Billet de blog 11 juin 2008

Vincent Truffy (avatar)

Vincent Truffy

Journaliste à Mediapart

Ne l'appelez plus jamais presse

Laurent Joffrin est partout ce mercredi 12 juin, lorsque l'on ouvre la presse. Chez lui d'abord, dans Libération, où il écrit que «Libération n'est pas seulement un journal, mais un atelier de production d'idées, de contenus et de valeurs qui s'exprime à travers le site Internet, l'image, le son et les événements, autant que par l'intermédiaire du quotidien papier. Cette évolution va à coup sûr s'accentuer ce qui entraînera la réinvention permanente de notre journal et la transformation de ses méthodes de travail».

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Vincent Truffy

Journaliste à Mediapart

Laurent Joffrin est partout ce mercredi 12 juin, lorsque l'on ouvre la presse. Chez lui d'abord, dans Libération, où il écrit que «Libération n'est pas seulement un journal, mais un atelier de production d'idées, de contenus et de valeurs qui s'exprime à travers le site Internet, l'image, le son et les événements, autant que par l'intermédiaire du quotidien papier. Cette évolution va à coup sûr s'accentuer ce qui entraînera la réinvention permanente de notre journal et la transformation de ses méthodes de travail». Bel exercice de communication interne, absolument incompréhensible à l'extérieur, si ce n'est que Libé, ou du moins son PDG, ne considère plus qu'il relève de la presse — entendez presse papier — et qu'il offre des articles — mais plutôt des contenus. Discours déjà entendu ailleurs:
Emily Bell du Guardian: «We 're moving away from defining ourselves as a newspaper company. But we are still news. We are news-oriented, we are a news media company.»
Dan Bogler du Financial Times: «We see ourselves as a news organization and we're becoming much more agnostic about our distribution channels.»
Jonathan Landman du New York Times: «We're a news and information company, not just a newspaper or print company.»
Quand je pense à la vieille américaine qu'on appelait la Gray Lady, aurait chanté Sardou...

Pendant ce temps, Mediapart fait le chemin inverse et tente de faire reconnaître qu'on peut être une entreprise de presse sans abattre des arbres pour imprimer ses articles.
Le patron de Libération se fait beaucoup plus clair chez un concurrent, puisque Les Echos publient, le même jour, une interview: «Nous avons engagé une réflexion de fond sur les contenus du quotidien papier et du Web que je présenterai aux actionnaires et à l'équipe. « Libération » doit être dans un processus permanent de transformation. La situation actuelle nous conduit à redéfinir ce qu'est le journal et la nature de l'entreprise Libération. Le rapport au lecteur a changé. De plus en plus, le journal papier doit être bien autre chose que la synthèse de l'actualité de la veille. Nous devons proposer une offre globale « papier + Web » enrichie par d'autres produits hebdomadaires ou mensuels. Il y a encore trop de redondances entre le papier et le Web. Par ailleurs, nous devons réfléchir à une augmentation de notre offre de fin de semaine. Enfin, « Libération » doit aller plus loin dans l'incarnation de sa marque. Cela suppose une modification de l'organisation de la rédaction pour constituer une plate-forme commune de production « image-texte-son » qui nous permettrait de produire des images. Soit pour une émission sur une chaîne, soit pour la simple vente de reportages.»

On retrouve là, le serpent de mer déjà formulé lors de l'élaboration de Libé III (1994) de «renforcer l'offre du samedi». Sauf que cette fois, l'urgence pourrait donner plus de réalité à ce projet et — qui sait? — concrétiser la rumeur qui veut que Laurent Joffrin propose de laisser le traitement de l'actualité en continu à Liberation.fr, de confier l'expertise quotidienne aux blogs et de restreindre les parutions de 6 par semaine (tous les jours sauf le dimanche) à 3 (lundi, mercredi, samedi). Le lundi, dit le bruit, regrouperait les pages Rebonds (des tribunes libres et des analyses maison), le mercredi les livres et le cinéma, le week-end la culture, les idées de sorties, les reportages.