l’extrême droite la plus raciste, haineuse à l’endroit des arabes. Or comme membre permanent du conseil de sécurité de l’organisation des Nations Unies, la France a la responsabilité très particulière de dire et de faire respecter le droit international. Celui-là même que le pouvoir de Tel-Aviv viole en permanence.
Faut-il le rappeler sans cesse ? Depuis 1967, l’Etat D’Israël bafoue des dizaines de résolutions des Nations Unis et occupe, domine et colonise des terres, vole des maisons et l’eau des palestiniens. C’est la violence de cette interminable et profonde injustice qui ne peut que provoquer en retour des refus justifiés, des révoltes, des résistances que l’OLP et l’autorité palestinienne ont voulu pacifique. C’est d’ailleurs pour décrédibiliser les légitimes résistances palestiniennes que les gouvernements israéliens ont favorisé l’émergence d’organisations comme Le Hamas contre le Fatah et L’OLP après que cette dernière, sous l’impulsion de Yasser Arafat, ait reconnu clairement le droit à l’existence de l’état d’Israël.
Pourquoi les autorités françaises et la plupart des médias ne partent-ils pas de là au lieu d’alimenter des haines malsaines en faisant croire à une guerre de religion, alors qu’il s’agit d’un mouvement de libération nationale et de résistance contre un occupant ? Pourquoi donner le mauvais signal d’interdiction de manifestations qui ne réclament que l’application du droit international si ce n’est pour donner des gages au gouvernement de Tel-Aviv alors que là-bas aussi on manifeste courageusement pour le droit, la justice et la paix ? Chez nous, ces nombreuses et dignes manifestations sont pourtant l’honneur de la France de Jaurès, celle des Lumières et de la Résistance au nazisme, qui virent, ensemble, gaullistes, communistes, socialistes, avec des catholiques, des juifs et d’autres humanistes, empêcher le pire au prix d’indicibles sacrifices et souffrances. Aujourd’hui encore, cette unité, dans la diversité des citoyens et des peuples, peut enfin obliger les chancelleries à agir autrement et fortement. Tel est l’intérêt des citoyens israéliens. Qui peut croire en effet, qu’après avoir détruit le dernier tunnel à Gaza, éliminé le dernier combattant du Hamas, après avoir semé pour la cinquième fois en quelques années la terreur, la mort et la désolation dans ce petit bout de territoire, les Israéliens connaîtront la sécurité et la paix ? Bien au contraire, seule la haine de l’autre aura progressé avec la promotion de nouveaux combattants encore plus radicalisés (1). L’Histoire démontre amplement qu’on ne peut impunément maintenir un peuple sous domination, enfermé dans une prison à ciel ouvert, sous un blocus de fer. La France officielle doit donc faire entendre la voix de la raison et de la justice et agir à partir d’un principe simple et indiscutable : celui du respect du droit international.
- Elle doit agir pour que désormais l’Organisation des Nations Unies ait le mandat de relancer un processus de discussions pour la mise en œuvre des toutes ses résolutions. Celui-ci serait appuyé par la France, l’Union Européenne, les Etats Unis, La Russie se prononçant sans ambiguïté pour l’existence des deux Etats. Cela implique d’urgence la mise sous protection internationale du peuple palestinien en même temps que serait assurée la sécurité des Israéliens. Ceci nécessiterait sûrement le déploiement de forces internationales sous mandat de l’ONU et des couloirs humanitaires protégés de telle sorte que les palestiniens puissent partout accéder à une vie normale, partout y compris dans les camps de réfugiés. Autant de conditions nécessaires pour permettre la reconstruction de Gaza. Le dialogue inter-palestinien entamé avec la formation du gouvernement d’unité nationale doit être soutenu pour déboucher sur des élections législatives et présidentielles. Dans ce cadre, les prisonniers politiques, à commencer par les parlementaires palestiniens, au premier rang desquels Margwan Barghouti, doivent être libérés (2).
- La relance d’un tel processus pourrait se faire par une conférence internationale pour la justice et la paix au Proche Orient dont La France devrait prendre l’initiative. Son objectif, clairement proclamé à la face du monde, serait la reconnaissance des deux Etats dont celui pour le peuple palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale avec toutes les garanties de sécurité pour Israël et sa population. Les faucons israéliens doivent sentir que, cette fois, il n’y aura pas d’échappatoire.
- L’administration américaine et les institutions européennes ont pour responsabilité de le leur faire comprendre. Enfin, un plan d’aide et de développement économique et humain doit aider à enclencher une nouvelle dynamique qui ouvrirait la porte au droit au retour des réfugiés et à la souveraineté économique et politique de la Palestine.
- Il revient à la France de porter un tel projet. En renouant ainsi avec le meilleur de ses traditions, elle rendrait un immense service au monde. Elle regagnerait un considérable crédit auprès des peuples arabes et bien au delà, tout en régénérant sa reconnaissance auprès du peuple Israélien. « Impossible »? me dira-t-on. Les grandes puissances, le conseil de sécurité disposent d’une multitude de moyens politiques, diplomatique, commerciaux, à commencer par l’arrêt de la fourniture d’armes à l’armée israélienne. Seul le mouvement international des peuples peut débloquer la situation. Aux actes donc ! Il y a urgence.
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(1) C'est moi qui souligne
(2) Environ 5200 prisonniers sont détenus à ce jour (mars 2014) dans les prisons israéliennes dont des femmes, des enfants, des personnes âgés et des personnes malades, en toute illégalité au regard du droit international. Vous pouvez les aider et les soutenir en les parainant.